Le cas spécifique de l’entreprise adaptée UtopiHa

Le cas spécifique de l’entreprise adaptée UtopiHa

UtopiHa, une réalité économique au service d’un projet social 

La devise d’UtopiHa est « s’occuper des Hommes, de la Terre et partager équitablement ». Celle-ci formalise à la fois ses valeurs et sa mission, au service de ses salariés et du développement durable et local. Le choix du nom « UtopiHa » a émergé lors de la définition des valeurs de l’entreprise. Il a, bien évidemment, pour racine le mot « utopie » inventé par Thomas More en 1516 pour désigner la société idéale qu’il décrit dans son œuvre Utopia . Ce néologisme est ensuite repris par différents écrivains, notamment, François Rabelais dans Gargantua  en 1534 qui dépeint l’utopie comme une communauté d’individus vivant heureux et en harmonie. C’est cette image qu’a voulu incarner l’équipe d’UtopiHa, lors du choix de ce nom. Par ailleurs, le « H » en majuscule représente l’aspect humain qui habite l’entreprise. Il représente à la fois la volonté de garantir le bien-être au travail de chacun, ainsi que la mission d’UtopiHa en tant qu’entreprise adaptée (EA) d’employer des travailleurs handicapés .

Une entreprise adaptée est une entreprise à part entière qui a les mêmes redevabilités au regard de la législation et le même souci de rentabilité qu’une entreprise classique, du milieu ordinaire. En effet, le modèle économique d’une EA est bien similaire à celui d’une entreprise classique puisqu’elle doit s’autofinancer à 80%. La principale différence réside dans le fait qu’une EA doit respecter un quota d’emploi de 80% minimum de travailleurs handicapés à des postes de production. Ces personnes reconnues travailleurs handicapés sont orientées par la MDPH et ont accès à des conditions adaptées à leurs besoins. De ce fait, les EA bénéficient, à leur tour, d’aides au poste allouées par la Direccte (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) pour compenser l’accompagnement de l’entreprise envers les salariés et les conséquences du handicap sur le travail effectué. La Direccte est une instance de contrôle, elle veille au respect des dispositions du code du travail, par l’intermédiaire de l’Inspection du travail. Pour ce faire, un Contrat d’Objectifs Triennal (COT) est signé entre l’entreprise et la Direccte ; celui-ci vaut agrément. Il s’agit d’une convention préalable indispensable à la création de toute entreprise adaptée et qui garantit son statut. Tous les trois ans, l’entreprise est évaluée par les services de l’Etat, au regard des objectifs du contrat à échéance. Ce COT permet notamment aux EA d’émettre des attestations d’unité bénéficiaire à leurs clients afin d’attester le recours à un contrat de fournitures, de sous-traitance ou de prestation de service. Elles permettent aux entreprises de plus de 20 salariés ne remplissant pas l’objectif des 6% de travailleurs handicapés de réduire la taxe due à l’Agefiph (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées). L’Agepfiph collecte les contributions des entreprises de 20 salariés et plus ne remplissant pas les obligations légales. Elle se charge, par ailleurs, d’accompagner les personnes handicapées et les entreprises dans leurs démarches liées à l’emploi ; ainsi que de nouer et d’animer des partenariats afin d’amplifier les politiques publiques en faveur des personnes handicapées.

Au travers de la loi relative à l’Avenir professionnel du 5 septembre 2018, quelques éléments sont amenés à évoluer d’ici au 1er janvier 2020. En effet, l’un des objectifs de cette loi étant de favoriser l’emploi des travailleurs handicapés dans le milieu ordinaire, elle réforme l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH). Ce qui change pour les entreprises du milieu ordinaire :
– La déclaration devient obligatoire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille
– Le taux d’emploi, fixé aujourd’hui à 6% sera revu tous les 5 ans à la hausse Ce qui change pour les EA :
– L’obligation d’employer au moins 55% de salariés handicapés au sein de l’effectif global de l’entreprise
– L’apparition de CDD Tremplins pour proposer à des personnes handicapées volontaires de bénéficier, dans le cadre d’un parcours limité dans le temps, d’une expérience professionnelle, d’une formation qualifiante et d’un accompagnement renforcé et individualisé, de manière à définir un projet professionnel.
– Le COT devient le Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM), en vue de simplifier les conditions d’agrément et de conventionnement et pour une meilleure lisibilité des actions menées en faveurs de travailleurs handicapés éloignés du marché du travail.

Dans ce contexte, UtopiHa sera amenée à être d’autant plus actrice dans le soutien, l’identification et la consolidation du projet professionnel de ses salariés en situation de handicap. En effet, il s’agit d’un des objectifs d’une EA : l’accompagnement des travailleurs handicapés à la réalisation de leurs projets professionnels, dans l’entreprise elle-même, ou en dehors avec d’autres employeurs. Par ailleurs, l’apparition des CDD Tremplins, aujourd’hui circonscrits à un nombre d’EA s’étant portées volontaires pour expérimenter ce procédé, pourra être élargi ultérieurement. Ceci sera à intégrer dans le fonctionnement d’UtopiHa et impliquera peut-être une modification de l’organisation, en particulier au regard de la gouvernance partagée qui serait, en partie formée de membres temporaires.

