Le caractère hydrophile du minéral osseux

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Le tissu osseux : le collagène, l’apatite, la minéralisation

Le Tissu Osseux

Généralités, Composition

Le tissu osseux est un tissu conjonctif qui, avec le cartilage, constitue l’endosquelette des vertébrés [1], [2]. D’un point de vue mécanique, il supporte le poids du corps permettant ainsi son déplacement en conjonction avec les muscles et les articulations, et fournit également une protection aux organes internes. D’un point de vue métabolique, il sert comme réservoir ionique prenant ainsi part à l’homéostasie du fluide extracellulaire. Il est également connu pour son rôle hématopoïétique [3] (i.e. la sécrétion et le renouvellement des cellules sanguines) puisqu’il renferme la moelle osseuse. Enfin, d’un point de vue de la science des matériaux, le tissu osseux est un matériau hybride minéral-organique (ce qui le classe ainsi dans la catégorie des tissus durs) qui possède une organisation très sophistiquée. La constance requise pour assurer les propriétés mécaniques du tissu osseux paraît en contradiction avec son besoin de versatilité afin d’assurer ses fonctions métaboliques ; ce qui traduit la grande complexité de ce tissu.
Les constituants élémentaires du tissu osseux, regroupés dans le Tableau 1, sont les suivants :
(i) Le composé majoritaire en masse est un minéral de phosphate de calcium carbonaté (~64 % en masse), lequel cristallise sous la forme de nanocristaux adoptant une structure d’apatite. Il s’agit de la phase cristalline la plus stable thermodynamiquement dans des conditions physiologiques parmi tous les phosphates de calcium [5], [6].
(ii) Le second constituant est une protéine polypeptidique, le collagène de type I (~22 % de la masse totale et ~90 % de la masse protéique) qui adopte un arrangement fibrillaire.
(iii) Le troisième constituant est l’eau (~9 % en masse). Cette eau se trouve aussi bien sous forme d’eau dite libre au sein du fluide extracellulaire, que sous forme d’eau physisorbée à la surface du minéral ou bien en interaction avec des molécules organiques, mais également en tant qu’eau de structure incorporée dans le réseau cristallin de l’apatite.
Ces trois constituants majoritaires que sont le minéral, le collagène de type I et l’eau seront présentés de manière plus approfondie dans la suite de ce manuscrit.
(iv) Vient ensuite une multitude de macromolécules appelées protéines non-collagéniques (PNCs) (~3 % en masse). On distingue plusieurs sortes de PNCs, dont environ 25 % d’entre elles sont de nature exogène puisqu’elles proviennent principalement du plasma sanguin, et sont ainsi appelées protéines plasmatiques comme l’albumine, la transferrine ou encore l’hémoglobine-β par exemple [7]. Le reste est au contraire produit par des cellules ostéoformatrices (i.e. les ostéoblastes). Ainsi ces PNCs endogènes sont localisées au sein même de la matrice extracellulaire où elles sont en interaction intime avec tous les acteurs de la minéralisation osseuse. Il n’est pas étonnant dès lors qu’on les suspecte de jouer des rôles multiples et distincts à chaque étape, de la nucléation à la croissance du minéral, à la façon avec laquelle le minéral se dépose puis s’organise au sein de la matrice de collagène, ou bien même d’avoir également un rôle d’inhibition envers la précipitation du minéral [8]–[10]. De plus, ces PNCs endogènes sont tellement nombreuses, de l’ordre de 200 au sein d’un os bovin par exemple [11], qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive. On peut néanmoins les classer selon trois catégories principales [7], [9] :
– Les protéines GLA, appelées de cette façon car elles possèdent un domaine riche en résidus glutamate gamma-carboxylé (ou résidus GLA). Elles sont au nombre de trois : l’ostéocalcine, la MGP (pour Matrix GLA Protein), et la GRP (pour GLA-Rich Protein).
