L’apprentissage du vocabulaire latin et ses synergies avec l’allemand et l’anglais

Depuis plusieurs années, l’enseignement des langues anciennes est régulièrement remis en question au secondaire I, en Suisse romande et en France (Armand, 1997 ; Ko, 2000) : diminution de la dotation horaire, caractère facultatif du grec ancien dans le canton de Vaud depuis 2005, perte du statut d’option et abandon possible de l’enseignement de la grammaire latine dans le cadre de la réforme du collège français prévue en 2016… Afin de préserver cet enseignement, il est important de présenter des arguments démontrant son utilité.

Un argument en faveur des langues et cultures de l’Antiquité est qu’elles favorisent le plurilinguisme. Elles sont d’ailleurs mentionnées dans un document de la Division des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe (2009, cf. Kolde, 2009) qui les inclut dans l’éducation au plurilinguisme. En Suisse, la Conférence intercantonale de l’Instruction publique (CIIP, 2003) recommande aussi de prendre en compte l’apport des langues anciennes dans l’enseignement des langues .

Parmi les objectifs de l’enseignement des langues, le document du Conseil de l’Europe inclut la transposition des connaissances des langues étudiées dans d’autres langues. Cet objectif trouve une application en langues anciennes : la comparaison du lexique, de la morphologie et de la syntaxe des langues anciennes et des langues modernes ainsi que l’explication de leurs principes étymologiques amènent à une réflexion métalinguistique : les élèves apprennent des principes généraux de fonctionnement des langues. Par exemple, lors de l’apprentissage du subjonctif en latin (ou dans d’autres langues), une comparaison entre les emplois du subjonctif en latin et en français permet une réflexion plus générale sur la nature et le sens du subjonctif, ce qui en facilite l’apprentissage. Ainsi, les élèves développent grâce aux langues anciennes leur conscience linguistique et leurs stratégies d’apprentissage (Kolde, 2009).

Population
La population qui a participé à ma recherche est un groupe d’option spécifique latin de 11e VSB du Mont-sur-Lausanne, où j’ai effectué mon stage A de janvier à mai 2015. Contrairement à Slama-Cordonnier (2011), c’est un groupe de 11e que je choisis, dans le but d’avoir plus de vocabulaire connu à disposition, que ce soit en latin, en allemand ou en anglais. Ce groupe comprend cinq filles et un garçon provenant de deux classes différentes. Les filles sont nées entre 1999 et 2000, le garçon en 2001. Aucun des élèves n’a jamais redoublé, de sorte qu’aucun n’est plus avancé dans son apprentissage des langues modernes. Aucun élève n’a l’allemand ou l’anglais pour langue maternelle : quatre élèves sont de langue maternelle française, deux élèves, Diana et Anna, parlent, en sus du français, la première l’espagnol, la seconde l’italien dans leurs familles. Personne ne devrait donc être avantagé en raison de ses origines par rapport aux élèves restants. Ces élèves ont différents enseignants d’anglais et de français, mais le même professeur d’allemand ; ils devraient ainsi tous en être au même point dans leur apprentissage de l’allemand, mais il est possible, quoiqu’improbable, qu’ils n’aient pas exactement les mêmes connaissances en anglais et en français. Le garçon, Paul, est atteint du syndrome d’Asperger, mais cela n’a pas d’influence sur ses capacités intellectuelles et ne l’empêche pas d’apprendre des langues étrangères.

Opérationnalisation
L’opérationnalisation est liée aux pratiques d’apprentissage du vocabulaire latin. En langues anciennes, le vocabulaire est étudié comme « une combinatoire de préfixes, de racines, de suffixes, que l’on peut déplacer et dont on comprend les interactions » (Ko, 2000, p. 33). Ainsi, lors des cours de latin consacrés au vocabulaire, une large place est généralement accordée à l’étymologie, tout particulièrement depuis l’introduction des nouveaux manuels Latin Forum qui proposent des exercices d’étymologie en regard de chaque liste de vocabulaire. À chaque rencontre avec un mot de vocabulaire, l’enseignant demandera aux élèves s’ils reconnaissent des mots latins de la même famille, un préfixe, un suffixe, quelle influence ces éléments ont sur le sens du mot rencontré, et s’ils connaissent des mots français de la même famille. Par exemple, lorsque les élèves apprendront le mot tangere, on leur demandera d’expliquer le sens du mot tangible ; de même, lorsqu’ils apprendront le verbe conferre, on pourra leur demander d’en expliquer le sens en s’aidant du préfixe et du verbe de base (Agocs & al., 2014, p. 38). Selon Ko (2000, p. 33), il est plus efficace d’apprendre les préfixes en latin plutôt qu’en français grâce au détour qu’impose le latin. Ce travail sur les préfixes est très développé dans l’enseignement du latin et je compte m’en servir pour faciliter l’apprentissage des préfixes allemands et anglais.

