La révolution industrielle
La fin du XVIIIe siècle a vu l’industrie se développer avec un essor massif de la mécanisation, d’abord en Angleterre avec l’industrie cotonnière puis en France, un siècle plus tard, avec l’essor de la métallurgie et du textile. Les nouvelles entreprises se créent à proximité des lieux où les transports sont facilités. Il s’agit de lieux où l’on trouve la houille, ou charbon, qui servait notamment de combustible pour les trains à vapeur. Suite à cela, le mouvement global d’urbanisation s’accélère et une nouvelle géographie économique se dessine en faveur du Nord, qui est plus industrialisé. S’enclenche une phase d’innovation, permise par l’évolution des structures financières (banques, marchés de capitaux) et la mobilisation du capital au service de l’industrialisation. Parmi les innovations majeures, la machine à vapeur, le chemin de fer ou l’automobile. La classe ouvrière s’est alors développée et concentrée à proximité des usines. Elle a subi la paupérisation,c’est-à-14 dire qu’elle a vu sa force de travail et ses conditions de salaire diminuer, proportionnellement à l’accroissement du taux de profit des usines. Vers la fin du XVIIIe siècle, la courbe des salaires réels tombe, notamment sous l’effet de la mécanisation et du travail sous-payé des femmes et enfants. Les travailleurs subissent une forte insécurité, entre des accidents de travail fréquents et non indemnisés, le risque de chômage et la vie dans des taudis d’agglomérations industrielles. Logements insalubres et conditions de travail vont de pair, les horaires sont démesurés (10 à 16 heures par jour, six jours par semaine), les pauses réduites et les jours fériés presque inexistants. A cette période, des écarts marquants sont visibles entre les quartiers ouvriers et bourgeois.15
La fin de la révolution industrielle
Depuis le milieu des années 1950 et avec le début des Trente glorieuses, le poids de l’industrie lourde en France décline, d’abord en termes d’emploi puis plus tard, dès les années 1970, en chiffre d’affaires. Ce phénomène s’explique par de nombreux facteurs tels l’accroissement de la concurrence, accentué par la mondialisation. L’industrie textile fait face à la délocalisation des lieux de production vers les pays à plus bas salaires (Inde, Chine, Sri-Lanka…) où les droits socio-environnementaux sont plus laxistes. Parallèlement, la robotisation et la mécanisation, en particulier dans l’automobile et l’agroalimentaire, ont engendré un transfert des emplois ouvriers vers le secteur des services. L’activité économique du pays se tertiarise autour du transport, de la grande 16 distribution, de la vente par correspondance ou encore des services aux entreprises. Sur la période, le nombre de friches industrielles a fortement crû suite à l’arrêt de nombreuses activités industrielles. Aujourd’hui, on compte environ 10 000 hectares de friches dans le Nord-Pas-de-Calais uniquement, ce qui représente 50% des friches industrielles du territoire français. Ces sites font peu à peu l’objet de réhabilitations environnementales.
Les causes de la constitution des friches Les friches sont le reflet d’une époque où la structure urbaine d’une ville entre en inadéquation avec la fonction qu’elle est sensée assurer. Elles ne sont pas uniquement issues des industries mais aussi de l’arrêt d’autres types d’activité comme les activités touristiques, militaires, portuaires et ferroviaires mais cela s’applique aussi à l’habitat, l’hôtellerie ou les hôpitaux. On peut désormais voir apparaître un nouveau type de friches, les friches commerciales, avec la fermeture des commerces de centre-villes au profit de zones d’activités commerciales péri-urbaines.En 2016, le taux de vacance commerciale 17 des centres-villes s’élevait à 11,3% et évolue encore (11,7% en 2017). Les friches sont des marqueurs de dysfonctionnements de l’activité économique et font partie du processus de renouvellement des villes. En effet, les villes changent et leur phase de renouvellement n’est pas instantanée et varie selon la capacité des acteurs à s’adapter aux changements. Plusieurs facteurs expliquent la création des friches. Il peut s’agir de la concurrence imposée par l’économie mondiale qui engendre la délocalisation d’entreprises ou la transformation du mode de production. Les friches commerciales sont en grande partie dues au développement des centres commerciaux et hypermarchés.