– Les glycoprotéines, sont des hétéroprotéines constituées d’une partie polypeptidique sur laquelle sont greffés des chaînons formés de plusieurs oses ou dérivés d’oses. Cette catégorie de PNC comprend l’ostéonectine, l’ostéopontine, la BSP (pour Bone SialoProtein) ou la DMP-1 (pour Dentin Matrix Protein-1) par exemple. Les trois dernières sont appelées SIBLINGs (pour Small Integrin-Binding LIgand, N-linked Glycoproteins).
– Les protéoglycanes, sont constituées d’une chaîne polypeptidique sur laquelle sont greffées des chaînes linéraires glycosaminoglycanes (ou GAGs). Cette catégorie de PNC comprend la décorine par exemple.
Les protéines GLA sont connues pour leur forte affinité à l’égard du calcium des cristaux d’apatite via leurs résidus glutamate gamma-carboxylé [12]. De manière plus inattendue, il a été décelé récemment qu’une protéine GLA comme l’ostéocalcine, exclusivement sécrété par les ostéoblastes au sein de l’os, a également une fonction endocrinienne régulant des fonctions physiologiques qui n’ont rien à voir avec le tissu osseux ; comme stimuler la sécrétion d’insuline [13] ou encore favoriser la production de testostérone [14]. De leur côté, les SIBLINGs, appelées également protéines acides car riches en résidus acides aspartique et acides glutamique, jouent notamment un rôle dans l’adhésion des cellules à la matrice extracellulaire (MEC, voir ci-dessous), ainsi que comme support de nucléation pour le minéral [8]. Un protéoglycane comme la décorine est connu pour sa capacité à se lier au collagène, régulant ainsi potentiellement l’agencement tridimensionnel des fibrilles. Parmi ces PNCs produites de façon endogène, on trouve également un grand nombre de ce que l’on appelle des facteurs de croissance. Parmi eux, par exemple, les BMPs (pour Bone Morphogenetic Proteins) ou les TGF-beta (pour Transforming Growth Factors), lesquels ont des actions spécifiques sur l’ostéogénèse. L’ostéogénèse correspond à la l’élaboration du tissu osseux, depuis l’activation des cellules progénitrices jusqu’à l’étape finale de minéralisation. Enfin, on trouve également plusieurs enzymes, comme la phosphatase alcaline et la lysyl oxydase par exemple, lesquelles ont des rôles importants dans la fabrication des composants de la matrice extracellulaire.
(v) Puis finalement des cellules (~2 % en masse), dont certaines sont des cellules osseuses en charge de la formation (les ostéoblastes) et de la résorption (les ostéoclastes) du tissu alors que d’autres assurent la vascularisation et l’innervation de l’édifice (cellules endothéliales…), toutes alimentées par un réseau complexe de canalicules (i.e. canaux de Havers et de Volkmann). L’apatite (i), dont la caractérisation structurale et chimique sera l’objet principal de cette thèse, constitue à lui tout seul ce que l’on appelle la matrice inorganique ; alors que le collagène (ii) et les PNCs (iv) constituent eux la matrice organique. Les constituants (i), (ii), (iii) et (iv) composent ensemble la matrice extracellulaire (MEC). Au sein de cette MEC, on peut noter également la présence de petits composés ioniques tel le citrate, bien connu pour son fort pouvoir chélatant envers les ions calcium. Les proportions massiques regroupées dans le Tableau 1 sont des valeurs moyennes au sein de la partie médiane d’un os long (os cortical) de mammifère tel que l’homme chez un individu adulte. Ces valeurs sont indiquées à titre informatif et ne sont assurément pas des valeurs absolues. En effet, la composition du tissu osseux peut être très disparate et varier en fonction de l’espèce, de l’âge et du régime alimentaire de cette dernière, de la localisation du tissu ainsi que d’une éventuelle pathologie. Ces disparités, quand elles sont naturelles et non pathologiques, rendent compte de la forte adaptabilité du tissu osseux à sa fonction biologique ou mécanique. A titre d’exemple, un animal comme la gazelle a besoin d’être agile afin de fuir face aux prédateurs. Cela nécessite d’avoir des os plutôt légers et souples lesquels sont ainsi peu minéralisés, de l’ordre de 50 % en masse [15]. De ce fait, ce type d’os gagne en flexibilité [15], mais également en légèreté (la densité du collagène est approximativement deux fois moindre que celle de l’apatite i.e. ~1.3 g/cm3). Au contraire, les os qui composent le museau d’une baleine ont une proportion en minéral impressionnante proche de 96 % en masse [16], taux record au sein des vertébrés. Ceci les rend donc beaucoup plus lourds afin de, on peut l’envisager, favoriser leur immersion. Cependant, de manière générale, les tissus osseux des mammifères et des oiseaux présentent de fortes similitudes. En revanche, chez les téléostéens (classe regroupant les poissons possédant un squelette), les cas de figure sont bien plus complexes. En effet, par exemple, il se trouve que la plupart de ces derniers possèdent des arrêtes qui ne contiennent pas ou plus de cellules osseuses [16]. Tel est le cas pour le rostre (le prolongement rigide de la tête) chez l’espadon par exemple [16]. On se retrouve dans un cas particulier où le tissu osseux est quasiment inerte et la façon avec laquelle le tissu fait fi de cette absence de cellules est encore très obscure. Ce n’est pas tout, certaines espèces de reptiles, dont les lepidosauria par exemple, possèdent des os peu, voire pas du tout vascularisés [17].
