LE BÂTONNET FROTTE-DENTS OU « SOCCU »

LE BÂTONNET FROTTE-DENTS OU « SOCCU »

LA GENÈSE ET LA RЀPARTITION GЀOGRAPHIQUE DU BÂTONNET FROTTE-DENTS 

 La genèse du bâtonnet frotte-dents

 Sujet central de ce travail, le bâtonnet frotte-dents est un outil d’hygiène buccodentaire se présentant sous la forme d’un fragment de matière végétale : brindille, petite, branche ou racine. Il peut se présenter sous de très nombreuses formes et appellations, ces variations étant principalement dues à la zone géographique concernée, à la culture de ses utilisateurs et bien entendu à l’essence végétale utilisée. L’instrument a deux fonctions précises : il permet de nettoyer les surfaces dentaires et de masser les gencives. D’après Janot et al, « dès le XIXe siècle, le célèbre explorateur allemand Gustav Nachtigal (1834-1885) racontait que les femmes de Wadaï, une région Soudanaise, ne sortaient que rarement sans leur B.D. (Brosse à Dents) au coin des lèvres. Ces brosses, racontait-il, étaient préparées à partir de morceaux de bois du siwak (Salvadora Persica) rendus fibreux à leur extrémité. Dès que ces femmes s’asseyaient, elles se servaient de cette « brosse » pour se nettoyer la bouche avec assiduité » (1998 : 16). Selon Janot, « Eilhard Widemann (1852-1928), un physicien allemand, rapportait en 1915 que les Nubiens (habitants de Nubie, région historique comprenant le Nord de l’actuel Soudan et le sud de l’Égypte) avaient toujours sur eux un morceau de bois d’une vingtaine de centimètres, appelé « siwak », qui était probablement à l’origine de la blancheur éclatante de leurs dents. Ce à quoi Von Luschnan, un conseiller privé originaire de Berlin, lui répondit que cet accessoire n’était pas seulement utilisé en Nubie, mais répandu sur l’ensemble du continent africain jusque dans les tribus bantoues les plus méridionales (qui occupaient alors l’actuelle Afrique du Sud). Il lui précisa également que la plupart des nomades qui constituaient les caravanes du désert n’emportaient avec eux qu’une gourde pour l’eau et un « msuaki » (= miswak) (Bos, 1993) » (2013 : 30). Le principe du B.F.D est le suivant : l’utilisateur en mâche une extrémité afin de l’attendrir et d’en retirer la fine couche d’écorce jusqu’à obtenir une texture fibreuse (semblable à des poils de brosse). Une fois cette forme de brosse obtenue, il suffit de se frotter les surfaces dentaires avec la partie fibreuse ainsi formée afin de retirer la plaque dentaire. « Grâce à sa simplicité, cette pratique d’hygiène méconnue en France est pourtant très répandue de par le monde, en particulier dans les pays dits « en développement » où les sociétés ne sont pas encore 13 occidentalisées à outrance. Cette pratique que l’on pourrait qualifier de traditionnelle présente en effet bon nombre d’avantages pour les populations de ces pays, puisque ces bâtonnets sont facilement disponibles et gratuits (Al Sadhan et al, 1999) » (Janot idem : 30). Ce terme « frotte-dents » n’est employé que depuis quelques années, il a été utilisé en 1969 par les Professeurs KERHARO et GRAPPIN, en remplacement de « cure-dents », employé par les Africains francophones. Ce terme a été bien choisi, car c’est une tige ou une racine de plante, qui sert, en milieu africain, à se frotter les dents. C’est la brosse à dents traditionnelle africaine7 . Si l’invention de la brosse à dents reste relativement récente, la conscience de l’importance de l’hygiène buccale était déjà bien présente dans les civilisations anciennes qui cherchaient à lutter contre la mauvaise haleine et à retirer les débris interdentaires gênants et responsables de problèmes gingivaux. En effet, de nombreuses fouilles archéologiques partout dans le monde ont mis en évidence toutes sortes d’ustensiles destinés au nettoyage des dents datant de l’Antiquité. On peut citer des cure-dents en bois, plume, épine, poils de porc-épic, mais aussi des tiges en bois fibreux à l’extrémité effilochée en fibres souples trouvées dans les tombes égyptiennes datant de 3000 ans av. J.C. Ce sont des bâtons à mâcher qui sont très semblables aux bâtonnets frotte-dents encore utilisés aujourd’hui dans certaines régions du monde8 . Quoi qu’il en soit, l’hygiène dentaire a probablement été pratiquée par nos lointains ancêtres. Mais, l’absence de preuve archéologique à ce jour ne permet pas de l’affirmer. Janot dit que ; « c’est du côté de l’Égypte que nous viendra la première découverte. On trouva en effet, dans des tombeaux datés de plus de 3000 ans avant J.C, des petites branches d’arbre fibreuses à l’extrémité effilochée en forme de brosse. Certains papyrus médicaux antiques (mis au jour par Edwin Smith, Ebers ou encore Hearst) nous enseignent que certaines formes d’hygiène buccale étaient pratiquées il y a environ 4000ans : les instruments d’hygiène dentaire usités à cette époque étaient déjà très semblables au miswak actuel », (op.cit. 13). Selon Karen, « l’histoire du B.F.D, ainsi que celle de la brosse à dents est aussi vieille que celle de la médecine traditionnelle africaine. Son histoire remonte aux temps où l’homme cherchait à remédier à ses douleurs dentaires ou buccales. Sur ce nous avons confronté à de multiples thèses que sont : Selon les écrits, le bâton à mâcher est apparu d’abord chez les Babyloniens dès 7000 à 3500 av. J.C. Les fouilles archéologiques ont montré des traces de son utilisation chez ces peuples » (2018 : 15). D’après Betty, « l’hygiène bucco-dentaire est très développée chez les Grecs et les Romains. Ils ont subi l’influence de diverses civilisations : égyptienne, turque et grecque. Ces populations utilisaient des cure-dents et des B.F.D. faits de divers matériaux, argent, os, arête de poisson, plumes, épines de porc-épic et végétaux. Une encyclopédie médicale de huit volumes a été rédigée par Aurelius Cornelius Celcuis au premier siècle av. J.-C. Dans le volume VII. Ce bâton à mâcher a été utilisé plus tard par les Chinois de l’actuelle ColombieBritannique vers 1600 pour se nettoyer les dents » (1982 : 17). Chez l’Africain aussi, nous pensons que cet usage ancestral a deux origines l’origine arabe, islamique : cette pratique, dans un souci de purification, fait partie des prescriptions hygiéniques du Coran, avant tout acte religieux. Le B.F.D. est utilisé avant chacune des cinq prières quotidiennes. Cette théorie n’est valable que pour les populations africaines islamisées9 . Cependant, pour le reste de l’Afrique, nous constatons que l’origine est différente. Elle serait authentiquement africaine, créée par un simple besoin hygiénique ou cosmétique. Dans le monde arabe, le siwak (ou Miswak) fabriqué à partir d’un rameau ou de la racine de l’arbre Arak (qui pousse en Arabie Saoudite) a été largement utilisé depuis l’âge d’or de l’islam par le prophète Mohammed, l’un des prophètes majeurs de l’islam aux alentours du VIIe siècle, les bienfaits du  » siwak » sont mis en avant dans certains textes où il est conseillé d’utiliser ce bâtonnet notamment pour les ablutions avant la prière10 . En effet, d’après Ibrahima SARR, « la Tradition prophétique « SUNNAH NABAWIYA », mentionne à plusieurs reprises l’usage de cet instrument pour la purification de la bouche avant chaque prière et pendant le mois de Ramadan. L’emploi du B.F.D à une connotation religieuse et est fortement recommandé pour le musulman dans l’hygiène orale » (2010 :13). L’Homme s’est curé les dents avant de se les brosser. Cela fait au moins 1,8 million d’années que le genre homo utilise de petits bâtonnets pour nettoyer tout ce qui se coince entre ses dents. Il faut croire que la méthode a fait ses preuves, puisqu’aujourd’hui les brosses à dents ne font qu’imiter le rôle du B.F.D. Mais peut-être avait-on jusqu’alors sous-estimé la 9 Betty idem, P.17 10Karen idem, P.15 15 fonction de cet outil ? Dans la revue Plos One, l’équipe espagnole de l’Institut Català de Paleoecologia Humana I Evolució Social suggère que l’Homme de Neandertal est le premier à utiliser ce bâtonnet à des fins médicales11 . Selon Delphine Bossy, « cette équipe a analysé les dents d’un homme de Neandertal dont le fossile n’a pas été daté avec exactitude. Ce que l’on sait, c’est que les restes du squelette ont été associés au Moustérien, et plus précisément à la période comprise entre 150.000 ans et 50.000 ans avant notre ère. Les chercheurs ont trouvé sur les dents de l’individu des traces du passage du B.F.D., et les ont associées à la maladie parodontale dont il était atteint » (2013 : 12). L’équipe mentionne aussi que l’usage du « soccu » par les Égyptiens qui étaient très préoccupés par l’hygiène dentaire comme en témoigne le fait que beaucoup d’entre eux aient été enterrés avec petites branches d’arbre qu’ils ont utilisé pour se nettoyer les dents. Si l’on se tient à ces dates et à ce déni du peuple africain noir dans l’histoire du B.F.D, cela voudrait-il dire que le « soccu » aurait été importé en Afrique noire par un peuple étranger. Et donc qu’il n’existait pas à l’origine sur le continent ? Alors que l’on sait que le B.F.D. est intrinsèque à l’hygiène bucco-dentaire des Noirs depuis les temps anciens et donc il serait invraisemblable qu’il constitue un apport étranger. Bref, la question étant posée, poursuivons notre exposé.