Depuis 2000, les surfaces commerciales ont augmenté de 3% par an, ce qui est deux fois plus rapide que la consommation. Cela engendre donc la fermeture de commerces. L’émergence des friches résulte aussi de choix stratégiques des acteurs institutionnels au sujet de leur patrimoine foncier et immobilier. Par exemple, les grands propriétaires tels que l’armée, Gaz de France ou la SNCF voient leurs propriétés mutées suite à des inadaptations fonctionnelles, économiques ou sociétales. Elles peuvent aussi naître de décisions prises localement par les institutions. Notamment, la révision des documents d’urbanisme peut amener à une modification de l’usage prévu du terrain. Par ailleurs, les raisons peuvent provenir du terrain lui-même, en raison d’une mauvaise accessibilité ou de pollution dont la résorption peut s’avérer trop coûteuse pour les propriétaires des lieux. Enfin, les friches peuvent aussi émaner de raisons individuelles comme la rétention foncière à des fins spéculatives.
Le classement des bâtiments et friches industriels Dès 1983, sous l’impulsion du président de la commission nationale de l’Inventaire et suite au rapport Querrien « Pour une nouvelle politique du patrimoine »proposant 24 d’étendre le champ patrimonial, une cellule dédiée au patrimoine industriel est intégrée à la sous-direction de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. L’inventaire général est un service national qui a pour mission de « recenser, étudier et faire connaître les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique ».Avec la création de la cellule en question, s’ensuit un 25 recensement du patrimoine industriel, mobilier et immobilier. Cette démarche permettra par la suite de caractériser les édifices et notamment d’en classer certains. Parallèlement à l’Inventaire, les inscriptions des bâtiments industriels au titre des monuments historiques fleurissent à partir du milieu des années 1980. Une trentaine de sites industriels sont protégés chaque année en France jusque dans les années 2000. Cependant, ces sites restent en marge des monuments avec seulement 1,9% d’édifices protégés relevant du patrimoine industriel.De plus, ces dernières années, le nombre de 26 sites sauvegardés ralentit du fait de la baisse des fonds de l’Etat dédiés à la culture. Le patrimoine industriel est particulièrement touché par cette diminution de la sauvegarde. D’autre part, le classement n’est pas une fin en soi.
En effet, les charges d’entretien et de fonctionnement, mais aussi la restauration font que la protection au titre des monuments historiques reste une reconnaissance mais non un gage de pérennité. De nombreux bâtiments classés tombent en ruines comme la filature Godet à Elbeuf, protégée en 1994 et détruite seulement cinq ans plus tard suite à un arrêté de péril. Plus récemment, en 2004, la halle Freyssinet, ancienne halle de messagerie de fret construite en 1929 et accolée à la Gare d’Austerlitz, a évité de peu la destruction. Pourtant reconnue en tant que monument historique, la halle fut menacée de démolition jusqu’en 2012, en vue de construire un jardin et des logements sociaux. Suite aux débats soulevés par le sacrifice de la halle, dans un contexte encore marqué par la destruction des halles de Baltard où les édifices de l’ère industrielle restent peu nombreux dans la capitale, le projet fut abandonné. Après des travaux de réhabilitation, la halle Freyssinet, renommée Station F, a rouvert ses portes en 2017. Elle accueille désormais des start-up du numérique en tant que plus grand incubateur du monde avec plus de 1000 start-up hébergées simultanément. Le projet est financé par le milliardaire et patron de Free, Xavier Niel. La conservation des monuments industriels est importante pour faire trace du passé mais on peut questionner la mise en place d’un campus de start-up au lieu d’un projet de jardin et de logements sociaux. D’autant plus que le projet initial répondait aux problématiques urbaines actuelles, à savoir le logement de tous et la création d’espaces verts. Les loyers ne cessent de croître, notamment en raison de la spéculation immobilière, empêchant les personnes à faibles revenus de se loger dans la capitale. Parallèlement, les villes ont besoin d’être végétalisées pour mieux s’adapter aux changements climatiques et aux épisodes de canicule en expansion. À noter qu’on estime que 3/4 de la population mondiale vivra en ville en 2050, en sachant qu’elle sera passée de 3,6 à 6,3 milliards d’individus.27
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