Dans le contexte contemporain, l’idée de développement est inséparable de la préoccupation axée sur l’adaptation des orientations, des priorités, des actions, des pratiques et des manières de faire. En effet, les transformations des conditions économiques et sociales impliquent une adaptation constante des communautés et des collectivités afin de relever les défis découlant des changements de leur environnement et, ce faisant, de maintenir leur capacité concurrentielle sur les marchés nationaux et internationaux et de favoriser l’amélioration des conditions de vie.
Dans le contexte de changement et de transformation de la société contemporaine, les adaptations requises nécessitent de faire preuve de créativité, d’imagination d’innovation, que nous associons à l’ entreprenariat. Il implique un état d’esprit reposant sur l’ouverture et le souci de se questionner constamment et de façon permanente sur la valeur des produits offerts et leur capacité de répondre aux attentes et aux besoins de la population. L’ entreprenariat peut donc se manifester non seulement dans les entreprises privées à but lucratif de type traditionnel, mais également dans les organisations publiques et celles du tiers-secteur (organismes communautaires et à but non lucratif).
Dans les pratiques quotidiennes, l’ entreprenariat est associé à l’ acte entrepreneurial. Il s’ agit des choix des intervenants concernant les orientations et les actions en vue de traduire en biens et services utiles à la population les intuitions et les idées des intervenants. En somme, c’est la traduction des idées en biens et services qui rendent compte du passage de l’intuition ou de l’intention à l’action. Dans une perspective de développement des collectivités territoriales, nous retenons l’idée de « l’ entrepreneuriat collectif» qui favorise les adaptations des agents et des organisations au sein des communautés.
Qu’en est-il de l’entrepreneuriat civique en ce début de millénaire? Sur ce point, Henton et al. nous apportent un éclairage intéressant:
« Born of fundamental economic, political, technological, and demographic shifts, a new kind of leader is emerging to help America ‘s communities thrive as they enter an era of continuo us change. Civic entrepreneurs are catalysts for building economic community. They forge the ties that bind economy and community for their mutual benefit. Civic entrepreneurs help communities collaborate to develop and organize their economic assets and to build strong, resilient networks between and among the public, private, and civil sectors » (Henton et al., 1997: 33).
« Across America, a new type of grassroots leader is building communities for a new economy. These civic entrepreneurs are helping communities collaborate to compete in the information age. From all walks of life, they are a new generation of leaders who forge news, powerful productive linkages at the intersection of business, government, education, and community. Grassroots leaders is the story of people building vital, resilient economic communities in turbulent times » (Henton et al. , 1997 : xv).
« Civic revolutionaries discover, then they decide, and then they drive change … Perspective on regional innovation will help leaders connect to one another across regions for learning, communication, and support » (Henton et al., 2003 :14).
«Civic revolutionaries, acting as regional stewards, are experimenting with new ways of addressing critical, complex issues that cut across multiple political jurisdictions and constituencies … » (Henton and al., 2003 : 9).
L’ expérience enseigne que les acteurs du développement ont fait un usage restrictif de l’idée de l’entrepreneurship civique: au lieu de s’appliquer à la capacité entrepreneuriale de tous les acteurs, soit les acteurs privés, publics, et communautaires, l’idée de l’entrepreneurship civique a été appliquée aux entreprises du secteur privé. Afin de corriger cette vision réductioniste, la notion révolutionnaire civique a été utilisée pour tenter de mieux rendre compte du souci d’ ajuster les comportements des acteurs de toutes les sphères d’ activités en vue de réaliser des actes entrepreneuriaux. On voulait bien faire comprendre que l’entrepreneurship n’était pas propre et exclusif au secteur privé, mais était également présent dans les secteurs publics et communautaires.
