LE CAS PARTICULIER DU ROBOT AU CINEMA

LE CAS PARTICULIER DU ROBOT AU CINEMA

Dans la fiction, lorsque l’on parle des robots, il s’agit avant toute chose de leur représentation. En littérature, ils sont décrits par les mots de l’auteur, que le lecteur transforme en perception mentale. En bande dessinée, en illustration, dans le jeu vidéo et dans les films d’animation, les robots sont des représentations visuelles du robot. Ce ne sont pas des robots concrets, réels. Comme Magritte, nous le fait comprendre avec son tableau LA TRAHISON DES IMAGES (1928–1929, huile sur toile, 59 × 65 cm ; musée d’art du comté de Los Angeles), son célèbre tableau représentant une pipe, sur lequel on peut lire « Ceci n’est pas une pipe ». Le message que veux faire passer Magritte avec cette peinture, c’est que même une image, aussi réaliste soitelle, ne reste qu’une image, une représentation, ce n’est pas vrai. Les robots de fictions des médiums précédemment cités, ne sont donc que des représentations, des fantasmes. Dans le cinéma de prise de vues (en opposition au cinéma d’animation 2D et 3D), le concept de robot est un peu différent, car nous ne sommes pas que dans la représentation. Le robot au cinéma est un sujet très spécial, que l’on peut découvrir sous plusieurs couches, plusieurs strates. Dans les différents médiums que sont la bande dessinée, le dessin animé, ou le jeu vidéo, la représentation est toujours picturale, que ce soit de l’encre et de la gouache, de digital painting, des pixels, ou des polygones. Au cinéma, le robot doit paraitre réel, aussi, au fil des décennies, de nombreuses techniques se dont développées pour que les robots à l’écran paraissent réalistes et crédibles. Nous aborderons donc uniquement les robots dans les films « live », délaissant à regret les extraordinaires robots des films d’animation, dessins animé, stop motion, ou images de synthèse. Cependant certaines techniques d’animation seront abordées quand elles auront servi à animer un robot dans un film avec prises de vues réelles.

Humains dans un costume

Il ne reste malheureusement plus de copies des films représentant des êtres artificiels au début du cinéma. Nous avons déjà cité GUGUSSE ET L’AUTOMATON, les diverses adaptations de l’H OMME AU SABLE, COPPELIA, LA POUPEE ANIMEE, THE DOLL MAKER DAUGHTER, ou encore THE MECHANICAL STATUE AND THE INGENIOUS SERVANT. 43 Mary Henderson, Star Wars la Magie du Mythe – A la source des mondes fabuleux de Georges Lucas, France Loisir (France: Presse de la cité, 1999). 44 Cameron, Terminator. LE CAS PARTICULIER DU ROBOT AU CINEMA 41 Pour les représentations de Coppelia, première gynoïde du cinéma, elle était incarnée par une comédienne. Nous ne savons rien du film de Méliès qui est pourtant en 1897, le premier film à représenter un être artificiel et par la même, le premier film de science-fiction de l’histoire du cinéma, cinq avant le VOYAGE DANS LA LUNE. Nous ne savons pas si l’Automaton du film, était joué par un acteur ou par un véritable automate. La première véritable représentation qui nous soit parvenue d’un être artificiel au cinéma est celle du film Britannique, THE AUTOMATIC MOTORIST, en 1911. Ce film est intéressant à plusieurs titres. Il marque les débuts de la représentation d’un être artificiel mécanique au cinéma utilisant un acteur en costume. C’est aussi la première représentation d’un type de robot, l’humanoïde « boite de conserve », le tronc, les bras, et les jambes prennent la forme d’énormes cylindres de métal. Les formes peuvent être recouvertes de rivets, pour rappeler les tôles d’avion et de voiture, et dans le cas de notre chauffeur mécanique, on retrouve des détails une trappe ou une valve pour renforcer le côté machine. Bien sûr, cet aspect géométrique et énorme a pour but de vraiment séparer les machines de l’humain, par la matière, la simplification des formes, et l’aspect colossal qui témoigne aussi de la puissance de la machine. C’est aussi une contrainte technique, il faut effacer, masquer entièrement l’acteur qui porte le costume. Pour renforcer cet aspect mécanique, nous avons un magnifique décor peint illustrant un atelier de mécanicien futuriste, avec de nombreux outils et mécanismes. THE AUTOMATIC MOTORIST introduit aussi une gestuelle qui perdurer longtemps dans la représentation des êtres artificiels mécaniques (nous n’utiliserons le terme robots qu’après son invention). Ainsi, en plus d’un nouveau vocabulaire de forme, c’est une bibliothèque de mouvements qui commence à voir le jour. Inspiré probablement des automates, l’acteur effectue des mouvements saccadés, rectilignes. Ou bien, c’est le costume probablement lourd, et peu pratique qui impose cette gestuelle au comédien. On imagine bien la difficulté à bouger avec cette énorme armature, sans compter qu’on ne sait pas si malgré les orifices au niveau des yeux, il voit quelque chose. Il doit déplacer un corps artificiel qui n’est pas le sien Comme nous l’avons expliqué, ce film est une des premières représentations qui nous soit parvenues d’un être artificiel mécanique, on ne connait pas les figurations précédentes. C’est pourquoi ce métrage a une certaine saveur, celle de la première fois que l’on découvre cette première espèce, le scénario, la mise en scène évoque la naissance de cette espèce. L’automobiliste automatique, quand il est mis en route a une démarche peu assurée, il tombe même vers l’avant, comme un enfant en bas âge qui commence à marcher. Ce parallèle de la petite enfance, avec la mise en route de la machine, et la naissance au cinéma d’un nouveau type de personnage, est assez saisissante. Ce qui a été mis en scène pour créer un effet comique, trouve un autre écho quand on le remet dans une perspective historique sur l’apparition de ces êtres de métal autonomes au cinéma. Autre fait intéressant, ici, la machine est définie par sa fonction, « motorist » en anglais, signifie automobiliste, ce qui peut expliquer l’apparence d’un humanoïde. C’est sa tâche, sa fonction qui conditionne son existence. Visiblement, avoir un tel chauffeur, permet certaines prouesses, comme rouler sur des monuments historiques, voler devant la lune sans écraser, comme un clin d’œil à Méliès, rouler sur les anneaux de Saturne et rencontrer les habitants de la planète, ou encore voyager sous l’eau. Outre les gags visuels, c’est un vrai film de science-fiction, préfigurant les voitures autonomes ou amphibies. C’est film est peu connu, en comparaison des films de Méliès ou du futur METROPOLIS, pourtant, ce comédien en costume de machine artificielle autonome est le départ de beaucoup de choses en ce qui concerne l’arrivée 42 de ces personnages dans le Septième Art. Aujourd’hui, on peut le visionner sur les plateformes de partage de vidéo en ligne45. Quelques années plus tard, en 1919 aux Etas Unis d’Amérique, un autre être mécanique, similaire à celui du film de 1911, va voir le jour dans le sérial (séries de films épisodiques, ancêtres de nos séries T.V.)