Trêve de cas particuliers, place maintenant aux tissus osseux des mammifères, lesquels sont dits vivants car vascularisés et riches en cellules osseuses. Cela se traduit dans un premier temps par une perpétuelle évolution du tissu afin de s’accommoder à la croissance de l’individu. Ensuite, une fois que l’individu a atteint sa taille adulte, le tissu osseux subit un renouvellement constant afin de : colmater de potentielles lésions (propriétés d’autoréparation de micro-fractures) ; d’assurer la libération de certains ions (Ca2+, HPO42-…) en fonction des besoins du métabolisme ; ou bien même de contrer le phénomène de maturation des cristaux d’apatite (lequel sera discuté ultérieurement). Ce phénomène est appelé remodelage osseux, et il s’effectue par le biais de réactions de résorption, puis de formation (ostéogénèse) incessantes sous l’action des cellules osseuses spécifiques : les ostéoclastes (cellules résorptrices) et les ostéoblastes (cellules formatrices). Pour un lieu donné au sein du tissu, il se produit tout d’abord la phase de résorption, puis ensuite, celle de formation, le tout suivi par une phase de quiescence, et ainsi de suite. Il est estimé que pour un être humain de jeune âge (c’est à dire moins de 30 ans), la totalité de son squelette est résorbé et reformé tous les 5 à 6 ans [2]. Ce mécanisme est ininterrompu, et il ne s’effectue pas à la même vitesse au sein des différents tissus osseux d’un individu (ni même d’ailleurs au sein d’un unique tissu donné). Il conduit ainsi à une disparité en terme de composition, et ceci notamment car l’os néoformé se minéralise progressivement. De plus, au sein du squelette humain par exemple, on dénombre 206 os constants avec des formes et des tailles variables (cf. Figure 1). Ces pièces osseuses se classent selon trois catégories en fonction de leurs morphologies : les os longs (fémur, tibia…), les os courts (os du carpe) et les os plats (sternum, os du crâne…). On trouve également une douzaine d’os dits sésamoïdes (paletta, fabella…). Ces derniers sont des cas particuliers puisqu’ils proviennent de la minéralisation initiale d’un tendon. Certains de ces os sésamoïdes ne sont pas répertoriés parmi les 206 pièces osseuses du squelette, car ils ne sont pas constants d’un individu à l’autre et sont appelés os surnuméraires (telle la fabella par exemple).
A la vue des différentes caractéristiques détaillées ci-dessus, il est difficile de définir le tissu osseux à l’aide d’une composition chimique ou bien même d’une morphologie unique. Cependant, il y a une caractéristique commune au sein des différents tissus osseux, c’est la façon avec laquelle ils sont organisés à différentes échelles.

