Le canton de Saint-Vith, également connu sous le nom d’Eifel belge, constitue la partie sud de la Communauté germanophone. Située à l’est de la Belgique, la Communauté germanophone est, avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Communauté flamande, l’une des entités fédérées de l’État belge. Ce dernier se compose également de trois régions : la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-capitale. Toutefois, les territoires des régions et des communautés ne se recouvrent pas. Ainsi, le territoire de la Communauté germanophone est placé sous la tutelle de la Région wallonne pour certaines compétences.
Actuellement, la Communauté germanophone se compose de 9 communes dont 5 se situent dans le canton de Saint-Vith et 4, dans le canton d’Eupen. Depuis peu, la Communauté germanophone se fait reconnaître sous le nom de « Ostbelgien », ce qui peut être traduit par l’Est de la Belgique. Cette notion n’est pas à confondre avec les cantons de l’Est, qui, eux s’étalent sur le territoire du canton de SaintVith, d’Eupen et de Malmedy. Par le passé, ces trois cantons ont été annexés par le régime prussien (1815-1920) et le troisième Reich (1940-1945). Aujourd’hui, le canton de Malmedy ne fait pas partie de la Communauté germanophone. Liés par une histoire commune, quelques liens sont cependant maintenus, comme c’est le cas par exemple au niveau du tourisme, via l’Agence du Tourisme de l’Est de la Belgique.
Selon les chiffres de 2017, la Communauté germanophone compte 76 920 habitants et son territoire s’étale sur une surface de 853,64 km². Les Hautes Fagnes constituent une délimitation naturelle entre les secteurs nord et sud de la Communauté. Au sud du canton de Saint-Vith, trois frontières se rejoignent : la Belgique, l’Allemagne et le Grand-duché de Luxembourg. Avec une densité de population relativement faible de 48 habitants par km², l’Eifel belge compte 30 200 habitants pour une surface totale 628,83km². Le canton d’Eupen comprend, quant à lui, 49 720 habitants et s’étend sur une superficie de 224,81 km². En tenant compte de ces données, la densité de population est de 207,8 habitants par km².
Le canton de Saint-Vith et son histoire
L’histoire de la Belgique, en particulier en ce qui concerne l’unification de son territoire, est riche et mouvementée. Au fil du temps, ce dernier a été sous l’influence étrangère des Espagnols, des Autrichiens et des Français. Ce n’est qu’en 1830 que la Belgique proclame son indépendance.
La Communauté germanophone, une petite bande du territoire belge situé à l’est du pays, témoigne d’une histoire tout aussi mouvementée, voire même plus tumultueuse. Le chemin des germanophones vers l’appartenance belge a en effet été long et difficile. Depuis des temps immémoriaux, la Communauté germanophone est caractérisée par sa situation frontalière. En effet, déjà à l’époque romaine, la frontière entre les anciennes villes romaines de Cologne et de Tongres étaient situées sur son territoire. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime en 1794, le territoire nord de la région de langue allemande, autrement dit le pays d’Eupen, faisait partie intégrante du Duché de Limbourg. Le territoire sud, l’Eifel belge, appartenait quant à lui au Duché de Luxembourg et une petite partie, à l’Electorat de Trèves.
En 1794-1795, les Pays-Bas autrichiens, dont faisait partie les territoires qui constituent actuellement la Communauté germanophone ont été envahis par les révolutionnaires français. Suite à la défaite napoléonienne en 1815, le Congrès de Vienne a dû redéfinir les frontières à l’intérieur du continent européen. Ainsi, les terres du pays d’Eupen et de Saint-Vith, ainsi qu’une petite partie de l’ancienne abbaye de StavelotMalmedy, ont été attribuées à la Prusse et constituaient les arrondissements d’Eupen et de Malmedy. « La possession du territoire de Moresnet, où se trouve La Calamine (mines de la Vieille Montagne) est alors disputée à la Prusse par les Pays-Bas. En 1816 intervint un partage entre les deux États, la Calamine (Kelmis) devenant un territoire neutre. »
Sous le régime prussien, la région a connu une amélioration progressive du réseau routier. D’abord les routes nationales, puis les routes communales ont été développées, ce qui a permis de créer des liens importants entre cette région isolée et le monde extérieur. Cette meilleure infrastructure a donné lieu à un important développement économique, les nouvelles voies de communication yant permis aux habitants de l’Eifel belge, jusqu’ici en situation précaire, d’augmenter leurs revenus en argent ou en nature. A la fin du 19e siècle, le Royaume prussien prend la responsabilité de l’administration des chemins de fer, qui était jusqu’ici pour la plupart confiés à des sociétés privées. Cela a particulièrement bénéficié aux industries de Malmedy et de Saint-Vith qui voyaient l’accès à la grande ligne de chemin de fer comme une étape fondamentale du développement économique de la région notamment au niveau du cuir et du papier. Plusieurs aspects militaires ont également renforcé ces arguments. Ainsi, 1882 marque le début des travaux de la « Vennbahnlinie », qui traverse notamment les localités économiquement faibles de l’Eifel belge.
Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), les habitants de l’arrondissement d’Eupen-Malmedy ont été obligés de se battre aux côtés du Reich allemand. Après le Traité de Versailles et une consultation populaire controversée en 1919-1920, la Belgique obtiendra la souveraineté sur les arrondissements d’Eupen et de Malmedy, ainsi que sur le territoire de Moresnet. Entre 1920 et 1925, cette région est mise sous la tutelle du lieutenant-général Baltia et est divisée en trois cantons : le canton d’Eupen, le canton de Saint-Vith et le canton de Malmedy. À partir du 1er janvier 1926, ces régions ont été intégrées définitivement au Royaume de Belgique : la Constitution et la législation belges leur devient donc applicables. Cependant, l’État belge, qui traversait une importante crise financière, a entamé des négociations secrètes avec l’Allemagne visant à rétrocéder les territoires des trois cantons à l’Allemagne en contrepartie d’une compensation financière. La France a cependant fait opposition à cette décision et les négociations ont échoué. « Des indices montrent que l’opposition à l’intégration au sein du Royaume de Belgique grandit durant l’entre deux-guerres. Entre 1920 et 1925, divers journaux publiés dans la région revendiquent une révision du Traité de Versailles. Pour contrecarrer leur action, les autorités belges favorisent alors la naissance d’un organe de presse pro-belge en langue allemande : le Grenz Echo. » .
La prise du pouvoir par les nationaux-socialistes en 1933 en Allemagne représente aussi un tournant dans l’histoire de la Communauté germanophone. La propagande du régime d’Hitler était diffusée chez les Belges de langue allemande. Des divergences de plus en plus marquées entre les pro-belges et les proallemands voient alors le jour au sein de la population. Le 10 mai 1940, les troupes d’Hitler envahissent le territoire d’Eupen-Malmedy. Quelques jours plus tard, l’occupant allemand annexe les trois cantons au Troisième Reich. La guerre a profondément marqué la population : 3200 des quelque 8700 hommes enrôlés de force dans la Wehrmacht ont été tués, portés disparu ou ont trouvé la mort en détention. Pendant l’Offensive des Ardennes de 1944, Saint-Vith, comme de nombreux villages de l’Eifel belge, a été complètement détruit. Après la libération par les Alliés, le territoire est restitué à l’État belge.
Même la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945 n’a pas vraiment permis aux habitants de retrouver la paix. C’est surtout le territoire des cantons de l’est de la Belgique qui a été victime d’un traitement sévère après la guerre. De nombreux soldats de la région, déjà emprisonnés une première fois par les Alliés, ont été ré emprisonnés dès leur libération, cette fois en Belgique. Les femmes et les adolescents n’ont pas été épargnés non plus par les arrestations arbitraires. A cette époque, l’État belge procédait à une épuration des collaborateurs du régime nazi et de nombreuses personnes malintentionnées ont profité de ce processus de dénazification pour satisfaire leurs désirs de vengeance. Par conséquent, cette période a été très mal vécue par la population. Pendant plusieurs décennies, la question des dommages de guerre et des « soldats forcés » a dominé les affaires politiques d’après-guerre.
La signature bilatérale des « Septemberverträge » en 1956 marque la fin des questions frontalières entre la Belgique et l’Allemagne, demeurées jusque-là en suspens : la République fédérale d’Allemagne reconnaît définitivement la souveraineté belge sur le territoire d’Eupen-Malmedy. C’est le début d’une époque de réconciliation et de coopération entre la Belgique et l’Allemagne dont profite également la région frontalière autour d’Eupen et de Saint-Vith. L’année 1963 est marquée par l’entrée en vigueur de la nouvelle législation régissant l’emploi des langues en matière administrative. La future Communauté germanophone est alors délimitée territorialement.
INTRODUCTION |