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THE MASTER MYSTERY

Nous en avons déjà parlé un peu plus haut. Appelé « Homme de Fer » en français, ou « Iron Terror » en version originale. Deux interprétations assez différentes. Dans la version française, le personnage est défini comme un homme de fer, il n’est pas défini par sa fonction, mais par sa nature, alors que dans la version nord-américaine, il est appelé Iron Terror, Terreur de fer, il est donc nommé par le sentiment qu’il procure. Nous avons ici un thème récurrent de la science-fiction depuis le roman de Mary Shelley, la peur de l’être artificiel. Du côté de l’apparence, nous sommes toujours dans le design type boite de conserve. Si l’automobiliste du film précédent n’avait que des yeux comme signes distinctif du visage, notre terreur d’acier possède de yeux globuleux, un nez, une bouche, et des oreilles. Le design du visage est un peu grotesque, un peu moins moderne que le robot du film précédent. Le corps quant à lui, évoque plus l’armure de chevalier, à part au niveau du bassin où se trouve un énorme cylindre horizontal, probablement censé abriter les mécanismes des jambes. La démarche est toujours aussi peu assurée, les contraintes du costume s’harmonisent encore une fois avec le côté mécanique. Ici l’être artificiel est mise en scène comme une créature effrayante, elle terrorise, défonce les mûrs, assomme. C’est un robot au service d’un criminel. Dans L’UOMO MECCANICO de 1921, le robot est toujours incarné par un acteur, mais tout est mis en œuvre pour que nous n’en ayons pas l’impression. Pour commencer la machine fait plus de deux mètre cinquante. Les épaules sont assez basses par rapport au cou, ce qui permet d’agrandir la taille du robot par rapport à celle de l’acteur. De plus, la démarche suggère que l’acteur est sur des échasses. Le design est un peu plus sophistiqué que le robot précédent. Les formes cylindriques de base laissent la place à quelque chose de plus détaillé. Alors que l’automobiliste automatique avait été précurseur pour la tête en n’incluant que les yeux, ici, nous retrouvons encore les différentes caractéristiques faciales humaines, yeux, nez, bouche, oreilles. Les articulations des coudes sont très marquées, les jambes sont assez rectangulaires, il y a un contraste de forme qui nous fait penser que la forme du robot a été particulièrement étudiée. Une fois de plus, la réalité du costume et de son impraticabilité amène ç une démarche mécanique, qui fait la marque des robots du début du XXème siècle, mais encore aujourd’hui, près de cent ans après ce film, on trouve encore des personnes faire la danse des robots, en reproduisant la gestuelle des comédiens en costume de robot du cinéma muet.

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