L’apprentissage du français

L’APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS

L’enseignement et l’apprentissage du français

La revue de littérature ne nous a pas permis de trouver une nomination exacte qu’on pourrait attribuer au français dans le contexte tunisien. « Un flou terminologique », comme l’appelle Sayah (2004) plane sur le statut de cette langue : doit-on le considérer comme Langue étrangère ? Langue seconde ? Langue d’enseignement ? Langue enseignée ? Langue de culture ? Avant d’aller plus loin, nous proposons de définir les notions de langue maternelle, langue étrangère et langue seconde d’après le « Cours de didactique du français langue étrangère ou seconde » de Cuq et Gruca (2005). Perception et production des voyelles orales françaises par des enfants tunisiens néo-apprenants du français 34 – On parle de langue maternelle lorsqu’elle est la première langue de socialisation de l’enfant. La langue maternelle se caractérise par un mode d’appropriation qualifié de « naturel » car elle est acquise par interaction de l’enfant dans son groupe sans un véritable apprentissage. Les linguistes l’appellent aussi langue source, langue de départ ou langue de référence (dans le cas d’apprentissage d’autre langue). Cuq et Gruca (2005) soulignent que dans certaines situations de diglossie l’utilisation de la langue maternelle est limitée. Par exemple en Afrique du nord et notamment en Tunisie, la langue maternelle : le dialectal tunisien, ne s’écrit en principe pas et tout usage officiel lui est interdit. – On parle de langue étrangère par opposition à la notion de langue maternelle. Cuq et Gruca (2005) remarquent qu’une langue devient étrangère lorsqu’elle est considérée par le groupe comme opposée à leur(s) langue(s) maternelle(s). La langue étrangère est une langue différente de la langue de première socialisation de l’enfant. Le « degré » d’étrangeté d’une langue dans un groupe social donné est fortement lié d’abord, à la distance géographique (exemple pour un Français, le japonais est plus distant que l’arabe), ensuite à la distance culturelle et enfin à la distance linguistique (les langues romanes sont plus proches entre elles qu’elles ne le sont des langues chamito-sémique). Le français est donc une langue étrangère pour tout locuteur qui ne le considère pas comme sa langue maternelle. D’un point de vue didactique le français est considéré comme langue étrangère lorsqu’il constitue un objet linguistique d’enseignement et d’apprentissage. – Le concept de français langue seconde est apparu une vingtaine d’années après ceux de français langue maternelle et de français langue étrangère. En effet, le concept de langue seconde permet de cerner certaine situation d’appropriation du français ou les appellations de FLE et FLM semblent insuffisantes, notamment dans les pays où le français tout en n’étant pas une langue maternelle, n’est pas une langue étrangère comme toute autre langue, car il joue un rôle économique, social et/ou politique important (exemple du français dans les DOM-TOM, la Belgique, le Canada ou encore et dans une certaine mesure dans les pays du Maghreb). Reprenons la définition que donne Cuq (1991 : 139) au FLS et qui nous paraît assez juste : « Le français langue seconde est […] une langue étrangère qui se distingue des autres langues étrangères par ses valeurs statutaires, soit juridiquement, soit socialement, soit les deux et par le degré d’appropriation que la communauté qui l’utilise s’est octroyé ou revendique […]. Le français joue dans leur développement Perception et production des voyelles orales françaises par des enfants tunisiens néo-apprenants du français 35 psychologique, cognitif et informatif, conjointement avec une ou plusieurs autres langues, un rôle privilégié. » Selon le ministère de l’éducation et de la formation tunisien, dans son édition des programmes officiels de français publiés en septembre 2005, le français est la première8 langue étrangère enseignée aux élèves dès la troisième année du cycle primaire : « Il est pour l’élève un moyen pour : 1. Communiquer avec autrui ; 2. Découvrir d’autres civilisations et cultures et se situer par rapport à elles et 3. Accéder à l’information scientifique et technique ». Cependant, en tenant compte des définitions sus-présentées et considérant tous les enjeux socio-économiques et éducatifs portés par le français, peut-on réellement se satisfaire de ce statut de langue étrangère ? Cuq (2005 : 95), parlant du français au Maghreb et notamment en Tunisie, estime que d’un point de vue pédagogique il est « peu performant » d’en faire une langue étrangère au même pied d’égalité que d’autres langues étrangères (l’anglais, l’espagnol ou l’allemand par exemple) alors qu’il joue dans ces pays un rôle important. Il considère ainsi que le Français « se rapproche plus du statut d’une langue seconde que d’une langue étrangère ». Par ailleurs, Miled (2010) explique lui, qu’une langue étrangère sert uniquement à des fins communicatives et connaît une certaine stabilité de point de vue sa position dans la société, or le français en Tunisie, comme toute langue seconde d’ailleurs est sujet de « variations dans le temps et dans l’espace » et « à des modifications de statut essentiellement dues à des facteurs politiques, pragmatiques et interlinguistique ». Le français est « objet d’enseignement » au primaire et au secondaire bénéficiant d’une charge horaire assez conséquente de 8 heures à l’école puis de quatre à cinq heures au collège et au lycée. Il est ensuite, véhicule des disciplines scientifiques au secondaire et au supérieur. A l’université, il peut devenir la seule langue d’enseignement en excluant complètement l’arabe. Mais malgré cet enseignement à la fois « précoce » et « massif » du français, qui devrait donner à cette langue une situation particulière, la réalité du terrain est tout autre. En effet, les difficultés que rencontrent les enseignants dans leur application des programmes officiels ainsi que le niveau de plus en plus faible des élèves confirment que le français rencontre aujourd’hui plusieurs difficultés mettant en cause sa place dans le système éducatif tunisien (Hammami et Dutry, 2006). Une enquête menée par le ministère tunisien de l’Education et de la Formation en collaboration avec le SCAC (Service de Coopération et de 8 L’arabe standard n’est pas considéré comme langue étrangère dans les programmes officiels. Perception et production des voyelles orales françaises par des enfants tunisiens néo-apprenants du français 36 l’Action Culturelle de l’ambassade de France), dans le cadre du projet PREF-SET9 , a su pointer les principales faiblesses de cet enseignement. Nous en citons quelques-unes : • Hésitation entre différentes approches pédagogiques (par objectifs vs. par compétences), interactions ou oppositions des composantes linguistique, communicative, culturelle, etc. • Pratiques présentant une certaine rigidité pédagogique dans le fonctionnement des classes, conceptions souvent normatives de l’enseignement de la langue, tendance à l’hypercorrection… • Hétérogénéité du corps enseignant et disparité des contextes socioculturels ; un tiers au moins des enseignants, souvent de jeunes stagiaires, sont peu préparés au métier, exercent dans des conditions difficiles et reçoivent des élèves de milieu rural, socialement et culturellement très défavorisés. • Absence d’un environnement francophone favorable aux activités parascolaires. 