Organisation multi-échelle

Cette organisation multi-échelle, dite organisation hiérarchique, a été décrite selon sept niveaux distincts et s’opère sur une large échelle métrique [1] : de l’échelle nanométrique où les constituants élémentaires sont dans leurs états individuels ; à l’échelle macroscopique (ou anatomique) du tissu osseux où la pièce osseuse possède une morphologie spécifique dédiée à sa fonction mécanique (cf. Figure 1). Ces sept niveaux d’organisation peuvent être détaillés comme ceci, d’après Weiner et Wagner [1] (cf. Figure 2) :
Niveau 1. Au premier niveau, on trouve les deux constituants majoritaires du tissu osseux pris chacun dans leur état individuel : les cristaux d’apatite (sous la forme de plaquettes de taille nanométrique, cf. le cliché de cryo-microscopie électronique en transmission (cryo-MET) d’un os humain déprotéiné) ; ainsi que les fibrilles de collagène non minéralisées (cf. le cliché de cryo-MET provenant d’un tendon de dinde).
Niveau 2. Au second niveau, on trouve les fibrilles de collagène minéralisées, c’est à dire au sein desquelles sont insérés les cristaux d’apatite. Ces cristaux y sont tous coalignés entres-eux selon l’axe cristallographique c du réseau apatitique (lequel correspond à la direction de croissance privilégiée des plaquettes), phénomène qui sera étudié en détail lors du chapitre IV de ce manuscrit. De plus, il se trouve que l’axe longitudinal des fibrilles est également coaligné avec cet axe cristallographique c des cristaux d’apatite (cf. le cliché MET d’une fibrille minéralisée de tendon de dinde au sein de la Figure 2).
Niveau 3. L’assemblage local et uniaxial de plusieurs de ces fibrilles minéralisées conduit à la formation de fibres de plus grande taille (cf. le second cliché MET d’un tendon de dinde au sein de la Figure 2). Des études effectuées en diffraction électronique ainsi qu’en tomographie MET ont montré que la totalité des cristaux d’apatite étaient également coalignés selon leur axe c au sein de plusieurs fibrilles adjacentes, et ceci dans les trois directions de l’espace [1], [18]. Ceci met en exergue l’organisation remarquable de ces édifices.
Niveau 4. L’assemblage plus global des fibrilles à l’échelle supérieure conduit à différents édifices selon quatre organisations principales, lesquelles sont, selon la Figure 2 :
(i) Un édifice de fibrilles parallèles, lequel est le résultat à l’échelle micrométrique (voire millimétrique) de la structure du niveau 3 conduisant à un agencement dense où les fibrilles sont co-orientées à longue distance. Cet édifice est retrouvé lors des prémices de la formation osseuse chez les bovidés [1] ou alors au sein des tendons minéralisés chez la dinde par exemple [19].
Figure 2. Description des sept niveaux hiérarchiques d’organisation présents au sein du tissu osseux. Image reproduite d’après Weiner et Wagner [1].
(ii) Un édifice de fibrilles dites tissées, lequel résulte d’un empaquetage de fibrilles orientées aléatoirement. Cet édifice, peu dense, est très couramment rencontré au sein des os de mammifères et d’oiseaux.
(iii) Un édifice de fibrilles torsadées en organisation cholestérique [20] (plus communément appelée organisation en contreplaqué). Cette organisation cholestérique peut être décrite comme un empilement de plans parallèles, au sein desquels toutes les fibrilles ont une orientation uniaxiale, et où le plan suivant présente une déviation d’orientation. Cette déviation d’orientation s’effectue à un angle constant (cf. Figure 3). Cet édifice compact est également très couramment rencontré au sein des os de mammifères et d’oiseaux.
(iv) Un édifice de fibrilles à orientations radiales, où toutes les fibrilles sont contenues dans un même plan lesquelles possèdent des orientations complètement aléatoires les unes par rapport aux autres. Ces édifices prennent place autour de cavités au sein de la dentine humaine.
Figure 3. (A) Schéma de l’organisation cholestérique des fibrilles de collagène de type I rencontrée au sein de l’os compact ; voir organisation du niveau 4 iii de la Figure 2. (B) Plan de coupe oblique selon la partie grisée du schéma (A), laissant apparaitre des séries d’arceaux superposés. Ces derniers sont formés par l’empilement successif de plusieurs plans de fibrilles qui possèdent une déviation d’orientation les uns par rapport aux autres. (C) Observation en microscopie électronique à balayage (MEB) d’une structure en arceaux sur une coupe oblique d’un échantillon d’os déminéralisé. Image reproduite d’après Giraud-Guille [21].
