Maladie connue depuis des années de par le monde comme étant grave (Cabane, 1982), le cancer présente actuellement des risques inquiétants dans notre pays. Selon les derniers chiffres avancés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on enregistre 18000 malades de cancer actuellement à Madagascar (Santé tropicale, 2005), (Réseau Africain d’éducation pour la sante, 2008).
Dans le monde, le cancer constitue la première cause de mortalité (OMS 2012). « Le cancer tue autant de personnes que toute la population de la Suisse, soit plus que le sida, le paludisme et la tuberculose réunis» (OMS ; UICC, 2011).
De façon générale, la morbidité et la mortalité de cette maladie varient selon des facteurs aussi différents que l’âge, le sexe, la zone géographique, le statut socioéconomique, l’alimentation, les caractéristiques environnementales, etc. (Tubiana, 1980), (Gomba, 1996), (Esteve, 2004). Les pays les moins développés sont plutôt affectés par les cancers liés aux agents infectieux dont le cancer du foie et du col utérin alors que les pays plus développés sont plutôt affectés par les cancers liés au style de vie à savoir le cancer colorectal, le cancer de la prostate et le cancer du sein (Union Régionale des médecins libéraux de Guyane, 2010).
Epidémiologie du cancer
Fréquence annuelle des cas de cancer
a. Moyenne annuelle du cancer à Madagascar
Une moyenne annuelle de 1 398 de patients vient en consultation pour suspicion de cancer. Il faudrait signaler qu’à Madagascar, parmi les personnes se déclarant malades : 32,7% seulement vont en consultation médicale pour se soigner. Parmi ces 32,7%, les deux tiers sont allés dans les centres de santé publics, contre un tiers dans les centres privés. Dans l’ensemble du pays, par ordre d’importance, la «non gravité de la maladie», le problème financier et l’éloignement sont les principaux motifs de non consultation les plus cités par les malades (INSTAT ; EPM; 2011). Les projections de l’OMS faisant état de 18 000 cas de cancer actuellement à Madagascar (Santé tropicale, 2005), (Réseau Africain d’éducation pour la sante, 2008).
Une moyenne annuelle de 17% parmi les patients, sont des cas « non précisés ». Ce sont des patients qui n’ont pas pu faire la confirmation anatomopathologiques, autrement dit, on ignore leur statut cancéreux ou non. Trois arguments sont possibles pour expliquer cette occurrence, soit les problèmes financiers qui ne permettent pas de payer le coût de l’analyse, soit la pénurie de réactifs, soit les patients sont décédés avant la confirmation au laboratoire.
b. Taux de croissance annuelle du cancer
A Madagascar, une croissance annuelle du taux de cancer de 12% de 1996 à 2008 a été notée. Ce taux est 4 fois plus élevé par rapport au taux de croissance démographique à Madagascar qui est de 2,7% (INSTAT, 2010). Toutefois, une baisse du taux de cancer a été notée l’année 2009. Celle-ci peut être due au non fonctionnement de l’appareil de radiothérapie qui était déjà vétuste. D’ailleurs, le service est constamment surchargé, malencontreusement souséquipé, avec seulement 61 lits et un unique appareil de radiothérapie, régulièrement en panne. Conçu pour traiter 20 malades par jour, cet appareil est sollicité par au moins 50 malades par jour. Il faudrait signaler que les normes sont de 1 appareil pour 1 million d’habitants. Aussi, les patients ont préféré soit de recourir à la médecine traditionnelle, soit d’aller directement à l’extérieur s’ils en ont les moyens en sachant que cet appareil ne fonctionne plus. Néanmoins, la chimiothérapie existe toujours.
Une légère hausse du nombre des patients a été enregistrée en 2011, par rapport à 2010. Le test de dépistage entrepris par le service pourrait être une explication.
c. Incidence du cancer dans le monde
L’augmentation de l’incidence du cancer est aussi observée en France, voire au niveau mondial (INVS, 2010). Selon l’Institut de Veille Sanitaire, l’incidence du cancer en France a doublé entre 1980 et 2005 (25 ans) et selon les prévisions, il y aurait 1 000 nouveaux cas par jour en 2011, donc 365 000 nouveaux cas (INVS, 2010). Dans le monde, plus de neuf millions de nouveaux cas par an de cancer sont enregistrés (OMS, 2012). L’Incidence du cancer pourrait encore augmenter de 50% en 10 ans, il y aurait alors 15 millions de nouveaux cas par an en 2020 (Globocan 2008, IARC, 2010). Selon l’OMS, la charge du cancer est en augmentation et sans action, les pays pauvres, verront les plus fortes hausses du nombre de décès d’ici à 2015 (OMS, &UICC, 2011). Ainsi, « le cancer est devenu un problème de santé publique. » Aussi, la première hypothèse stipulant que l’incidence du cancer est en évolution alarmante est vérifiée.
