REVUE DE LA LITTERATURE
HISTORIQUE
En 1873, Lasègue décrit un état qu’il appelle « Anorexie hystérique » Mais il a fallu attendre 1883 pour que Huchard crée le terme d’ « Anorexie mentale ». Cependant, l’anorexie mentale reste assez longtemps confondue avec la cachexie hypophysaire. En effet, ce n’est que récemment qu’elle s’en dégage pour devenir une affection essentiellement psychiatrique.
Des travaux récents résument assez bien nos connaissances actuelles :
– Une contribution statistique importante apportée par Crisp en 1976, comparant la fréquence de l’anorexie mentale dans les écoles privées et les écoles publiques, montre :
o sur 12.391 filles dans les sept écoles privées, 27 cas d’anorexie mentale, soit une fréquence de 4,6 ‰ ou une fille pour 200 ;
o sur 2.786 filles dans les deux écoles publiques, une seule anorexie mentale et elle a plus de 16 ans.
– Il apparaîtrait donc selon cet auteur :
o que l’anorexie mentale semblerait plus fréquente dans la classe sociale I que II.
o que cette maladie, triste apanage d’un Occident opulent, ne serait pas sans avoir des relations avec :
● les mœurs alimentaires de notre société,
● l’accélération de la croissance,
● la fréquence de l’obésité pré- et para-pubérale, et surtout
● le mythe de la minceur féminine, mythe largement entretenu par les mass-média; et
o que l’augmentation de fréquence de cette affection s’expliquerait par l’importance que revêtent les problèmes d’ordre philosophique et notamment existentiel chez les jeunes filles provenant de ces classes privilégiées.
– Tout ceci semble démontrer que l’anorexie mentale qui peut aboutir à une cachexie et parfois à la mort, est peut-être – puisqu’elle n’existe pas dans les pays frappés par la famine – un phénomène culturel et psychosocial, plus que biologique du moins au départ.
SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE
Une triade symptomatique
Elle caractérise l’anorexie mentale :
– Refus alimentaire,
– Amaigrissement,
– Aménorrhée.
Le terrain de prédilection
Il est classiquement particulier :
– Sujets jeunes, entre 15 et 30 ans ;
– Essentiellement de sexe féminin (les cas masculins étant tellement atypiques qu’on peut hésiter à les faire entrer dans le même cadre) .
L’état somatique
A la période d’état, il est dominé par :
– La maigreur s’accompagnant :
o de troubles vasomoteurs tels acrocyanose ;
o parfois même d’œdème carentiel ;
– L’aménorrhée qui :
o est très fréquente,
o est rebelle aux thérapeutiques,
o survit en général à la reprise pondérale,
o disparaît d’elle-même pour signer la guérison.
L’élément psychologique
Il est dominé par un conflit opposant :
– Une famille aux abois, en proie :
o à l’anxiété : dans la plupart des cultures, la nourriture est synonyme de santé ;
o à l’indignation : la nourriture est le véhicule naturel de la relation mèreenfant.
– La malade :
o inabordable,
o déconcertante,
o souvent hyperactive en matière d’études,
o présentant des conduites alimentaires qui combinent une rare insincérité et un farouche détermination,
o se limitant à quelques brins de salade, allant jusqu’à user des laxatifs.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Une affection organique cachectisante
Elle doit d’abord et rapidement être éliminée :
– Tuberculose,
– Hémopathie,
– Connectivite,
– SIDA .
Les atteintes antéhypophysaires
Elles ne peuvent guère prêter à confusion car elles se traduisent habituellement par un déficit complexe au niveau des glandes cibles :
– Thyroïde,
– Surrénale,
– Gonades .
Le refus alimentaire peut également être l’épiphénomène d’une autre affection psychiatrique plus ou moins nettement caractérisée
– L’absence de troubles cognitifs fera facilement éliminer la démence.
– La mélancolie survient en règle chez des sujets plus âgés et se manifeste par un tableau où dominent (contrastant avec l’hyperactivité et la rouerie des anorexiques)
o La douleur morale et
o L’auto-accusation.
INTRODUCTION |