Le cancer bronchique non à petites cellules

Epidémiologie

Le cancer du poumon est l’un des cancers les plus répandus dans le monde : chaque année plus d’un million de personnes en sont atteintes.
Avec près de 45 000 nouveaux cas diagnostiqués en France en 2015, 30 400 hommes et 14 800 femmes; ce cancer se place en quatrième position des cancers les plus répandus derrière les cancers de la prostate, du sein et du colon-rectum. En revanche, il se hisse à la première place en terme de mortalité (source INCa, 2016) (Kerr et al., 2014) (Guérin and Hill, 2010).
Une propagation facilitée par une circulation sanguine intense au niveau des poumons et un diagnostic tardif, du fait de l’absence de symptômes caractéristiques, font que la survie à 5 ans n’est que de 15% (Coate et al., 2009) et que son incidence est quasi équivalente à son taux de mortalité.

Le cancer du poumon se déclare généralement entre 50 et 65 ans, il s’écoule environ 30 ans entre le moment ou une fraction de la population commence à fumer et le moment où les conséquences sur la santé deviennent détectables (source INCa, mai 2010). Principal responsable: le tabagisme, incriminé dans près de 9 cas sur 10. Les cancers du poumon actuels sont les conséquences du tabagisme des 50 dernières années. Les plans de lutte antitabac et la prise de conscience assurent toutefois une baisse régulière de la mortalité chez les hommes. Malheureusement, les femmes prennent actuellement le relais, fumant de plus en plus elles entretiennent la progression constante du nombre de nouveaux cas et de décès, ce qui explique le triplement de l’incidence du cancer du poumon chez les femmes ces 20 dernières années (Source Institut de Veille Sanitaire (InVS)).

Le cancer bronchique non à petites cellules : les différents types histologiques

Les cancers du poumon se divisent en deux grandes familles, différenciées en fonction de la nature anatomo-pathologique des cellules tumorales. Ces deux types de cancers ont des caractéristiques différentes de par leur origine, leur fréquence de métastase et leur sensibilité au traitement.
Les cancers bronchiques « à petites cellules » CBPC : ils représentent 20% des cancers du poumon. Ces cancers sont dits « agressifs » : les cellules cancéreuses se multiplient rapidement et, d’emblée, il existe un risque de métastases. Histologiquement très particuliers, ils sont d’origine neuroendocrine, et observés majoritairement chez les fumeurs. Pour ce type de cancer très lié au tabagisme, la chimiothérapie et la radiothérapie sont les traitements de référence.
Les cancers bronchique « non à petites cellules » CBNPC : ils représentent 80% des cancers du poumon et regroupent trois grands types de tumeurs : l’adénocarcinome bronchique (40%), le carcinome épidermoïde (40%), le carcinome à grandes cellules (20%). Ils sont qualifiés de non à petites cellules, par opposition aux CBPC sur la base de la taille des cellules observées au microscope.

Ce sont des cancers d’origine épithéliale. Dans le cas du carcinome épidermoïde, la tumeur se développe dans les voies respiratoires les plus larges à partir de la paroi interne de la bronche, à la bifurcation des grosses bronches. Tandis que dans le cas de l’adénocarcinome bronchique, la tumeur se développe habituellement dans les voies respiratoires les plus petites ou distales, en périphérie du poumon (alvéoles). Environ 15% des patients développent un CBNPC en l’absence d’exposition au tabac. Le sous type adénocarcinome est plus fréquent chez les femmes et chez les patients non-fumeurs.
L’objet de mon travail concerne les CBNPC, seul ce sous type histologique sera étudié par la suite.

Les facteurs de risque du CBNPC

Le cancer bronchique non à petites cellules est un cancer pour lequel le tabagisme actif représente un facteur de risque établi. Ce risque dépend de la durée et de la quantité de cigarettes consommées par jour. Cependant, d’autres facteurs comme l’exposition à la fumée des autres, les expositions professionnelles ou environnementales seraient susceptibles de contribuer à son développement de manière synergique. Ce sont des facteurs à ne pas négliger d’autant qu’il s’agit de risque subis et non choisis.
Il faut savoir qu’un facteur de risque augmente l’apparition d’un cancer mais n’est ni nécessaire ni suffisant pour causer le cancer. Ce n’est pas la cause en soi.

