En 2010, une étude conduite par Andrew K. Przybylski, C. Scott Rigby et Richard M. Ryan s’intéressa à l’investissement des joueurs dans les jeux vidéo. Ils définirent que les jeux vidéo au cours de leur évolution en sont venus à combler trois besoins : le besoin de compétence, le besoin d’autonomie et le besoin d’association. (Przybylski, Rigby et Ryan, 2010) .
Le besoin de compétence est comblé par le sentiment de succès vécu par le joueur lorsque celui-ci réussit à relever un défi posé par le jeu. Certains jeux d’une grande difficulté limiteront cet effet auprès de joueurs moins persévérants ou ayant moins d’habiletés pour ce type de jeu. Avec les années, les développeurs de jeux en sont arrivés à créer un système de flow qui tente de conserver un équilibre progressif tout au long d’un jeu afin de constamment confronter le joueur à de nouveaux défis pour qu’il puisse combler ce besoin, mais sans trop monter le niveau de difficulté afin de ne pas le décourager ou le frustrer. « Flow represents the feeling of complete energized focus in an activity, with a high level of enjoyment and fulfillment.» (Jenova 2007) « But anyone who has experienced flow knows that the deep enjoyment it provieds requires an equal degree of disciplined concentration. » (Csikszentmihalyi, 1991) .
Le besoin d’association arriva dans les années 70, lorsque les joueurs purent se connecter entre eux à partir de différents points dans le monde dans le but de jouer ensemble. Il était maintenant possible de partager sa passion non plus seulement avec les gens qui nous entourent, mais également à même le jeu. Très rapidement, des communautés se sont créées à l’intérieur de ces jeux, donnant une vie alternative à leurs joueurs.
Le besoin d’autonomie est celui qui nous intéresse. Il s’agit du besoin de libre arbitre, le besoin de faire des choix par soi-même et d’en vivre les conséquences. Lors de l’apparition des choix explicites, les joueurs ont senti leurs décisions prendre encore plus d’importance, et ainsi leur besoin comblé davantage. C’est ce qui explique sans doute la montée en popularité si rapide du modèle .
Edward L. Deci, professeur en science sociale de l’université de Rochester et Richard M. Ryan professeur de psychologie définissent le besoin d’autonomie comme suit : « Autonomy concerns the experience of acting with a sense of choice, volition, and self-determination. It does not refer to independence, for people may well be dependent on others while acting autonomously. When acting from intrinsic motivation in a task, people’s experience is of having a choice and fully endorsing what they are doing; they do not feel controlled or compelled by forces outside of themselves or even by controlling internal forces that demand and coerce. » (Deci, Ryan et Stone, 2008) .
Pour combler ce besoin, l’être humain a besoin de plus que d’une simple interaction, il a besoin de sentir que ce qu’il choisit de faire a de l’importance, des conséquences. C’est lorsqu’il arrive à se sentir comblé grâce à ses actions qu’il sentira une motivation nouvelle en lui et qu’il sera tenté de s’investir davantage et de poursuivre son aventure.
« There is one common experience we all share that is truly, fundamentally, interactive: a conversation. » (Crawford, 2003) L’agency prend le concept d’interaction et le pousse plus loin. L’agency d’un joueur repose sur sa capacité à faire des choix significatifs, des choix dont les conséquences auront de l’importance et un impact réel sur le monde du jeu. Il est aisé pour un jeu de retirer cet agency au joueur, afin de plus facilement réguler le flow ou le déroulement narratif. Cependant, c’est au travers de l’agency qu’il est possible de combler le besoin d’autonomie, car le joueur se trouve à ressentir tout autour de lui les répercussions de son libre arbitre. Lui retirer ce pouvoir, c’est diminuer son impact sur le jeu, mais également l’impact du jeu sur lui. « Agency is the satisfying power to take meaningful action and see the results of our decisions and choices » (Murray, 1998) .
Un point intéressant souligné par Murray dans son livre est la spatialité des jeux vidéo. « The computer screen is displaying a story that is also a place. » (Murray, 1998) Lorsque l’on joue à un jeu vidéo, l’univers dans lequel nous sommes plongés est entièrement détaché du monde réel, devenant un endroit à part entière, ce qui n’est pas le cas, si nous suivons son exemple, lorsque l’on joue à un jeu de rôle comme Donjons & Dragons, où les autres joueurs sont également nos amis ou nos collègues, ce qui nous relie constamment à la réalité et à l’imaginaire de la situation. De plus, contrairement à un livre, il nous est possible d’agir dans ce monde, lui donnant une nouvelle tangibilité, différente de celle créée par l’imagination du lecteur, l’impression d’une présence, de pouvoir affecter ce monde.
Cette spatialité et cette possibilité d’agir dans l’univers créé par le jeu vidéo viennent cependant avec des contraintes et des responsabilités propres à ce médium.
INTRODUCTION |