L’Anaphore
L’étude de l’anaphore méronymique s’intègre dans un cadre d’étude large, à savoir celui des anaphores associatives, c’est pour cette raison, et pour mieux cerner notre objet de travail, nous avons choisi de revenir sur certains aspects théoriques relatifs au domaine de l’anaphore en général, allant vers l’anaphore associative qui est plus particulier pour finir par évoquer le cas de l’anaphore associative méronymique. Il nous faut, dans un premier temps revenir sur la conception la plus large des relations anaphoriques dans la littérature portant sur la question de l’anaphore. Ainsi, dans cette partie théorique, il s’agit de donner une définition de l’anaphore selon deux perspectives à la fois textuelle et cognitiviste, ce qui nous permettra de nous intéresser à un type particulier d’anaphore : les associatives méronymiques. Les deux optiques nous intéressent dans la mesure où elles permettent d’étudier les cas d’ellipse qui pourraient caractériser certaines anaphores associatives méronymiques afin de mettre les propriétés qui concernent les ellipses sur le même plan que les propriétés traditionnelles. Pour ce faire, passer en revue les différentes définitions du phénomène de l’ellipse s’avère un travail nécessaire pour mieux cerner notre problématique. Nous évoquerons ainsi les cas de l’ellipse du prédicat verbal, l’ellipse de l’antécédent et du complément de l’expression anaphorique
Définition et fonctionnements des relations anaphoriques
Définition L’étude de l’ellipse dans les anaphores associatives méronymiques nécessite que l’on s’attarde, tout d’abord sur les principaux problèmes que pose la définition de l’anaphore chez les linguistes et de la divergence des points de vue concernant son fonctionnement. Nous partirons de la définition de la notion de l’anaphore donnée par Milner1 : « Une propriété bien représentée en français et qui de plus touche à un fonctionnement fondamental des langues naturelles [est] la possibilité que s’établissent des relations à distance ». Ces relations à distance ne sont que les relations anaphoriques qui se caractérisent par le fait qu’ils joignent deux ou plusieurs éléments qui se distancient dans la configuration textuelle mais qui se rapprochent dans leur interprétation, puisque l’un des deux éléments ne peut être interprété que par rapport à l’autre. D’ailleurs « un segment de discours est dit anaphorique lorsqu’il est nécessaire, pour lui donner une interprétation, de se reporter à un autre segment du même discours », disait Ducrot.1 Cette conception résume l’anaphore comme étant une expression dont l’interprétation référentielle dépend d’une ou d’autres expressions qu’on appelle « l’antécédent ». Définie ainsi, l’anaphore serait un phénomène textuel où il est nécessaire, pour en parler, de trouver une expression anaphorique et un antécédent qui entretiennent une relation de coréférence. Cependant cette définition qui semble assez claire pose quelques problèmes quant à la relation entre les deux éléments qui constituent l’anaphore, à savoir l’antécédent et l’expression anaphorique. Corblin F.2 précise, d’ailleurs, que la relation entre l’antécédent et l’expression anaphorique n’est pas forcément une relation de coréférence comme dans l’exemple suivant où village et église n’ont pas le même référent: Nous arrivâmes dans un village. L’église était située sur une butte. Concernant la propriété de coexistence de –au moins- deux éléments, nécessaire pour qu’on puisse parler d’anaphore, une question se pose : Est-il possible d’envisager une anaphore dont l’un des deux éléments est élidé ? La question a été posée par les linguistes, notamment par G. Kleiber , pour ce qui est de l’ellipse de l’expression anaphorique, comme dans cet énoncé Je ne connaissais pas Paris, alors j’ai visité. Je n’ai d’ailleurs pas tellement aimé. Une place vide à combler par le recours aux expressions antérieures ? Kleiber a essayé de répondre à cette question en rappelant que certains linguistes considèrent que l’on peut parler d’anaphores dans les cas d’ellipse de l’expression anaphorique.D’autres linguistes pensent qu’on devrait distinguer les deux phénomènes, dans la mesure où les ellipses à la différence des autres expressions anaphoriques, sont « récupérables » : elles sont destinées à être comblées par du matériel redondant.1 Corblin F. 2 donne une définition qui serait favorable au fait de considérer comme anaphore les cas de l’ellipse de l’un des éléments de l’anaphore. « Globalement, on a donc anaphore, lorsqu’une structure manifeste in situ une incomplétude déterminée pour une position ; cela ne peut se concevoir naturellement que par comparaison avec la structure complète, car c’est seulement ainsi qu’on peut spécifier une incomplétude déterminée. Le moteur de l’anaphore serait la nécessité de se ramener, grâce au contexte, à une structure complète à chaque fois que celle-ci ne l’est pas. » La définition dit qu’une expression anaphorique est une expression dont l’interprétation (référentielle) dépend d’une autre, alors que si l’on reprend l’exemple cité par Kleiber Mitterrand est parti en voyage. Le président a emmené avec lui trois ministres. La mention de Mitterand permet de comprendre de quel président il s’agit, mais une telle interprétation présuppose une compétence encyclopédique : la connaissance de Mitterrand président de la république française. Kleiber remarque que la nature de l’interprétation référentielle à effectuer dépend directement de la catégorie de l’expression anaphorique, ce qui montre la nécessité de prendre compte, à un moment donné ou à un autre, des propriétés particulières des expressions recrutées. Ce résultat nous conduit selon Kleiber, soit à faire éclater la catégorie anaphorique en une diversité de procédures de référence textuelle particulières, soit à opter pour une autre conception de l’anaphore à savoir la conception de l’anaphore non pas comme un phénomène textuel mais comme un phénomène mémoriel et cognitif. « L’anaphore devient un processus qui indique une référence à un référent déjà connu par l’interlocuteur, c’est-à-dire un référent « présent » ou « déjà manifeste dans la mémoire mmédiate ». 1 L’avantage immédiat de cette définition, selon Kleiber, en termes de continuité référentielle cognitive (textuelle ou non) est de permettre une analyse unitaire là où l’approche textuelle aboutissait à un traitement éclaté.