L’ATELIER D’ARCHITECTURE ALAIN RICHARD (AA-AR)
Présentation de la philosophie de l’atelier
« Construire importe davantage que le construit en lui-même, dans une vision où le projet devient un processus d’amendement dans la durée des milieux habités. Cette vision de l’architecture permet de sortir de la pression du temps court, d’être à l’écoute des usages et des usages selon une approche itérative d’expérimentation. […] Atteindre la plus haute qualité de conception et de réalisation par l’expérimentation continue et par une méthode itérative originelle de notre profession» .
Ces propos de Jana Revedin illustrent assez bien les convictions de l’atelier d’Alain Richard sur la manière de pratiquer l’architecture. Le bureau considère l’architecture comme un métier de service, où l’architecte est dans un système de collaboration avec les différents partenaires de la construction.
« L’architecte est donc un professionnel qui résout des problèmes de structure, d’enveloppe, d’usage et de coût afin de révéler le sens et la poésie des espaces construits. Il est le responsable du sens, de l’émotion, qui font qu’un lieu de vie accueille, abrite, interroge, révèle… C’est le minimum à donner par respect pour l’homme. » .
Il est insuffisant pour eux de se contenter de donner une réponse architecturale en évaluant les potentiels et manquements d’une situation. Il est du devoir de l’auteur de projet de s’interroger sur l’avenir du contexte du projet, y apporter de la poésie et des réponses prises dans les défis avec le futur.
« Notre conviction est que la performance énergétique des bâtiments et leur qualité écologique ne peuvent plus être considérées uniquement comme des « plus » à proposer. Elles doivent faire partie des exigences de base et être insérées le plus tôt possible dans le processus de conception. » .
L’empreinte environnementale des projets, les enjeux écologiques sont une réflexion que l’atelier intègre dès la conception du projet depuis de nombreuses années.
La « pratique consciente du métier » telle que décrite par Alain Richard sur le sens et les convictions qui l’animent est un leitmotiv qui résonne dans ses projets. L’architecte doit avoir une posture vis-à-vis du projet mais également par rapport à ce qu’il pense sur l’architecture et à ses capacités à dépasser « toutes les valeurs de fonctionnalité, de convenance et d’économie. » .
Se limiter à répondre aux questions du ‘comment et du ‘pourquoi’ l’acte de construire, sans prendre en compte le contexte socio-économique plus large, enferme un peu l’architecture à la notion de réponse vis-à-vis du site mais pas inscrite en cohérence de la société dans laquelle la solution pensée s’inscrit.
Dans la plupart des projets, le matériel dont dispose l’architecte pour formuler une réponse architecturale est issu du contexte et du programme. L’atelier d’Alain Richard ajoute une troisième variable à l’équation : l’usager. Par son implication, l’explication de ses volontés ainsi que son investissement possible au long du processus de conception et réalisation, cela lui permet une appropriation de la rénovation.
Le maître de l’ouvrage :
Sensibilisé au réemploi, il met au point de nouvelles prescriptions dans le cahier des charges. Il s’occupe également de rassembler les documents permettant une bonne compréhension de la situation existante (plans, cahier des charges de l’époque, rapports divers qui feraient état de manquements, …) Il réalise les inventaires nécessaires. Une nouvelle directive oblige le pouvoir adjudicateur (appelé également maître de l’ouvrage) à envisager la division du chantier en lots afin de garantir la qualité de réalisation et collaborer avec des entreprises plus spécialisées.
L’auteur de projet
Il sensibilise les autres acteurs au réemploi, aux limites des ressources. Il adapte la conception avec ce qui peut être conservé. Il choisit les techniques pour arriver au résultat et s’adapte aux aléas du chantier.
Les utilisateurs
Ils émettent les volontés qu’ils souhaitent voir transparaître dans le projet, participent à l’élaboration et au suivi du chantier, soutiennent les démarches en matière d’économie circulaire. Leur implication permet une appropriation de la rénovation.
Les entrepreneurs
Ils sont habitués à exécuter leur travail avec une méthode et les directives sur le réemploi, la récupération de certains éléments peuvent paraître comme une attitude marginale des architectes. Un même « déchet » ne sera pas perçu de la même façon pour l’auteur de projet que pour l’entrepreneur. Néanmoins, il s’adapte aux nouvelles méthodes et acquiert des nouveaux savoirs faire. Seul inconvénient pour eux, le temps d’exécution est allongé.