Le tabagisme actif

Le CBNPC est un des rares cancers ou un facteur de risque (le tabagisme : cigarette industrielle, tabac à rouler, pipe, cigare, cigarillo, narguilé) est reconnu de loin comme le principal facteur de risque. Il est responsable de près de 90% des cancers du poumon. Les fumeurs ont un risque de développer un cancer du poumon 20 fois supérieur aux individus non-fumeur.
Environ 4000 substances chimiques, dont 250 classées dangereuses pour la santé et 50 cancérogènes, sont retrouvées dans la fumée se dégageant d’une cigarette (Source : La Ligue contre le Cancer) (Figure 6). On y retrouve notamment des hydrocarbures, qui transformés sous l’action d’enzyme du métabolisme pourront se lier à l’ADN et contribuer à l’apparition de mutations. En effet le risque de conversion de G-C en A-T et la survenue de mutations pourront aboutir à l’activation d’oncogène comme KRAS ou l’inactivation de gène suppresseur de tumeurs comme TP53 (Gazdar and Thun, 2007).

L’arrêt du tabac diminue significativement le risque de cancer du poumon contrairement à la simple réduction de la consommation. Par conséquent, la durée de l’exposition au tabac est quatre fois plus déterminante que la quantité de cigarettes fumées. Il est beaucoup plus dangereux de fumer 10 cigarettes par jour pendant 20 ans que de fumer 20 cigarettes par jour pendant 10 ans (source INCa, 2016). En d’autres termes, un triplement du nombre de cigarettes fumées par jour multiplie par 3 le risque de cancer, alors que le triplement de la durée du tabagisme multiplie par 100 le risque de développer un cancer bronchique.
Cette notion essentielle de durée du tabagisme comme facteur de risque du cancer du poumon a une conséquence positive : à l’arrêt du tabagisme, le risque de survenue d’un cancer du poumon diminue régulièrement avec le temps. Ce bénéfice est observé quel que soit l’âge auquel on arrête de fumer, et quelle que soit la quantité de cigarettes fumées. Par ailleurs, il n’y a pas de seuil au-dessous duquel le risque de cancer du poumon est nul, ne fumer «que» 1 à 5 cigarettes par jour n’est pas sans risque. Vis-à-vis de ce risque, il n’y a donc pas de «petit» ou de «gros» fumeur. Il n’existe pas de seuil minimal pathogène d’exposition reconnu. (Source INCa, La Ligue contre le Cancer, 2016).

Le bilan radiologique

Les examens radiologiques sont cruciaux, non seulement pour confirmer le diagnostic, mais aussi pour définir l’extension de la tumeur. Ils s’articulent autour d’une radiographie thoracique, qui peut montrer une tache sombre et irrégulière, un voile (provoqué par l’aération insuffisante du poumon) ou un épanchement pleural (présence d’un liquide opaque dans la plèvre). Et par un scanner du thorax et de la partie haute de l’abdomen, examen radiologique le plus important car il permet d’obtenir, en un seul arrêt respiratoire momentané du patient, de multiples coupes du thorax. Ainsi, il permet une évaluation précise de l’extension de la tumeur dans les poumons, il révèle des lésions invisibles lors de la radiographie pulmonaire standard, l’extension de la tumeur et ses rapports avec la plèvre, le médiastin et les vaisseaux et l’intégrité de l’autre poumon.
Toutes ces informations vont permettre de déterminer le stade du cancer (source INCa, 2016).