L’opérationnalisation de la recherche se fait à partir de deux concepts essentiels à ma démarche de recherche : la synergie et le transfert. Dans le but de gagner du temps dans l’apprentissage des langues et de faciliter celui-ci, il est nécessaire, d’une part, de développer des synergies dans l’apprentissage des langues (Wokusch, 2008 ; Kuhlmann, 2011). On permet ainsi aux élèves de créer des liens entre les différents savoirs, ce qui facilite la mémorisation. Par exemple, un élève qui aura appris le sens du mot insula pourra plus facilement se souvenir du sens d’Insel s’il se rend compte du lien étymologique entre les deux termes. D’autre part, des compétences acquises lors de l’apprentissage du latin doivent être transférables dans l’étude des langues modernes. Ainsi, les préfixes et suffixes latins fonctionnent de la même manière que les préfixes et suffixes allemands et anglais, et beaucoup de ces préfixes et suffixes trouvent des correspondants dans les autres langues. Par exemple, le préfixe latin prae- correspond à l’allemand vor- et à l’anglais fore-. Une compréhension de l’emploi de ce préfixe permet à un élève de retenir facilement le sens des mots Vorname et praenomen. La compréhension de ce fonctionnement permettra aussi et surtout de comprendre le sens de mots inconnus grâce à la connaissance du sens des mots de base, des préfixes et des suffixes. Le transfert d’apprentissage (Tardif, 1997 ; 1999) consiste ici en l’application en allemand et en anglais d’une stratégie bien connue et exploitée dans le cadre du cours de latin, à savoir la compréhension du sens d’un mot grâce au sens de ses différentes parties.

Contenu de la séquence didactique
La séquence didactique, tests compris, a été donnée en six périodes de quarante cinq minutes entre le jeudi 26 mars et le jeudi 2 avril 2015. Quelques semaines auparavant, j’avais déjà annoncé aux élèves que nous travaillerions sur les liens entre les vocabulaires latin, allemand et anglais dans le cadre de mon mémoire professionnel ; à ce moment-là, je leur avais demandé quels chapitres de leurs lexiques d’anglais et d’allemands ils étaient en train d’étudier. La première et la dernière des périodes ont été consacrées respectivement au pré-test et au post-test, dont la complétion a duré environ une demi-heure à chaque fois.

Justification théorique de la forme de la séquence
La séquence vise à mettre en pratique la démarche de l’arche de Rieunier (2001, cité par Slama-Cordonnier, 2011), dans le but de favoriser le transfert d’apprentissage. Cette démarche se divise en trois étapes. La première consiste à présenter aux élèves des exercices ou des exemples concrets ; Rieunier (2001, pp. 198-199) prend pour exemple une série de problèmes de logique de structure similaire. Les exemples concrets sont indispensables à la construction d’un sens de l’apprentissage par les élèves. Puis l’on procède, à partir du concret, à une généralisation qui demande un effort d’abstraction et une réflexion sur les structures. La généralisation tire son efficacité des cas concrets étudiés. L’opération mentale effectuée est l’induction. C’est l’accès aux structures qui permet le transfert. Dans une troisième étape, la procédure généralisée doit être appliquée à de nouveaux cas concrets afin de s’assurer de la compréhension de tous les élèves. Elle devient alors un outil cognitif utilisable plus librement. L’opération mentale effectuée lors de la troisième étape est la déduction. La généralisation seule ne suffirait pas car la tâche de transférer les connaissances vers des exercices concrets serait alors laissée à l’élève seul. Les exercices seuls ne suffiraient pas non plus car on maintiendrait alors l’élève dans « la gangue de la réalité » (Rieunier, 2001, p. 148) en lui interdisant l’abstraction. Pour résumer cette démarche, je me permets ici de reprendre l’illustration qu’en a donnée Slama-Cordonnier (2011) dans son mémoire. Cette illustration possède à mon avis l’avantage de la clarté visuelle.

Table des matières

I. Introduction
1. Cadre théorique
2. Question de recherche
3. Études antérieures
II. Démarche de recherche
1. Population
2. Méthodologie
3. Opérationnalisation
4. Contenu des tests
5. Contenu de la séquence didactique
6. Justification théorique de la forme de la séquence
III. Résultats
1. Moyenne des points obtenus
2. Points obtenus par élève
3. Résultats détaillés question par question
a) Question a) 1)
b) Question a) 2)
c) Question b) 1)
d) Question b) 2)
e) Question b) 3)
f) Question c) 1)
g) Question c) 2)
h) Question c) 3)
IV. Discussion des résultats
V. Conclusion

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