Niveau 5. Cet édifice adoptant une organisation cholestérique se trouve dans l’os compact dans lequel les fibrilles minéralisées s’agencent en lamelles concentriques pour former les ostéons (ou système de Havers). Un ostéon provenant d’un os humain observé en microscopie électronique à balayage (MEB) apparait au sein de la Figure 2. Ces ostéons ont un arrangement de type « oignon », avec un diamètre compris entre 100 à 500 µm selon une coupe transversale (cf. Figure 4), alors qu’ils sont cylindriques selon une coupe longitudinale. Dans le cas des os longs, ils sont orientés selon l’axe longitudinal de l’organe osseux. Leur formation initiale résulte du remodelage osseux primaire au sein du tissu osseux primitif (l’ostéoïde), où l’action des ostéoclastes va conduire à l’excavation de larges tunnels. Cet ostéoïde est sécrété par les ostéoblastes et consiste en une matrice extracellulaire non minéralisée mais riche en protéines non-collagéniques [22]. Il se produit ensuite une étape d’angiogenèse (processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins) au sein de ces tunnels, vaisseaux qui vont approvisionner le tissu résorbé en ostéoblastes pour la suite du remodelage.
Figure 4. Organisation des fibrilles de collagène de type I au sein de l’os compact pour former le système de Havers. (A) Schéma de lamelles osseuses minces et arciformes qui composent l’os compact (avec, OL = lamelles circonférentielles externes ; IL = lamelles circonférentielles internes ; HS = système de Havers ou ostéon formé de lamelles concentriques ; HC = canal de Havers). (B) Observation d’un ostéon en lumière polarisée laissant apparaitre une alternance de bandes sombres et d’autres plus claires, reflétant ainsi la variation des orientations des fibrilles au sein des lamelles. Images reproduites d’après Giraud-Guille [21] (A) et Vigier [23] (B)
L’étape suivante consiste à la formation du nouveau tissu sous l’action de ces ostéoblastes. Ces dernières conduisent à la genèse des lamelles concentriques (rencontrées au niveau 4) qui vont petit à petit combler le creux des tunnels (cf. Figure 4). Ce comblement continue jusqu’à coloniser la totalité des tunnels (avec environ une dizaine de lamelles par ostéon), à l’exception d’un canalicule central où subsiste le vaisseau sanguin originel. C’est ce canalicule vertical vascularisé qui constitue en partie les canaux de Havers. Ces canaux de Havers communiquent entre eux par le biais d’autres canaux transverses appelés canaux de Volkmann, lesquels ont été formés antérieurement. Ce réseau de canalicules vascularisés (appelés également canaux nourriciers) est très développé, et il est relié à la moelle osseuse (cf. Figure 5).
Figure 5. Schéma d’un fémur humain montrant l’agencement de ces constituants : os cortical et os spongieux, puis à l’échelle inférieure, ostéons, canal médullaire, périoste et canaux de Havers et de Volkmann.
C’est par ce biais là que la moelle osseuse va ainsi acheminer de nouvelles ostéoclastes au sein de la matrice de collagène minéralisée, afin d’assurer la continuité du remodelage du tissu (remodelage secondaire). A noter cependant que ces phénomènes de remodelages ne sont pas propres aux ostéons, mais concernent tous les niveaux hiérarchiques d’organisation.