Fréquence des cas de cancer selon le sexe et la tranche d’âge
Fréquence du cancer selon le sexe
Presque toutes les études entreprises à Madagascar ont montré une prédominance féminine (Ramananjato, 2003) ; (Randriamarotsiresy, 2001), (Raharisolo et al, 1998). Toutefois, en France, on note une prédominance masculine nette (INVS, 2011). Autrefois, il y avait plus de cancers chez la femme que chez l’homme dans tous les pays. Cette prédominance était probablement liée à l’existence de nombreux facteurs des risques tels que la prise de contraception, les multiples traumatismes cervicaux par accouchement et avortement, Aujourd’hui, dans les pays industrialisés on note une mortalité par cancer plus élevée chez l’homme que chez la femme. Cela pourrait s’expliquer par une forte diminution du cancer de l’utérus chez la femme, et une augmentation importante du cancer du poumon chez l’homme. Une surmortalité masculine importante est notée pour les localisations liées à la consommation de tabac et/ou d’alcool. En 1995, la mortalité par cancer du poumon est 7,5 fois plus élevée chez l’homme que chez la femme en France. 45 ans plus tôt elle n’était que 3,4 fois plus élevée (Institut de Cancérologie de Roussy, 2010).
Fréquence du cancer selon les tranches d’âges
A Madagascar, on assiste à un rajeunissement des personnes atteintes par le cancer. Ceci peut être attribué aux jeunes femmes qui sont atteintes par le cancer du sein. Alors que ce type de cancer se guérit bien, il est crucial de le détecter suffisamment tôt, ce qui n’est pas toujours le cas à cet âge. Toutefois, en France, les cancers sont des maladies de troisième âge, 1% seulement avant l’âge de 15 ans (Gerbaulet, et al., 1997). En effet l’augmentation de fréquence avec l’âge pourrait s’expliquer par la dépression des fonctions immunitaires qui se produit avec le vieillissement (Tuyn, et al. 1980), la vitesse de croissance de la tumeur augmente quand la défense de l’hôte diminue et vice versa (Tubiana, 1980). Cette même cause pourrait expliquer leur apparition chez les jeunes dans les pays en voie de développement car beaucoup de facteurs pourraient être à l’origine de cette dépression immunitaire : la malnutrition, les différentes maladies tropicales, les infections chroniques. Toutefois, l’espérance de vie pourrait être une explication: elle est plus courte en Afrique qui est de 43,3ans (Randriamarotsiresy, 2001), et 63,63 ans chez les malgaches en 2011 (Statistiques de la République de Madagascar, 2011). Alors que dans les pays développés, l’espérance de vie est beaucoup plus longue et le cancer apparaît chez les gens les plus âgés.
Chez la femme, l’augmentation de fréquence des tumeurs malignes entre 40 et 49 ans avec une diminution progressive, au fur et à mesure que l’âge avance (à partir de 55ans) est confirmée par l’étude de Raharisolo et coll. et celle de Coulanges et coll. Chez l’homme, le cancer croissait progressivement jusqu’à 64 ans en moyenne puis a diminué après 65 ans (RamananjatoT, 2003).
Fréquence des cas de cancer selon la provenance
70% des patients viennent de la ville, et 30% du milieu rural. Les habitants en ville sont très vite conscients de la gravité de la maladie et dont l’accès à l’hôpital est beaucoup plus aisé. Par contre, pour les habitants en périphérie, il y a la coutume et les tradipraticiens qui tentent de traiter la maladie, mais il y a aussi la peur de l’intervention chirurgicale et le manque de ressource pour les frais de soins. Lors de l’enquête auprès des ménages 2010, parmi les personnes qui ont été déclarées avoir eu une maladie durant les deux dernières semaines, environ 39% vivant en milieu urbain ont fait une consultation pour se soigner, contre 31% en milieu rural. Les populations habitant dans les zones urbaines ont plus tendance à rechercher des soins, en cas de maladie, que les ruraux. (INSTAT &EPM, 2011). Dans le monde, 56% des nouveaux cas de cancer sont enregistrés dans les pays en développement, à faible revenu et avec cela, 63% des décès liés au cancer y sont aussi enregistrés (OMS, 2012). Plus de 44% proviennent d’Asie dont 25% de l’Asie Orientale qui a le taux le plus élevé. L’Europe compte 28% des cas, l’Amérique du Nord 14% et et l’Afrique 6,27% (Globocan 2008, IARC, 2010).
Fréquence des cas de cancer selon la topographie
La même tendance que celle dans le monde, concernant la prédominance des cancers génitaux, est aussi observée à Madagascar (Pignon et al, 1988), (Coulanges et al, 1981), (Rakotondrajaona et al, 1998), (Tuyn, 1980). Toutefois, le cancer du poumon est répandu dans les pays développés (646 000 cas) que dans les autres pays (593 000 cas). C’est le plus meurtrier, et en constante augmentation.
Certains cancers semblent être fréquents dans certains endroits du monde et rares dans d’autres. C’est ainsi qu’il y a 300 fois plus de cancers de l’œsophage en Iran qu’au Nigéria, 300 fois plus de cancers « du pénis » en Ouganda qu’en Israël ; 25 fois de cancers de l’estomac au Japon qu’en Ouganda (Levi, et al., 2000). Ces différences sont dues à 80% aux conditions de vie. L’étude des migrants est intéressante pour définir des hypothèses étiologiques quant au rôle des habitudes de vie et de l’environnement dans la genèse du cancer.
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