Collaboration
Au cours de mes recherches, j’ai trouvé une abondante littérature sur la coopération et la collaboration des enseignants, qui m’a permis d’abandonner rapidement le concept de coopération au profit de celui de collaboration. En effet, Letor définit en 2010 la coopération comme le fait de « partager des idées, des espaces, du matériel avec (des) collègues dans un contexte d’injonction à travailler ensemble». Si effectivement, le partage, l’échange d’idées et de ressources est un des objectifs de la file de CIF, en considérant l’isolement géographique des enseignants concernés et le peu de séances annuelles, il semble impossible d’espérer travailler ensemble de manière efficace. Elle complète, en ajoutant que « la coopération suppose une dépendance réciproque » (Letor, 2010), ce qui est un non-sens dans le contexte de cette étude. On peut ajouter, que coopérer concerne les « enseignants qui vont oeuvrer ensemble dans une situation d’enseignement face à des élèves. C’est le cas lorsque, dans la classe, enseigne un maître surnuméraire. » (Marcel, Dupriez, Périsset Bagnoud, Tardif (sous la direction de), 2007) Le concept de coopération peut donc être définitivement écarté pour notre étude, et en contre partie, nous embrasserons celui de collaboration.
Tardif et al. confirment la pertinence du concept de collaboration dans le cas d’enseignants isolés, puisque selon eux, « la collaboration se caractérise par la communication entre les acteurs concernés. Elle existe quand des enseignants travaillent ensemble pour élaborer des objectifs, des projets, des séances d’enseignement alors qu’ils restent seuls face à leurs classes. » (2007). Les enseignants d’appui n’ayant pas la possibilité de co-enseigner avec leurs pairs, c’est dans le cadre d’une réflexion en amont que la collaboration pourrait leur être bénéfique. « Tardif et Lessard (1999) distinguent deux dimensions au rôle collectif des enseignants, l’une formelle qui recoupe des activités telles : la participation à des réunions, les rencontres, les tâches communes, les journées pédagogiques, etc. ; et l’autre informelle qui comprend des activités dont les frontières sont plus difficilement délimitées, telles les échanges d’idées ou de matériel, les conversations dans la salle de repos des enseignants, etc. » (Jacquet & Dagenais, 2010)
Population
La population concernée par cette étude regroupe tous les enseignants du canton de Vaud dispensant des appuis de FLSco à l’OPTI. L’effectif cantonal des enseignants d’appuis de FLSco varie chaque année selon le nombre d’élèves ayant besoin de ce soutien pédagogique. Pour l’année scolaire 2013-2014, cela ne concerne que sept enseignants répartis sur tous les sites de l’OPTI. J’ai pu ainsi avoir la chance d’interroger 100 % de la population cible, et de ce fait, proposer des informations pertinentes. En effet, comme l’explique Lauraine Savoie-Zajc (2007, p.104), « si mon échantillon est homogène (nommé « cas typiques » par LeCompte et Preissle), je pourrai, lors de la discussion des résultats, dégager une compréhension riche pour un groupe donné d’individus. » Parmi les sept enseignants, trois enseignaient les appuis de FLSco à l’OPTI pour la première fois. Il était donc essentiel de leur laisser suffisamment de semaines d’expérience avant de procéder aux entretiens. « On peut échantillonner des moments de collecte de données.
De telles décisions sont basées sur la connaissance des rythmes des organisations et de la planification de leur temps quotidien, hebdomadaire, mensuel, annuel, en fonction de cycles de travail ou d’opération. » (Savoie-Zajc, 2007, p.104) De cette manière, j’ai fait le choix de mener mes entretiens la dernière semaine de novembre. À cette époque de l’année, les enseignants ont pu prendre leurs marques avec leurs élèves, mettre en place une routine dans leur pratique, se confronter aux enjeux pédagogiques de ces appuis, etc. De cette manière, les informations communiquées lors des entretiens ont pu refléter plus pertinemment la réalité de leur pratique. Ces enseignants sont isolés. À l’exception de l’OPTI de Lausanne-centre, où il y a deux enseignants pour ces appuis, il n’y a qu’un enseignant de CIF par site. À noter que cette année, il n’y a pas eu d’appuis de FLSco à Aigle. La seule communication entre tous les enseignants du canton est la concertation de file annuelle qui ne dure que deux heures. Il n’y a ni curriculum, ni plan d’étude, ni référentiel de compétences pour guider les enseignants qui ne sont pas toujours formés dans cette branche, et n’ont parfois que peu ou pas d’expérience en FLE.