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La place de l’enseignement de la prononciation

La plupart des études traitant de la place de la prononciation en classe FLE constatent que la prononciation est un exercice très peu valorisé par les enseignants car difficile à enseigner et à évaluer. Lauret (2007), estime que si l’exercice de prononciation est un exercice difficile à aborder parce qu’il est centré sur la personne elle-même, « son égo », son attention perceptive et ses capacités vocales. L’exercice de phonétique est comme il l’appelle un exercice « physique » qui fait appel à des savoir-faire différents que ceux de la grammaire ou du vocabulaire. L’exercice de prononciation (de phonétique), exige de l’apprenant une ouverture à la différence phonétique de la langue cible. L’apprenant doit accepter d’adopter un comportement à la fois auditif et vocal nouveau sans penser au « risque identitaire » (Lauret, 2007 : 16) ni au ridicule. Le rapport présenté en 2013 par la direction nationale des programmes officiels et de la formation continue en Tunisie10 « Programmes officiels et difficultés d’apprentissage dans le cycle primaire » affirme que la phonétique était souvent « négligée » ou dans les meilleurs des cas « intégrée dans d’autres activités » comme la lecture ou l’expression orale. Il confirme, par ailleurs, que la prononciation reçoit peu d’attention de la part des enseignants par rapport aux autres activités en classe de français. En effet, la quasi absence de la phonétique des manuels de classe d’une part et le manque de formation en la matière, font que les enseignants adoptent une attitude « normative décourageante » face à la parole des élèves. Boukhari (2006) estime que si l’exercice de prononciation est négligé par les enseignants c’est surtout à cause des difficultés d’évaluation : « que-doit-on évaluer ? […] comment doit-on évaluer ? Selon quels critères ?… De fait, les textes officiels régissant les examens stipulent que toute épreuve orale ne doit pas être vécue comme une sanction. Cependant l’enseignant qui doit noter la prestation du candidat doit-il se comporter comme le jourdain de Molière ? » (Boukhari, 2006 : 37) Les difficultés de l’enseignement de l’oral sont dues essentiellement à « son caractère insaisissable ». L’oral est souvent enseigné comme de l’écrit oralisé, et finit dans la plupart des cas à s’y confondre. Ce désintérêt pour la communication orale, est dû en partie, au caractère rébarbatif des exercices phonétiques qui se basent essentiellement sur la répétition et l’apprentissage par cœur. Ceci, cause « un découragement total des élèves qui n’osent plus produire oralement de peur d’être gravement sanctionnés » (Boukhari, 2006 :37). En dépit de cette attitude consternante des enseignants et des élèves, Le rapport sur le projet de réforme de l’enseignement du français en Tunisie de 2013, propose de prévoir une activité de phonétique à part entière en cours de français. Nous pouvons d’ailleurs retrouver dans le descriptif des compétences liées au savoir-communiquer oralement, la composante phonétique décrite comme « les acquis liés aux règles de prononciation du français ». Le tableau 1 présente cette composante comme relevée sur le rapport. 

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