Le fonctionnement entre les différents acteurs va conditionner le processus de la rénovation, et nous allons le voir avec deux cas de rénovation – transformation de façades de bâtiments scolaires. La première est une réalisation terminée, à Braine l’Alleud, et la seconde est toujours en phase de chantier, dans le centre de Liège. Ces deux projets, analysés dans des temporalités d’exécutions différentes, apporteront un avis critique sur la démarche qu’implique une rénovation de façade.
Projet déjà réalisé : l’Athénée Royal Riva Bella à Braine l’Alleud
Mise en situation
Dans un premier temps, nous allons parcourir assez brièvement la rénovation de l’Athénée Royal Riva Bella de Braine l’Alleud. La démarche de l’Atelier d’Alain Richard est proche de celle appliquée à l’Athénée Royal Liège1. Nous essaierons de trouver des similitudes dans les décisions prises pour ces deux rénovations, toujours en gardant à l’esprit que ce sont les façades qui nous intéressent, car cette rénovation de bâtiment scolaire a servi d’expérience pour entamer celle de l’Athénée Royal Charles Rogier Liège 1. Pour comprendre ce qu’implique la rénovation de l’Athénée Riva Bella, nous avons étudié le livre intitulé « Visions. Architectures publiques » qui est dédié à cette rénovation. Une étudiante de l’Université de Liège, a réalisé un travail de fin d’étude sur l’Athénée de Riva Bella, nous en prendrons également connaissance. Une documentation supplémentaire est apportée par une présentation de la pratique du réemploi en marché public initiée par Bruxelles Environnement et présentée par Jean-Philippe Possoz.
« Au moment de décider de l’intervention sur le BSP (Bâtiment Semi Préfabriqué), une forte conviction anime les concepteurs : la recherche d’une attitude pédagogique et culturelle ambitieuse. » .
Située à l’entrée d’un vaste espace végétal dédié à plusieurs bâtiments scolaires, l’athénée apparaît isolée. Il n’y a pas cette proximité du bâti comme nous le verrons à l’athénée Liège1 .
L’Athénée Riva Bella est un bâtiment semi-préfabriqué (BSP) implanté en longueur sur un axe nord-sud, avec une structure porteuse et des façades modulées préfabriquées. Le parti pris concernant les façades a été de donner un nouveau visage au bâtiment, en y intégrant des traces du passé, témoignage de l’ancien visible. Ils ont réhabilité les façades de façon économique en réutilisant ce qui pouvait l’être. Les pignons de briques sont conservés ainsi que la structure portante en béton. La façade Ouest a été retravaillée en y intégrant des loges qui ressortent. Du côté Est, de larges ouvertures et un vantail vertical pour chaque fenêtre permettent d’assurer un renouvellement d’air frais, et à la lumière de pénétrer généreusement.
Les matériaux utilisés pour la façade sont des tôles transparentes laissant apparaître la structure en bois qui les supporte, des capots intérieurs de protection des fenêtres réutilisés en bardages. D’autres éléments ont été réemployés tels que la terre qui sert de déblais d’un côté, remblais de l’autre côté du bâtiment, des briquaillons servant également de remblais, la structure du bâtiment, les sols (carrelages), les cloisons de séparation des locaux (modulaires) qui ont été démontées et reposées.
Sous forme d’un détournement, la façade reçoit les protections métalliques d’éléments porteurs intérieurs, rouillés, griffés et perforés. Il y a une volonté de conserver l’authenticité de ce qui a existé avant. En réutilisant les structures métalliques, 150 tonnes d’acier sont épargnés, soit une production de 650.000 kWh d’énergie de fabrication qui n’a pas dû être produite.
Les différentes étapes de déconstruction de la façade sont perceptibles car le bâtiment est inoccupé pendant les transformations, et la façade, complètement déposée. La façade Ouest est représentée sous le même angle pour montrer l’évolution de la déconstruction – reconstruction de celle-ci. Le premier acte de rénovation est de considérer l’existant comme potentiel de réutilisation. C’est ainsi que les murs de briques, les planchers, et les structures métalliques sont conservées. Nous pouvons faire le parallèle avec le schéma de Stewart Brand, les six « S ». Le site et la structure sont réemployés.
PARTIE I : Etat des lieux |