Les caractéristiques de la population
L’âge moyen (58 ans) ainsi que la proportion d’hommes (88%) et de femmes (11%) sont exactement les mêmes que ceux retrouvés lors du bilan annuel du programme présenté à l’ARS en 2015. Il s’agit donc d’une population relativementjeune, très majoritairement masculine et active (59,5%). Dans l’étude FAST-MI de 2010, l’âge moyen de survenue des SCA est de 65.6 ± 14.4 ans. Pour les SCA avec sus décalage du segment ST, il est de 63.7 ± 14.6 ans et pour les SCA sans sus décalage du segment ST, il est de 68.2 ± 13.6 ans. La proportion de femmes est de 25 et 30% respectivement. Evidemment, cette étude incluait les patients de plus de 75 ans qui représentaient 26% et 37% des patients respectivement ce qui explique une moyenne d’âge plus élevée par rapport à notre étude ainsi qu’une proportion de femmes plus importante ; le SCA chez la femme survenant en moyenne 10 ans après l’homme (30).
Très peu de patients inclus dans l’étude (14.7%) avaient déjà présenté un SCA et aucun n’avait déjà participé à un programme d’ETP ce qui ne perturbera pas l’interprétation des résultats. Parmi les patients ayant déjà fait un IDM, la moyenne d’âge est relativement élevée (70 ans).
La participation aux différents ateliers est plutôt bonne avec pour 5 ateliers sur 7 une participation de plus de 50% de l’effectif. Les ateliers relatifs à l’aspect psychologique ont été un peu moins plébiscité puisque seulement 14.3% des patients ont participé à l’atelier sur la relaxation et 47.6% à l’atelier « Groupe d’échange : parler de l’événement cardiaque ».
La population des perdus de vue est une population purement masculine, légèrement plus jeune. Il s’agit de personnes actives qui peuvent présenter des difficultés à se libérer de leurs activités pour participer à un programme d’ETP.
Connaissance de la maladie et des traitements
L’étude n’a pas permis de montrer d’amélioration sur les connaissances des causes de la maladie ainsi que des facteurs de risque cardiovasculaire entre le questionnaire initial et le questionnaire final. Le seul facteur de risque plus fréquemment cité par les patients est le facteur « sédentarité » (14.3% initialement contre 42.9% au bilan final) et ce, avec une tendance à une différence significative(p<0.05).
Ceci est probablement dû à une mauvaise compréhension de la question sur les causes de la maladie pour laquelle une part importante des patients a répondu la même chose à cette question et à celle sur les facteurs de risque cardiovasculaire.
De plus, il semble également qu’ils aient répondu à la question sur les facteurs de risque en fonction de leurs propres facteurs de risque cardiovasculaire plutôt que de façon générale.
L’étude interHEART est une étude cas-témoin incluant toutes les régions du monde, qui a permis d’identifier les différents facteurs de risque de survenue de l’IDM au nombre de huit : la dyslipidémie, le tabagisme, le diabète, l’obésité abdominale, les facteurs psychosociaux, l’alimentation, l’alcool et la sédentarité. Trois facteurs « protecteurs » ont été mis en évidence : la consommation de fruits et légumes,l’activité physique et une consommation modérée d’alcool (31).
Les principaux facteurs de risque relevés par les patients sont le tabac, lamauvaise alimentation, la dyslipidémie, la sédentarité et le stress. Ce dernier pouvant entrer le cadre des facteurs psychosociaux.
En revanche, en ce qui concerne la connaissance du rôle des traitements, on note une amélioration sur plusieurs items en sachant qu’une très grande majorité despatients avaient participé à l’atelier correspondant : « fluidifier le sang » (52.4% puis 69%), « réduire la fréquence cardiaque » (28.6% puis 38.1%), « contrôler la tensionartérielle » (16.7% puis 35.7%) et « diminuer le cholestérol » (0% puis 57.1%). Onnote une amélioration avec tendance à une différence significative pour les items :« contrôler la tension artérielle » et « diminuer le taux de cholestérol ».
De plus, la moitié des patients inclus dans l’étude fumait avant de présenter un SCA. Une large majorité (85.7%) a arrêté de fumer avant même d’intégrer le programme ce qui montre bien que le syndrome coronarien en lui-même est unévénement de vie qui pousse les patients à arrêter leur consommation de tabac. A l’issue du programme, 1 seul patient a arrêté de fumer alors que 3 autres ont reprisleur addiction. Le sevrage tabagique semble, en effet, difficile à maintenir au long cours. Une extension du programme sur une plus longue période avec des rappelsréguliers pourrait être une solution.
