Le Barbican, chef d’œuvre ambigu du town design
Le Barbican Centre sert d’étude de cas pour la mise en application des concepts opératoires précédemment étudiés – en particulier la mise en place de l’unité de voisinage dans un site au centre de Londres. Le Barbican offre un exemple particulièrement intéressant de comprehensive development area, notamment parce que la reconstruction de ce site fait l’objet de fortes oppositions entre quatre instances au sein de la City Corporation : l’Improvement and Town Planning Committee (ITPC), le New Barbican Committee, le Public Health Committee (PHC) et une partie du département d’urbanisme de la City Corporation, associée au LCC. L’opération du Barbican répond, dans un contexte d’hyperdensité, au concept d’unité de voisinage dans la centralité. Suivre, sur une vingtaine d’années, les débats autour de cette opération permet de comprendre, au même titre que l’analyse des plans, comment les concepts et les outils du town design sont sollicités dans la pratique. 1962 (Lee House) et le premier bâtiment du Barbican Centre en 1966174. Pendant treize ans, de 1944 à 1957, la reconstruction de ce terrain de grande taille au cœur de la City est l’enjeu de propositions urbaines concurrentes entre les quatre différentes instances mentionnées. Après la validation du plan de développement de la City élaboré par premières propositions. La Corporation propose de rétablir la trame des rues et de vendre les parcelles aux promoteurs. Entre 1954 et 1957, l’ITPC accorde des permis de construire en engageant une reconstruction non planifiée de la City.
Le concept de ségrégation piétonne est abandonné. En 1954, un permis est déposé par le promoteur Charles Clore pour avoir l’avis favorable de la Corporation afin de construire un complexe de bureaux sur le site de 2 ha de Cripplegate – c’est-à-dire sur le site du Barbican Centre – compris dans les 16 ha de la zone définie comme CDA. La Corporation soumet son avis pour validation à la Royal Fine Art Commission (« RFAC »). Celle-ci demande que ce projet rentre dans le cadre établi par un plan en trois dimensions réglementant ce terrain. En 1954, trois autres groupes s’emparent du sujet. La division urbanisme du LCC est amenée à collaborer avec la Corporation de la City autour de l’élaboration d’un plan en trois dimensions pour le site, auquel contribuent Arthur Ling et Percy Johnson- Marshall. Conformément au souhait de la RFCA, ils proposent un plan commun à partir de leurs deux plans distincts : ce sera le plan Mealand/Martin, établi en 1956. Ensuite, le « new Barbican Committee », un groupe de pression formé pour contrecarrer les propositions de Charles Clore et influencer la Corporation, soumet aussi en 1954 un plan en trois dimensions à la RFAC pour approbation. Enfin, certains membres du Public Health Committee (PHC), les instances locales de la santé et du logement de la Corporation, parmi lesquels on trouve le conseiller municipal Wilkins et le secrétaire de mairie, E.H. Nichols, cherchent à soutenir le développement du logement dans la City. Ils font appel à l’équipe d’architectes en charge de l’opération de logements de Golden Lane, Chamberlin, Powell et Bon, pour étudier la faisabilité d’une opération de logement de grande ampleur.
Les plans proposés par ces différents groupes correspondent à différentes interprétations de la notion de « planification globale » (Comprehensive Planning) d’un site, exigée par la loi de 1947 et dont la définition, comme le note David Heathcote175, reste floue. Le désaccord principal concerne la question de savoir si le plan doit prescrire le caractère général des constructions sur les zones ou si le développement doit être proposé à plusieurs promoteurs. Chamberlin, Powell et Bon (CPB), les architectes missionnés par le Public Health Committee, qui construiront le Barbican, s’opposent au LCC dans les méthodes d’intervention. Le LCC favorise la prescription architecturale et pense être à même d’imposer des règlements aux différents promoteurs privés qui développeront le site, tandis que CPB privilégient un unique maître d’ouvrage et architecte, impliquant qu’il s’agit d’une opération unitaire. Le département d’urbanisme de la Corporation et le LCC partagent la même interprétation de la notion de « planification globale » mais ils s’opposent néanmoins sur un point précis : la marge de manœuvre laissée par l’autorité locale aux promoteurs. Pour le LCC, la planification globale a l’avantage de permettre un processus de validation en deux étapes. Dans un premier temps, la volumétrie et la forme générale du développement doivent être soumises à validation. Dans un second temps, le projet peut être développé dans tous ses détails par différents promoteurs. La Corporation estime au contraire qu’il faut laisser plus de liberté formelle aux promoteurs.