Niveau 6. A l’échelle supérieure, l’organe osseux associe deux principaux types d’architectures distincts : (i) Un qui est très dense en éléments constitutifs, appelé os cortical (ou os lamellaire, ou os compact, voire os haversien, cf. Figure 4), composé de fibres de 2 à 3 µm de diamètre agencées en lamelles organisées (de manière cholestérique, cf. Figure 3). (ii) Et un autre qui est au contraire très peu dense et poreux, appelé os spongieux (ou os trabéculaire), composé de fibres de 0,1 à 3 µm (cf. niveau 4 ii). Ce sont ces deux types d’architectures qui sont observés en microscopie optique sur la Figure 2 (niveau 6) dans le cas d’un fémur humain fracturé. Ainsi, dans le cas d’un os long tel le fémur (cf. Figure 5), l’os spongieux se trouve principalement aux extrémités (c’est-à-dire dans la zone appelée l’épiphyse), alors que l’os cortical compose l’organe dans sa partie médiane (zone appelée diaphyse). La partie intermédiaire entre l’épiphyse et la diaphyse est appelée métaphyse, laquelle est également constituée d’os spongieux. La diaphyse, formant le corps cylindrique de l’organe est creuse, et ce sont ses parois denses qui sont donc constituées d’os cortical. L’espace vacant au centre de la diaphyse, appelé cavité ou canal médullaire, possède des parois tapissées d’os spongieux. Encore plus au centre de ce canal médullaire se trouve l’endoste, qui lui-même renferme la moelle osseuse (lieu où se produit l’hématopoïèse entre autre). Pour finir, la surface externe de l’os est recouverte d’une fine couche très vascularisée appelée périoste, laquelle est composée de lamelles circonférentielles externes (cf. Figure 4 A).
Niveau 7. Vient finalement le dernier niveau d’organisation, lequel correspond à la morphologie finale adoptée par l’os tel un organe (cf. la photographie d’un os bovin de la Figure 2, échelle égale à 10 cm).

Le Collagène

Généralités

On retrouve le collagène, une protéine, chez toutes les espèces animales dans l’embranchement des métazoaires [16]. Le collagène n’est pas seulement une protéine ubiquitaire, c’est également la protéine la plus abondante du règne animal. En effet, elle compose à peu près 30% du protéome (ensemble de toutes les protéines composant un organisme) d’un être humain par exemple. C’est principalement cette dernière qui apporte l’intégrité structurale, ainsi que la stabilité mécanique et l’élasticité aux tissus conjonctifs via son organisation supramoléculaire au sein de la matrice extracellulaire. De plus, sur la base de leurs structures supramoléculaires, il y a deux grandes catégories de collagène, à savoir les collagènes fibreux et non-fibreux. Tout type de collagène fibreux et non-fibreux confondus, il y a au jour d’aujourd’hui exactement 29 différents types de collagènes qui ont été identifiés, nommés I, II, III, IV et ainsi de suite jusqu’à XXIX. Ces différents types possèdent des séquences d’acides aminés propres, donc des structures moléculaires et supramoléculaires propres, afin de répondre aux contraintes mécaniques spécifiques demandées par le tissu dans lequel ils sont incorporés. Certains tissus sont parfois composés de l’association de plusieurs types de collagènes, comme la cornée et la peau qui sont composés des collagènes de type I et V par exemple [24], [25]. Parmi eux, le collagène dit de type I, qui appartient à la catégorie des collagène fibreux, rentre dans la composition de nombreux tissus : peau, cornée, tendon, cartilage, dentine et os, entre autres. Ainsi dans l’os, 90% de la masse totale en protéines est celle du collagène de type I, et le reste correspond aux protéines non-collagéniques.

Composition

A l’échelle moléculaire, le collagène résulte de l’assemblage de trois chaînes polypeptidiques, toutes hélices gauches et toutes de même taille (environ un millier d’acides aminés, d’une longueur d’environ 300 nm chacune) s’enroulant les unes avec les autres. Cela conduit à la formation d’une triple hélice chirale (triple hélice droite cette fois-ci).
Tableau 2. Les proportions de chaque acide aminé retrouvé au sein des collagènes de type I et V, extraits de la peau d’esturgeon. Tableau reproduit d’après Wang et al. [24].