Dans l’étude de Chow, à 1 mois de suivi post IDM, un tiers des patients continuaitde fumer alors qu’ici, une large majorité a arrêté sa consommation de tabac malgré 3rechutes (23).
Une méta-analyse canadienne de 2014 a montré que l’ETP permet de faciliter les changements de comportements notamment l’arrêt du tabac. Elle a aussi mis en évidence une amélioration en ce qui concerne l’activité physique, les habitudes alimentaires et les connaissances des patients sur la maladie coronaire alors quepour la réponse à des symptômes cardiaques, l’observance thérapeutique et le bien être psychosocial, les résultats sont plus équivoques (32). D’autres études ont montré les effets bénéfiques des programmes ETP dans le sevrage tabagique (26).
Activités physiques et sportives
Une majorité des patients (57.1%) ne pratiquait aucune activité sportive avant leur hospitalisation pour l’IDM.
On note une nette amélioration des pratiques sportives entre l’avant et l’après programme ETP. En effet, un grand nombre de patient initialement inactif a repris une activité sportive (37.5% vs 83.3%)et ce, avec une tendance à une améliorationsignificative des pratiques (p< 0.05). Une grandeproportion (85%) de ces patients aparticipé à l’atelier sur le sport.
De la même manière, l’atelier recommandait de pratiquer au minimum 2 à 3 foispar semaine une activité sportive sur une durée de 40 minutes et là aussi, on constate une nette augmentation du nombre de patients ayant ce type de pratiquesportive entre le début et la fin du programme (28.6% vs 57.1%) avec une tendance à une différence significative (p<0.05). Là aussi, une majorité des patients a assisté à l’atelier du médecin rééducateur (87.5%).
En ce qui concerne le degré de motivation à la pratique d’une activité sportive, lespatients semblent déjà très motivés dès le bilan initial avec une moyenne de 7 sur une échelle allant de 0 (aucune motivation) à 10 (très motivé(e)). Cette moyenne augmente légèrement d’1 point lors du bilan final. En revanche, la médiane ainsi que le 25ème percentile augmentent de 2 points (7 vs 9 et 5 vs 7/10 respectivement) ce qui semble montrer que le programme a renforcé sensiblement leur motivation à la pratique sportive.
Cet atelier permettait également d’informer sur la conduite à tenir en cas de voyage à l’étranger. On constate une amélioration des connaissances sur les deux principaux items à savoir emporter son traitement (53.7% vs 90.2%) ainsi que son ordonnance écrite en langage international (17.1% vs 43.9%) avec une tendance à une différence significative (p < 0.05). 22% des patients ont évoqué lors du bilan final l’importance d’avoir un bon système de santé ainsi que des structures hospitalières à proximité dans les pays visités.
Nutrition
Les patients de cette étude ont un IMC moyen initialement de 26.9 ce qui correspond à une situation clinique de surpoids. Il ne s’agit pas de patient obèse pour la très grande majorité puisque le 75ème percentile est de 29.24. Cet IMC ainsique le poids moyen sont légèrement en baisse entre le début et la fin de l’étude (- 0.38 pour l’IMC et – 0.7 pour le poids) en sachant qu’il s’agit d’informations déclaratives et que les patients n’ont pas été pesés ni mesurés.
Les résultats du score nutritionnel retrouvés dans cette étude montrent que les patients semblent avoir de bonnes habitudes nutritionnelles puisque le score initial est de 5.64/8 et qu’il s’améliore très peu (5.76/8) lors du bilan final. Cela ne concordepas avec le niveau de l’IMC. En effet, l’association entre le surpoids et les bonnes habitudes nutritionnelles paraît peu probable. Il existe sûrement, à ce niveau, un biais dans le recueil de données, les patients ont probablement embelli la réalité de leur conduite alimentaire. A noter que ce score ne tient pas compte de la consommation d’alcool.
On constate, tout de même, que ce score nutritionnel est plus élevé, lors du bilan final, chez les patients ayant participé à au moins un des deux ateliers sur l’hygiène alimentaire (6.25/8) par rapport ceux n’ayant pas assisté à ces ateliers (4.79/8). Ce qui laisse à penser que les apports nutritionnels du programme ne sont pas négligeables. De plus, la majorité des patients (81,6%) déclarent avoir modifié leurs habitudes alimentaires à la fin du programme.