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Historiquement, l’entreprise SMAP (Société Multi Activités Professionnelles), située à Vauxle-Pénil (Seine-et-Marne) assurait des activités d’entretien d’espaces verts, de fonderie et de conditionnement/reconditionnement de fournitures du bureau. En 2014, un changement de direction s’opère, lors duquel une activité de collecte et tri de déchets de bureau est intégrée à la structure. L’entreprise devient franchisée du réseau ELISE, composé d’entreprises adaptées et d’entreprises d’insertion. Implantée sur tout le territoire national, elle compte 39 entités en métropole et 1 entité à la Réunion. Son périmètre d’activité en termes de collecte se situe sur les départements de l’Essonne, la Seine-et-Marne, le Val de Marne et le tiers sud-est de Paris.

Aujourd’hui, l’entreprise emploie 39 salariés, elle a réalisé, en 2018, un chiffre d’affaire de 1 830 000 €. Elle a actuellement le statut de SASU (Société à Action Simplifiée Unipersonnelle) et prévoit une transition vers un statut SAS-Scop (Société par Actions Simplifiée – Société Coopérative et Participative) pour l’année 2020.

Cette activité de gestion des déchets permet à la fois d’élever les qualifications du personnel et d’inscrire l’entreprise dans une démarche de réparabilité et de développement durable. En 2016, l’entreprise change de nom pour s’appeler UtopiHa et se recentre sur ses fondamentaux : l’activité de fonderie à la fois marginale et génératrice de pollution est abandonnée, elle est remplacée par un atelier de réparation de matériel récupéré lors de la collecte de déchets. Par ailleurs, l’entreprise polarise son activité sur le tri et la collecte des déchets. Engagée dans la réduction des déchets, UtopiHa est approchée par la start-up rennaise Newcy qui développe sur sa région un concept de gobelets lavables compatibles avec les machines à café automatiques. Dans le cadre de son développement commercial en Ile-de-France, Newcy était à la recherche d’une entreprise adaptée ou d’un ESAT où y installer une station de lavage pour y traiter les gobelets collectés sur la région. UtopiHa est donc devenue la station de lavage et l’opérateur de collecte de gobelets pour l’Ile-de-France en décembre 2018. Ce démarrage se fait de manière assez chaotique puisque la méthode appliquée sur la région rennaise est difficilement duplicable à l’Ile-de-France, les volumes de gobelets à laver étant bien plus conséquents. De nombreux ajustements sont donc nécessaires afin d’apporter une prestation de service satisfaisante aux clients de Newcy mais aussi des conditions de travail convenables pour les personnes travaillant sur cette activité au sein d’UtopiHa.

Afin de diversifier ses activités et d’investir un domaine qu’elle juge d’avenir et porteur de sens, UtopiHa a lancé un projet de ferme permacole qui sera porté par l’association les Jardins BiotopiHa. Les objectifs du projet sont les suivants :
• Créer des emplois pérennes et non délocalisables
• Participer à l’insertion professionnelle pour des personnes en situation de handicap
• Atteindre l’équilibre financier par la production
• Proposer des produits sains et abordables
• Accueillir des bénévoles
• Proposer des ateliers et des projets pédagogiques
• Développer une étude en open source, accessible à tous
• Renforcer les structures locales et les circuits courts .

L’association est actuellement en attente d’une réponse de la Préfecture concernant l’autorisation d’exploiter. En effet, les effectifs de l’association ne comptant pas d’exploitant agricole, il est nécessaire de passer par une commission spécifique. La réponse devrait être rendue à la fin de l’année 2019 permettant ou non le démarrage du projet. Au cours de l’élaboration du projet, UtopiHa a été contactée par la Direccte afin d’envisager un potentiel rassemblement avec une association de Seine-et Marne, la Main Verte, dont les membres du Conseil d’administration souhaitent partir. Cette association œuvrant dans le domaine des espaces verts et du maraichage, elle est agréée entreprise adaptée et engagée dans une démarche d’entreprise apprenante. Le rapprochement entre les entités d’UtopiHa, des Jardins BiotopiHa et de la Main Verte semble donc avoir tout son sens, en particulier dans une vision globale de mise en place d’un projet de territoire.

Table des matières

Introduction
I. L’émancipation des individus
A. De l’empowerment au développement du pouvoir d’agir, les grands courants de pensées liés à l’émancipation des individus
B. Les personnes en situation de handicap, de la discrimination à l’émancipation ?
II. Le cas spécifique de l’entreprise adaptée UtopiHa
A. UtopiHa, une réalité économique au service d’un projet social
B. La transmission d’un projet à tous les salariés ?
III. Participer à un projet commun d’entreprise
A. La Scop : un outil de la gouvernance partagée pour la pérennisation d’un projet
B. La gouvernance partagée en tant que vecteur de développement du pouvoir d’agir pour des personnes en situation de handicap
Conclusion

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