Cette triple hélice est l’unité fondamentale du collagène, elle possède une masse moléculaire d’environ 285 kdalton [26]. Les chaînes polypeptidiques qui la composent peuvent toutes posséder exactement la même séquence d’acides aminés, ou bien au contraire en posséder des différentes (au choix parmi les 38 chaînes polypeptidiques de collagène référencées). Le collagène de type I est retrouvé en grande quantité dans le tissu osseux, au sein duquel il est le principal type de collagène présent. Et au sein du collagène de type I, les acides aminés les plus rencontrés sont la Glycine (~ 33 %), la Proline (~ 12 %), l’Alanine (~ 11 %) ou encore l’Hydroxyproline (~ 11 %, provenant de l’hydroxylation post-traductionnelle de la Proline [26]), dont les formules chimiques apparaissent au sein de la Figure 6. Les proportions ci-dessus ont été tirées à partir d’une étude faite sur du collagène de type I extrait de la peau d’esturgeon (cf. Tableau 2) [24]. Ainsi, toujours d’après le Tableau 2, 18 acides aminés différents composent le collagène de type I. On retrouve également de la Glutamine (~ 7 %), de la Sérine (~ 5 %), de l’Arginine (~ 5 %), de l’Aspartate (~ 4 %), de la Thréonine (~ 2 %), ou encore de l’Hydroxylysine (0,9 %, provenant de l’hydroxylation post-traductionnelle de la Lysine) etc. Toujours d’après le Tableau 2, nous constatons que pour le collagène de type V, également un type de collagène fibreux constituant la peau d’esturgeon en association avec le type I, la proportion en acides aminés est quelque peu différente (la Glycine restant néanmoins majoritaire). D’ailleurs, quel que soit le type de collagène considéré, la Glycine est toujours l’acide aminé majoritaire et les chaînes polypeptidiques qui le compose respectent toujours la répétition Glycine-X-Y (dans laquelle environ un tiers des X sont des résidus Proline, et un tiers des Y sont des résidus Hydroxyproline). Ceci est l’une des conditions intrinsèques afin qu’une triple hélice de chaînes polypeptidiques puisse être considérée comme du collagène. L’autre étant sa capacité à s’auto-assembler de manière supramoléculaire au sein de la matrice extracellulaire, comme évoqué précédemment lors de la description du niveau 4 de l’organisation hiérarchique du tissu osseux.

Table des matières

Introduction Générale
Chapitre I / Le tissu osseux : le collagène, l’apatite, la minéralisation
I-1-1) Généralités, Composition
I-1-2) Organisation multi-échelle
I-2 / Le Collagène
I-2-1) Généralités
I-2-2) Composition
I-2-3) Structure
I-2-4) Formation
I-2-5) Organisation du collagène de type I
I-3 / Le minéral : l’apatite biologique
I-3-1) Généralités
I-3-2) Structure cristalline
I-3-3) Substitutions ioniques
I-3-4) Composition chimique
I-4 / Biominéralisation osseuse
I-4-1) Morphologie des cristaux du minéral osseux
I-4-2) Déposition au sein de la MEC & Organisation 3D du minéral osseux
I-4-2-a) Nucléation homogène au sein des vésicules matricielles
I-4-2-b) Localisation & Organisation 3D
I-4-2-c) Nucléation hétérogène au sein des fibrilles de collagène
I-4-3) Rôles des protéines non-collagéniques
I-4-4) Mécanismes de nucléation/croissance du minéral osseux
I-4-4-a) Nucléation
I-4-4-b) Croissance
I-4-5) Surface des cristaux d’apatite carbonatée
I-4-6) Phénomène de maturation du minéral osseux
I-5 / L’eau
I-6 / Problématiques & Plan du manuscrit
I-6-1) Problématiques
I-6-2) Plan du manuscrit
Références bibliographiques
Chapitre II / Le caractère hydrophile du minéral osseux
Introduction
II-1 / Etat de l’art : Spectroscopie RMN à l’état solide