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 La répartition géographique du bâtonnet frotte-dents

 Le B.F.D se trouve dans les différentes régions (voir figure 1)  Moyen-Orient : Arabie, Irak, Égypte, Liban, Oman, Yémen, Qatar, Emirats, Bahreïn, Jordanie, Palestine, Iran, Syrie.  Afrique du Nord : Maroc, Lybie, Mauritanie, Algérie, Tunisie  Afrique de l’Est : Tanzanie, Erythrée, Kenya, Somalie, Ethiopie, Soudan, Djibouti.  Afrique de l’Ouest : Sénégal, Côte d’Ivoire, Sierra Léone, Guinée, Bénin, Ghana, Nigéria.  Afrique Centrale : Tchad, Niger, Centrafrique.  Afrique du Sud : Zimbabwe, Namibie, Ile Maurice, Mozambique.  Asie Centrale : Afghanistan, Bengladesh, Népal, Pakistan, Inde.  Asie Est : Indonésie, Malaisie, Brunei, Philippines. 11(Tiré sur la revue de Plos One de Delphine Bossy, paru le 21 octobre 2013 p.6). 16  Asie du Sud-est : Thaïlande, certaines régions chinoises, Vietnam, Tibet.  Amérique : Iles Vierges, région du Golfe du Mexique.  En Océanie, les bois frotte-dents sont totalement ignorés d’après Roland Porteres (1906-1974 : 24). Selon cet auteur, 82% des ethnies africaines utilisent des frottedents dans le monde, cet usage étant presque généralisé dans toute l’Afrique à l’exception de l’Afrique du Sud. 

 LA DÉNOMINATION DE CERTAINES PLANTES SERVANT DE BÂTONNET FROTTE-DENTS OU « SOCCU » 

Typologie de quelques plantes servant de bâtonnet frotte-dents et leurs noms scientifiques Parce qu’il s’agit bien de la bouche, il est recommandé de ne pas choisir n’importe quelle plante. Cependant, il est très difficile de vous donner le nom de toutes les plantes utilisées comme B.F.D car, ces plantes sont en majorité reconnues que par les populations locales qui n’en connaissent le nom que dans leur dialecte. Nous avons pu connaitre ces noms de B.F.D., grâce à un travail de terrain. En effet, nous avons recensé quelques types de plantes servant de « soccu » avec l’aide de nos interlocuteurs qui nous sont expliqués chaque variété de B.F.D. Et n’oublions pas aussi que nous avons ciblé le groupe culturel wolof. Dans ce cas, nous avons la possibilité de les recenser en langue wolof. Voici ce que nous avons pu étudier, (figure 2 et tableau 1) : Le guro, le petit cola, le sump, Le mattu xewël ou bantu xewël, Le den gi dêk, le dakaar, Le niim ou Neem, le sintie, le néb-néb, Le werek, le xabat saouda, Ngaw, Le nger, le quinkéliba, Y’a aussi d’autres variétés comme le « saagntier », le « raan », le « ndiandaamb », peu connue par la population sénégalaise. D’après nos interlocuteurs comme le cas d’El hadji Malick Gueye, un tradipraticien habitant en Grand Dakar en face « Thiossane » Ainsi, nous allons essayer de donner quelques noms scientifiques et de famille de ces plantes servant de frotte-dents, cité cidessus. 

Table des matières

 DÉDICACE
REMERCIEMENTS
LISTE DES SIGLES ET DES ACRONYMES
AVERTISSEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION GЀNЀRALE
PREMIÈRE PARTIE :PRÉSENTATION DU BÂTONNET FROTTE-DENTS OU « SOCCU »
CHAPITRE 1 : LA GENÈSE ET LA RЀPARTITION GЀOGRAPHIQUE DU BÂTONNET FROTTE-DENTS
CHAPITRE2 : LA DÉNOMINATION DE CERTAINES PLANTES SERVANT DE BÂTONNET FROTTE-DENTS OU « SOCCU »
DEUXIÈME PARTIE :ÉTUDE DU BÂTONNET FROTTE-DENTS CHEZ LES WOLOFS
CHAPITRE1 : LA PRЀSENTATION DU GROUPE CULTUREL WOLOF ET LEUR
CONCEPTION DU BÂTONNET
CHAPITRE 2 : LES DIFFÉRENTS ASPECTS DU BÂTONNET FROTTE-DENTS
TROIXIЀME PARTIE : LE BÂTONNET FROTTE-DENTS : ÉTUDE MЀDICALE
CHAPITRE 1 : LES VERTUS THÉRAPEUTIQUES OU L’UTILITÉ DU BÂTONNET FROTTE-DENTS
CHAPITRE 2 : LA DIFFЀRENCE ENTRE SIWAK ET LE BROSSE Ᾰ DENTS AVEC PÂTE DENTIFRICE
CONCLUSION
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXE

 

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