Insertion dans la démarche pédagogique de l’OPTI
Les résultats présentés ne me permettent que partiellement de valider ma troisième hypothèse. (III)Les appuis de FLSco s’inscrivent clairement dans une démarche pédagogique cohérente. En effet, si plusieurs démarches sont mises en place pour inscrire les appuis de FLSco dans la démarche pédagogique générale de l’OPTI, de fortes disparités entre sites ont été mises à jour. Certaines démarches et réflexions, comme la méthode de repérage des élèves, et la communication avec les maîtres de français, existent et sont efficientes sur certains sites, mais il est encore possible d’augmenter la précision de la première et la fréquence de la seconde. Ici, les enseignants d’appuis de FLSco peuvent jouer un rôle en s’imposant avec une attitude positivement collaborative. En ce qui concerne, les communications avec la direction, nous avons mis à jour deux « écoles ». À l’OPTI centre (Lausanne + Bussigny) les échanges ont été institutionnalisés par deux concertations annuelles des enseignants de tous les appuis en présence des doyens et du responsable de direction. Sur les autres sites, les enseignants interrogés manquent de recul, pour apporter un témoignage recevable pour mon travail.
Tous les OPTI du canton ont le même objectif principal : l’insertion professionnelle des jeunes, en les aidant à trouver une place pour la rentrée prochaine soit en CFC ou en AFP, soit dans une école des métiers, soit au gymnase pour quelques uns15 ou alors dans une autre mesure de transition si aucune des solutions précédentes n’a été possible. Les appuis de FLSco ont été mis en place pour aider les élèves allophones à combler leur lacunes en français, afin de réaliser leur projet professionnel quel qu’il soit. De cette manière ces appuis devraient s’inscrire dans la démarche pédagogique de l’OPTI, en amont et en aval. J’entends par là, qu’il y ait une réflexion commune autour de ces appuis, en prenant en compte la provenance des élèves, la classe dans laquelle ils évoluent cette année et leurs projets de formation pour la rentrée prochaine. Cette approche systémique, ne peut être efficace qu’en communiquant de manière systémique aussi, c’est à dire en ayant un dialogue avec les enseignants de classes d’accueil de l’année précédente, avec le maître de français de l’année en cours et en étant renseigné sur les exigences langagières pour la formation visée l’année suivante. Pour cela il est important que ces cours de soutien pour allophones, ne se déroulent pas en « autarcie », mais que les maîtres réguliers de français et la direction (doyens ou directeurs), communiquent avec les enseignants d’appuis de FLSco au sujet des objectifs et des progrès des élèves.
Les différences d’effectifs mis en lumière précédemment, me poussent à m’interroger sur la raison de ces écarts entre sites. Y a-t-il moins de besoins ? Les critères de « sélection » sont-ils différents ? Comment repèret- on les élèves ? La question a été posée à tous les enseignants d’appuis de FLSco. Les enseignants m’ont fait part de six modes de repérage des élèves nécessitant des appuis de FLSco plus ou moins subjectifs. Les deux plus employés sont le test de français de rentrée (commun à tous les élèves) et la décision du maître de français : ils constituent six des dix réponses données. Cela s’inscrit dans la démarche pédagogique de notre organisme, qui préconise qu’au début des appuis, « un diagnostic pédagogique doit être fait par l’enseignant demandeur et le maître d’appui. » (OPTI centre mode d’emploi, 2013) Le test de rentrée, créé par les enseignants de français, révèle également la volonté marquée d’évaluer dès le début de l’année le niveau de français des élèves afin de procéder à un enclassement par niveau pour certains sites (Morges), mais surtout, pour tous les sites, de repérer les élèves ayant des difficultés « spécifiques » (dislexie, allophonie…).
Il serait pertinent que l’enseignant d’appuis de FLSco, mieux habitué à repérer les erreurs de français typiques des allophones, puisse consulter les tests des élèves arrivant de classe d’accueil, pour vérifier s’ils pourraient encore avoir besoin d’appuis adaptés. Et que se passe-t-il lorsqu’un élève allophone, maîtrise parfaitement les notions de français qu’il a déjà vues et se refuse à risquer de se tromper à l’écrit ? Sera-t-il repérer par le test de « français pour francophone » de rentrée ? De plus, seule les compétences langagières d’expression et de compréhension écrites sont évaluées par un tel test. Proposition très pertinente et objective, le test de FLE niveau B1 du CECRL16, pratiqué à Payerne afin de différencier les élèves susceptibles d’être intéressés par les appuis de FLSco (faible nombre d’années de scolarisation en milieu francophone) et ainsi choisir ceux dont le niveau de français est le plus faible, pourrait pallier ces lacunes. La question se pose toutefois sur le niveau seuil du CECRL le plus pertinent B1 ou B2 ? La discussion sera lancée à la prochaine séance de file. Autre mode de repérage, bien que peu représenté dans les réponses, le parcours scolaire de l’élève est pris en compte par les maîtres de classe et de français dans la mesure où il leur permet de repérer un élèves qui vient de classe d’accueil et qui pourrait avoir besoin d’aide supplémentaire en français. Cinq des sept enseignants d’appuis de FLSco étant maîtres de français, ils participent donc, également au repérage des élèves d’un oeil avisé.
1 Introduction |