LE CARACTÉRE PUNITIF DE LA SANCTION
L’intérêt.- Il est clair que l’intérêt de l’intervention du juge dans la rupture du contrat est la définition de la sanction la plus équitable et la plus adéquate pour chaque manquement et aussi d’infliger des sanctions au contractant défaillant. Traditionnellement, les dommages et intérêts réparent le préjudice provoqué par l’inexécution, mais un nouveau concept a vu le jour, sans pour autant qu’il soit adopté par l’ordonnance du 10 février 2016, dernière réforme du droit des contrats, il s’agit des dommages et intérêt punitif (§1). Cependant, il n’est pas impossible de voir le juge, prononcer la double sanction, une association entre la résolution du contrat et les dommages et intérêts. L’article 1217 de l’ordonnance du 10 février 2016, admet clairement le cumul de sanction. En effet, il est précise que « Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. » (§ 2) § 1 – LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS 593. Présentation.- Dans le projet de réforme CATALA de 2005 portant sur le droit des obligations, son article 1371 précise qu’en cas de faute manifestement délibérée de la part du débiteur, ce dernier doit être sanctionné par le biais des dommages et intérêts punitifs798. Le rapport rédigé par Messieurs ANZIANI et BETEILLE et rendu au sénat en 2009, 798 Voir l’article 1371 du projet de réforme réaffirme la solution des dommages et intérêts punitifs, en la rattachant principalement aux fautes lucratives et en la considérant comme la meilleure sanction, dans certains cas de contentieux contractuels. On s’interroge alors sur la place qu’occupe en droit français ce concept tout à fait nouveau (A). Il existe néanmoins une tentative d’admission de ces dommages et intérêts dits punitifs mais sous certaines conditions (B).
LA PLACE DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS PUNITIFS
L’inexistence en droit français.- Les dommages et intérêts sont régis en droit français par l’article 1383 du code civil et aussi visés par l’article 1149 du même code. L’origine des dommages et intérêts punitifs est anglo-saxonne mais on se demande si ce principe a sa place dans le droit positif français. 595. La position des juristes.- La doctrine et la jurisprudence françaises s’interrogent sur l’opportunité d’introduire les dommages et intérêts punitifs dans le panel de sanctions dont dispose déjà le juge. 596. Difficulté à l’admission.- Plusieurs obstacles entravent l’introduction des dommages intérêts punitifs. Ces obstacles, théoriques particulièrement, ne sont pas très nombreux. Le plus important est le principe de réparation intégrale du dommage provoqué par l’inexécution de l’obligation contractuelle ou autrement dit « Le principe d’équivalence entre le dommage et la réparation » 799, un principe affirmé explicitement par l’article 1149 du code civil. La Cour de cassation a aussi précisé plusieurs fois qu’en cas de manquement contractuel, le préjudice qui en découle doit être réparé intégralement en versant une somme d’argent fixée par le juge, qui a pour but de compenser la perte que le créancier a subie. 597. Une liberté très large.- En revanche cela ne veut en aucun cas dire que le juge a la possibilité d’octroyer une somme beaucoup plus importante, d’un côté pour punir le débiteur défaillant et de l’autre côté pour indemniser le créancier correctement et intégralement. Il est logique que l’auteur de l’inexécution qui a provoqué un préjudice à son partenaire est tenu réparer le dommage causé. L’intérêt de l’intervention du juge est donc d’assurer une réparation à la victime de l’inexécution d’une part et d’autre part, de protéger le débiteur contre une indemnisation qui pourrait être disproportionnée ou abusive. 598. La condition.- En définitive, il faut que les dommages et intérêts, alloués au créancier d’une inexécution, couvrent le préjudice et que celui-ci soit provoqué par un manquement contractuel. Dans le but de respecter ce principe, le juge se doit d’octroyer une indemnisation qui ne couvre que le dommage et il ne doit pas allouer à la victime un dédommagement supplémentaire, cela interdit formellement le versement de dommages et intérêts supérieurs au montant du préjudice provoqué par l’inexécution. C’est dans ce sens que la Cour d’Appel de Paris s’est prononcée dans son arrêt du 3 juillet 2006, dans lequel elle affirme qu’ « En droit français, l’indemnité nécessaire pour compenser le préjudice subi doit être calculée en fonction de la valeur du dommage, sans que la gravité de la faute puisse avoir une influence sur le montant de cette indemnité ». On comprend que la Cour d’Appel de Paris se refuse d’octroyer des sommes plus importantes que le préjudice subi. 599. Caractère.- La nature des dommages et intérêts punitifs est d’accorder à la victime, des dommages et intérêts qui dépassent le préjudice provoqué, dans le but de punir la partie défaillante. Cela reste toutefois incompatible avec le principe de réparation intégrale du dommage. Par conséquent, la condamnation à des dommages et intérêts punitifs, reste toujours inacceptable et n’est pas encore admise réellement dans le droit positif français. 600. Autre difficulté.- L’autre obstacle qui empêche le juge d’allouer des dommages et intérêts sont les garanties constitutionnelles. La notion de punition en droit civil français en général, entre dans le domaine de la responsabilité civile. Cette notion est plus utilisée en droit pénal ; cette distinction a pour but le respect et la garantie de justice et d’équité ainsi que l’établissement du principe d’égalité.