L’étude Baudet en 2006 s’est particulièrement intéressée à l’hygiène de vie. En effet, le programme consistait en des entretiens avec un(e) infirmier(e) tous les 6 mois qui ciblaient la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire et les habitudes alimentaires avec une évaluation au moyen de scores sur une durée 20.8 10 mois. Le score de nutrition est plus détaillé que celui de cette étude et montre de nets progrès grâce à ce programme (le score passe de 1,5 à – 6/27, p < 0,001). Il existe également une amélioration concernant le score de contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire (le score passe de 6,4 à 5,1/17, p < 0,001). Dans le groupe des patients ayant participé au programme, on constate moins d’évènements cardiovasculaires en particulier de survenue d’une insuffisance cardiaque ou d’autres évènements liés à l’athérosclérose, moins de ré-hospitalisations et moins de décès (37).
La SFC recommande la généralisation du régime méditerranéen chez tous les patients atteints de pathologies cardiovasculaires étant donné qu’il a prouvé sur plusieurs études une réduction de la morbi-mortalité (33).
Psychologie
Au final, assez peu de patient ont participé aux ateliers relatifs à l’aspect psychologique de l’ETP (14.3% pour l’atelier « relaxation » et 47.6% pour l’atelier « Groupe d’échange : parler de l’événement cardiaque »). Du coup, les résultats concernant les différents items abordés sont sensiblement les mêmes entre le début et la fin du programme.
On peut, tout de même, déduire de ces résultats qu’il s’agit d’une population assez peu stressée ou angoissée depuis l’IDM (moyenne de 4/10), peu triste ou déprimée depuis l’IDM (moyenne de 3), qu’elle se sent capable de modifier ses comportements (moyenne de 8) et qu’elle présente peu de difficultés à parler de sa maladie à son entourage (moyenne de 2). Les résultats sont intermédiaires avec une moyenne de 5 puis 4 (amélioration limitée de – 1 point) quant au fait d’être angoissé/stressé à l’idée d’avoir des sensations/douleurs au niveau du cœur. Il en est de même pour la sensation de limitation dans les activités de la vie quotidienne (moyenne de 5). Les patients ont, par contre, peur que l’IDM ne récidive puisque la moyenne est de 6. En revanche, l’événement cardiaque n’a pas trop altéré leur estime de soi (moyenne de 4). Il existe une amélioration d’1 point entre le bilan initial et final (de 7 puis 8 en moyenne) sur le fait que les patients pensent devoir modifier leurs habitudes.
Les patients ayant participé aux ateliers sur la psychologie se sentent moins limités dans les activités de la vie quotidienne puisque la moyenne est de 4 alors qu’elle est de 6 pour ceux qui n’y ont pas participé. Il semble que le programme est un effet bénéfique à ce niveau.
Par ailleurs, on constate une augmentation des patients utilisant des techniques de relaxation et manœuvres d’apaisement entre le début et la fin du programme (38.1% vs 57.1%).
Un certain nombre d’étude a montré que les programmes d’ETP amélioraient la qualité de vie des patients (38), (29)
Une étude de 2007 a mis en évidence une surmortalité des patients déprimés dans les suites d’un événement cardiaque majeur. Cependant, après un programme de réhabilitation cardiaque incluant un réentraînement physique, on constate que la prévalence des symptômes diminue chez 63% des patients ayant participé au programme de 17% à 6% (p<0.0001) ainsi que la mortalité chez ces patients (39).
Une autre étude est une des premières à avoir évaluer à la fois les effets physiques mais aussi les effets psychologiques via une thérapie cognitivocomportementale d’un programme de réhabilitation cardiaque. Les résultats retrouvent une amélioration significative sur des points médicaux (pression artérielle, lipides, poids, exercice physique, fréquence des symptômes : douleurs thoraciques ou dyspnée) ainsi que sur des points psychologiques (dépression, anxiété et hostilité) (p<0.001) (40).
Observance thérapeutique et gestion de la récidive
Une bonne partie des patients ayant participé à cette étude (66.7%) ont suivi l’atelier « Prise en charge du traitement au quotidien et gestion de la crise ».