Les déterminants du développement
Compte tenu du contexte que nous venons de présenter, la gouvernance et la gestion du développement impliquent, en pratique, la prise en compte des déterminants du développement dans l’élaboration et la réalisation de programmes de développement. Une bonne connaissance des forces et des facteurs qui influencent le développement économique et social dans le contexte contemporain constitue le fondement de toute réflexion, discussion et intervention. À cette fin, il est proposé de considérer les effets des étapes majeures de l’évolution de la pensée qui ont eu un effet significatif sur les transformations de la société au cours du dernier siècle. Dans un premier temps, il est surtout question des facteurs de développement associés aux ressources naturelles, au travail et au capital financier et physique. Par la suite, le rôle du capital humain et de la technologie est mis en évidence. Nous en sommes maintenant à la prise en compte du capital intellectuel, relationnel, informationnel et organisationnel pour expliquer les conditions et les exigences du développement économique et social contemporain (Gittel, 1998 ; Blakely, 1989 ; Jacobs, 1984 ; Jacobs, 2001). La gouvernance et la gestion du développement impliquent, en pratique, la prise en compte des déterminants du développement dans l’ élaboration et la réalisation de programmes de développement.
Dans le cadre de la recherche de l’ amélioration des conditions économiques et sociales au sens large, le développement nécessite l’ articulation des aspects économiques et sociaux. Cette articulation peut être réalisée au moyen d’une perspective et d’une vision intégrée et horizontale que nous associons à une approche écologique. Il s’agit de tenir compte de l’interdépendance entre la diversité des choix des intervenants et de leurs actions. Le développement implique donc que les membres d’une communauté locale et régionale assument leur liberté et leur droit de choisir d’une manière responsable et respectueuse des intérêts des uns et des autres. Nous reconnaissons ici le rôle de l’ouverture, de la transparence et de l’imputabilité dans le cadre d’un leadership et d’un partenariat de responsabilité et de solidarité axée sur la recherche d’un dosage entre la concurrence ou la rivalité et la coopération ou la mise en commun des capacités et des potentiels. Il ne s’agit pas d’un leadership et d’un partenariat de domination et d’exclusion, d’où l’importance de la territorialité pour traduire cette préoccupation en actes et en gestes. Ainsi, nous assurons une meilleure prise en compte des déterminants du développement. Dans ce contexte, les différents acteurs sont impliqués et engagés dans le développement dans les cadres d’une collaboration et d’une coordination. La structure organisationnelle territoriale joue alors le rôle d’intégration des interventions sectorielles. Elle constitue une matrice en vue de renforcer l’unité territoriale.
Les contraintes et les exigences du développement
En somme, la raison d’être du développement est l’élargissement des choix qui s’offrent aux individus et aux collectivités. Ces possibilités de choix sont néanmoins limitées et susceptibles de changer au fil du temps, compte tenu des possibilités et des contraintes. Ainsi, les individus, comme les collectivités, accordent de l’importance et attachent une valeur significative à des résultats et à des réalisations qui ne se traduisent pas nécessairement ou immédiatement en termes de taux de croissance et d’augmentation de revenus monétaires. C’est le cas pour la santé, l’éducation, le logement, le temps de loisir, la sécurité ainsi que la participation à la vie démocratique et aux activités de la communauté (Riverin, et al., 1981 : ch.l ; Commission on Growth and Development, 2008). Trois contraintes majeures doivent être considérées dans l’établissement des stratégies et des programmes d’intervention, soit les objectifs et les résultats visés, le choix des moyens d’action, et l’harmonisation des objectifs et des moyens d’ action.
Les objectifs et les résultats désirés ne sont pas aisément chiffrables, datables et localisables, car les acteurs veulent conserver une marge de manœuvre et ne sont pas intéressés à se mettre la tête « sur le billot », ni à prêter flanc à la critique et à la contestation. De plus, nous reconnaissons que les objectifs sont multiples et conflictuels ou contradictoires et que les résultats sont souvent diffus et intangibles .
Le choix des moyens d’action n’est pas aussi facile et mécanique qu’on pense. L’éventail des moyens d’action est limité par les considérations idéologiques et nos limites informationnelles, intellectuelles et techniques. Comme les objectifs, le choix des moyens est soumis à des arbitrages et aux débats politiques.
Quant à l’harmonisation des moyens et des objectifs, nous ne sommes jamais assurés de l’adéquation des moyens avec les objectifs étant donné que les informations et les connaissances utilisées dans l’établissement des choix sont limitées. Qui plus est, le caractère changeant de l’environnement remet constamment en question la pertinence des choix et nous sommes confrontés au difficile passage de l’intention à l’action.
INTRODUCTION |