II-1-1) Caractérisation d’apatites de synthèse et biologique par RMN simple impulsion des noyaux 1H & 31P
II-1-1-a) L’hydroxyapatite
II-1-1-b) Le minéral osseux
II-1-2) RMN CP MAS 1D du noyau 31P
II-1-3) Proposition de l’existence d’un domaine non-apatitique : RMN 2D 1H-31P
II-2 / Etude de l’os frais : caractère hydrophile du minéral osseux
II-2-1) Os frais 102
II-2-1-a) RMN simple impulsion des noyaux 1H & 31P
II-2-1-b) Spectre 2D HetCor 1H-31P
II-2-1-c) Dynamique de transfert de polarisation croisée 1H-31P
II-2-1-d) Echange chimique H2O/D2O
II-2-2) Quantification du domaine non apatitique
II-2-3) Conclusion
II-3 / Continuité entre le domaine apatitique et le domaine non-apatitique
II-3-1) Os sec
II-3-2) Mélange physique HA + ACP
II-3-3) Conclusion
II-4 / Propriétés d’hydrophilie de plusieurs phosphates de calcium de référence
II-4-1) Les apatites biomimétiques
II-4-1-a) Caractérisation standard par DRX, MET et ATG
II-4-1-b) Caractérisation par RMN
– RMN simple impulsion 1H & 31P
– RMN 2D 1H-31P
II-4-1-c) Echange d’aimantation 1H-1H par diffusion de spin
II-4-1-d) Quantification du domaine non apatitique
– CHA
– CHA-SBF
II-4-1-e) MET-HR
– Os déprotéiné
– Apatites biomimétiques
II-4-2) Apatite stoechiométrique
II-4-3) Brushite et monétite
II-4-4 / Conclusion & Discussion
Références bibliographiques
Chapitre III / Etude du domaine non-apatitique de surface
Introduction
III-1 / Comparaison avec un phosphate de calcium amorphe
III-1-1) Comparaison par RMN 31P
III-1-2) Comparaison par RMN 1H
III-1-3) Caractère hydrophile de l’ACP
III-1-4) Conclusion & Discussion
III-2/ Etude de la composition chimique du domaine non-apatitique
III-2-1) Etude des ions HPO4
III-2-2) Etude des ions CO3
II-2-2-a) Spectroscopie infrarouge
III-2-2-b) RMN 2D 1H-13C
III-2-3) Etude des ions Ca2+
III-3 / Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre IV / Organisation 3D des cristaux d’apatite
Introduction
IV-1 / Les techniques utilisées : Cryo-MET & WAXD
IV-1-1) Cryo-MET
IV-1-2) WAXD
IV-2 / Rôle de l’eau à l’interface minéral-minéral
IV-2-1) Comportement de CHA et CHA-SBF en milieu aqueux
IV-2-1-a) Observations par cryo-MET
IV-2-1-b) Analyses par WAXD
IV-2-2) Comportement de HA en milieu aqueux
IV-2-3) Comportement de CHA-aiguilles en milieu aqueux
IV-2-4) Obtention de plaquettes d’apatite dépourvues de domaine non-apatitique de surface
IV-2-4-a) Les différents protocoles expérimentaux
IV-2-4-b) Les différentes caractérisations : DRX, MET et RMN
IV-2-5) Comportement de CHA-200 en milieu aqueux
IV-2-5-a) Etude par RMN
IV-2-5-b) Observations par cryo-MET
IV-2-5-c) Analyses par WAXD
IV-2-6) Comportement de CHA sous vide
IV-2-7) Organisation 3D des cristaux d’apatite osseuse
IV-2-7-a) Comparaison avec la structuration de CHA et CHA-SBF dans l’eau
IV-2-7-b) Etude d’un échantillon de minéral osseux extrait chimiquement
– Etude des propriétés d’hydrophilie par RMN
– Observations par MET
– Observations par cryo-MET
– Analyses par WAXD
IV-3 / Mécanisme de formation des agglomérats orientés de plaquettes
IV-4 / Conclusion
Conclusion Générale
Matériels et méthodes
I / Protocoles de synthèse
I-1) L’apatite stoechiométrique HA
I-2) L’apatite biomimétique CHA
I-3) L’apatite biomimétique CHA-SBF
I-4) L’apatite carbonatée CHA-aiguilles
I-5) L’apatite carbonaté CHA-13C
I-6) L’apatite carbonaté CHA-43Ca
I-7) Le phosphate de calcium amorphe
I-8) La brushite
II / Extraction du minéral osseux
III / Retrait du bruit de fond des diffractogrammes WAXD 1D
IV / Appareils utilisés
Références bibliographiques

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