On constate que le programme ETP n’a pas permis d’améliorer l’observance thérapeutique. Alors que 28.6% des patients déclaraient avoir oublié au moins une fois un ou plusieurs médicaments lors du bilan initial, ils sont un tiers lors du bilan final. Dans la majorité des cas, les oublis sont rares (< 1 fois par mois) ; un seul patient lors du bilan final avoue oublier fréquemment son traitement (> 1 fois par semaine). Il s’agit d’ailleurs d’un patient ayant participé à l’atelier sur l’observance médicamenteuse. En effet, plus de la moitié des patients ayant une mauvaise observance (57.1%) sont des patients ayant assisté à cet atelier. Comme pour le tabagisme, il est difficile de maintenir sur le long cours une compliance au traitement.
Là encore, un accompagnement des patients sur un plus long terme permettrait sûrement d’améliorer cette observance.
En revanche, aucun patient ne déclare avoir arrêté complétement son traitement.
On note une amélioration des connaissances sur les complications liées à l’arrêt du traitement ; la majorité des patients ayant participé à l’atelier correspondant (63.6%). En effet, la proportion de patients ayant répondu « la récidive de l’IDM » augmente entre les deux questionnaires (52.4% vs 78.6%) et ce, avec une tendance à une différence significative entre l’avant et l’après programme (p <0.05).
Il existe également une amélioration des connaissances en ce qui concerne les principaux signes devant alerter ainsi que la conduite à tenir en cas de récidive del’infarctus. Les patients ont répondu majoritairement « la douleur thoracique » comme signe de récidive (76.2% vs 95.2%) et ce, avec une tendance à une amélioration significative entre le bilan initial et final (p <0.05). Là encore, une grande partie des patients a assisté à l’atelier correspondant (92.8%). De même, ils ont répondu majoritairement « appel du SAMU » puis « utilisation du spray de trinitrine » avec une augmentation de l’effectif entre les deux questionnaires (66.7% vs 80.5% et 35.7% vs 53.7% respectivement).
Enfin, on constate une augmentation du port de spray de trinitrine sur soi entre le début et la fin du programme (31 puis 59.5%) ; la majorité des patients (60%) déclarant porter sur soi systématiquement le spray avait participé à l’atelier correspondant. Il semble exister là aussi une différence significative (p <0.05).
Au final, ce programme a montré un renforcement des connaissances à la fois sur les conséquences de la mauvaise observance thérapeutique et sur la reconnaissance et la gestion de la récidive de l’IDM avec notamment le port sur soi du spray de dérivés nitrés.
En revanche, en ce qui concerne l’observance thérapeutique, on retombe sur les mêmes chiffres que l’étude de Ho de 2006 c’est-à-dire 30% de patients qui arrêtent partiellement ou complètement de prendre leurs médicaments dans le mois qui suit leur sortie de l’hôpital (21). Cela nécessite d’insister sur ce point à la fois pendant le programme mais également au décours pour inciter les patients à ne pas oublier de prendre leur traitement.
De plus, il est impératif que les patients apprennent à reconnaître les symptômes en rapport avec une récidive d’IDM et la conduite à tenir à mettre en place en urgence en cas de récidive puisque le pronostic est directement lié à la rapidité de la prise en charge en milieu hospitalier avec notamment la revascularisation par angioplastie.
Une étude multicentrique menée sur les Etats-Unis, l’Australie et la NouvelleZélande a permis d’évaluer le niveau de connaissance des patients ayant fait un IDM en ce qui concerne les symptômes du SCA, les attitudes à adopter ainsi que les croyances sur la maladie coronaire et a montré que 46% des patients avaient un niveau de connaissances bas (< 70% de réponses correctes). Le niveau de connaissance était plus important chez les patients de sexe féminin, les plus jeunes, ceux ayant un haut niveau d’éducation, ceux ayant participé à un programme deréhabilitation cardiaque et ceux suivis par un cardiologue. De plus, la plupart (57%) se considéraient comme à haut risque cardiovasculaire soit avec un risque élevé de récidive du SCA dans les cinq ans (41).
Satisfaction du programme
La satisfaction des patients pour ce programme est excellente avec une moyenne de 9/10. Il n’y a visiblement pas de résistance à cette nouvelle pratique thérapeutique. La majorité des patients pensent avoir amélioré leurs connaissances sur la maladie, le traitement et sa gestion, l’hygiène alimentaire, l’activité physique et sportive ou encore la gestion de la récidive.