Le bilan biologique

La confirmation de la présence d’une tumeur cancéreuse se fait par le biais de prélèvements réalisés au cours d’une fibroscopie bronchique ou d’une ponction trans-thoracique (biopsie) mais aussi dans le cadre d’une chirurgie à visée curative (exérèse de la tumeur) ou diagnostic (biopsie chirurgicale).
Les biopsies permettent de prélever un fragment de la tumeur dont l’examen microscopique est indispensable pour affirmer le diagnostic et obtenir des indications sur le type de cancer (cancer « à petites cellules » ou « non à petites cellules »). Il s’agit de l’examen anatomopathologique.
La biopsie va également permettre une analyse moléculaire à la recherche de mutation génétique.
De manière générale, la biopsie peut être réalisée à partir de la tumeur primaire ou à partir d’une métastase dans le cas où la maladie s’est propagée hors du poumon.
L’examen cytologique est lui aussi un examen effectué en laboratoire mais à la différence de l’examen anatomopathologique qui s’effectue sur le tissu de la tumeur, celui-ci concerne les cellules cancéreuses qui se sont spontanément détachées de la tumeur (les liquides de lavage et les sécrétions sont recueillies par fibroscopie pour rechercher des cellules cancéreuses ou par ponction pleurale (lorsqu’un épanchement pleural est présent).

Le bilan d’extension

Le bilan d’extension permet d’évaluer l’extension du cancer aux organes proches et/ou lointains, afin de déterminer les possibilités chirurgicales éventuelles et les traitements médicaux complémentaires les plus adaptés. Les principaux examens réalisés sont le scanner abdomino-pelvien, l’échographie hépatique, la scintigraphie osseuse, l’échographie endo-oesophagienne, la tomographie par émission de positons PET scan (scanner + scintigraphie) pour déceler d’éventuels micro-nodules ainsi qu’une imagerie cérébrale IRM ou scanner, indispensable pour exclure la présence de métastases cérébrales.

Classification des tumeurs – résultats radiologique

La classification de la tumeur et son évaluation biologique sont des informations indispensables pour que le patient bénéficie d’un traitement personnalisé le mieux adapté à son cancer.
L’extension de la maladie s’évalue en « stade » suivant la taille de la tumeur (de I à IV) ou en suivant la classification T.N.M de l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC). C’est une combinaison de T, taille de la tumeur et invasion des tissus avoisinants T1 à T4 ; de N, atteinte ou non des ganglions lymphatiques régionaux N0 à N3 ; et de M, présence ou non de métastases ou propagation du cancer à distance ou à d’autres organes M0 à M1 (Goldstraw et al., 2011) (Tableau 2 et 3).
Le stade est un élément fondamental pour prendre une décision appropriée concernant le traitement. De manière générale, moins le stade est avancé, meilleur est le pronostic.

Classification des tumeurs – évaluation biologique

La prise en charge des patients atteints d’un CBNPC repose également sur une évaluation biologique à la recherche d’altérations moléculaires ou biomarqueurs spécifiques du tissu tumoral pouvant être la cible de nouvelles thérapies. Leur identification est un objectif de la recherche translationnelle en oncologie, on parle de médecine « personnalisée » (Coate et al., 2009).
Ces altérations constituent également un outil de choix comme marqueurs biologiques prédictifs (réponse tumorale au traitement) et pourraient s’avérer être des marqueurs pronostiques (évolution de la maladie) utiles dans la prise en charge thérapeutique des patients.
Depuis 2006, l’INCa a mis en place un programme national pour soutenir la structuration de la génétique moléculaire, en labellisant 28 plateformes hospitalières pour la réalisation des recherches de mutations. Le projet BIOMARQUEURS émergents permet, dans le cadre du soin, l’analyse élargie des altérations moléculaires des tumeurs de patients atteint d’un cancer du poumon non à petites cellules au stade métastatique.
Le panel d’altérations analysé permet d’identifier une altération génétique somatique dans près de 50% des échantillons. Les mutations du gène EGFR mais également d’autre biomarqueurs émergents tels que les mutations des gènes KRAS, BRAF, PIK3CA sont recherchées.
Dans les cas d’adénocarcinomes, EGFR et KRAS sont les gènes retrouvés le plus fréquemment mutés.
Ce sont des mutations exclusives (Suda et al., 2010). Les gènes TP53, STK11 et APC sont également régulièrement mutés (Ding et al., 2008).

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