L’analyse statistique et réticulaire
L’analyse quantitative entreprise ici s’établit sur plusieurs niveaux.Un niveau d’analyse descriptif et sommaire est prévu dans l’outil, permettant d’accéder rapidement à partir de « presse bouton » au dénombrement des liens, des nœuds et des caractéristiques principales ; y compris au niveau structural. Mais l’outil en tant qu’interface d’organisation des données, nous permet également de réaliser des exports (csv.) sur la base de requêtes spécifiques pouvant correspondre à l’ensemble du réseau et des acteurs ou à des sous-réseaux pertinents. C’est sur la base de ces exports que des analyses statistiques plus complexes seront réalisées (A), ainsi que les analyses structurales correspondantes (B). Les analyses ont été produites ici sur l’export complet des données recueillies à partir de la lecture d’un dossier judiciaire relavant de fait de traite. Plus spécifiquement, il s’agit d’un dossier relevant d’exploitation sexuelle de filles et femmes nigérianes en France. Ces éléments de contexte sont importants à prendre en compte dans la lecture des résultats qui vont suivre. Il est également important de rappeler qu’il faut rester prudent quant à l’interprétation des données et spécifiquement à leur généralisation. Les données sont d’abord de nature judiciaire ; elles ne sont ni homogènes, ni fiables – les éléments personnels de l’âge et de la nationalité relèvent parfois de documents d’identité falsifiés –, et non pas été construites dans un but scientifique. De plus, elles s’inscrivent dans une chronologie qui est celle de l’enquête policière. Il s’agit donc en quelque sorte d’une image à un temps T d’un groupe social qu’il s’agit de décrire et dont on souhaite comprendre le fonctionnement. Les statistiques descriptives reposent sur l’observation de données issues d’un phénomène concret. Il s’agit de présenter numériquement une population. Il s’agit donc dans ce rapport de présenter la population d’étude – c’est-à-dire l’ensemble des individus ou unités statistiques étudiées – en mesurant les caractéristiques – les variables – communes de celle-ci, puis de les analyser et de les interpréter. Encore une fois, les informations obtenues ici sont parcellaires et hétérogènes d’un individu à l’autre en fonction notamment de son statut dans l’enquête policière. Les statistiques descriptives qui permettent de définir d’abord les propriétés d’une population, permettent également de proposer des hypothèses relatives à la population d’étude et ainsi de nouvelles questions de recherche. 1) Les critères socio-démographiques La base de données constituée à partir du traitement qualitatif et quantitatif62 du dossier judicaire contient 284 individus. On observe 62 %63 de femmes (soit 175 individus) et 38 %64 d’hommes (soit 109 individus). L’indicateur du sexe des individus est dans le contexte de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle particulièrement important. L’importante proportion de femmes peut certes se justifier par le nombre important de personnes en situation de prostitution mais aussi, dans le cadre de l’exploitation nigériane, par l’implication active de ces dernières dans le processus. Aussi, au-delà de la représentation sociale de la femme en situation de prostitution et de l’homme proxénète, nous pouvons formuler l’hypothèse qu’il existe un lien entre le sexe des individus et le type de rôle(s) endossé(s) au sein du processus d’exploitation
L’âge
Concernant l’âge, nous n’avons pu recueillir cette information65 que pour 71 individus. Au sein de ces derniers, dix sont de très jeunes mineurs66. La moitié de la population est âgée de moins de 29 ans, un quart de celle-ci a entre 24 et 29 ans. Le graphique ci-dessous représente la répartition du sexe des individus en fonction de la catégorie d’âge Le nombre d’individus pour lesquels nous détenons cette information est trop faible pour pouvoir conclure qu’il existe un lien statistique entre la catégorie d’âge et le sexe. Pour autant, en tendance, les personnes âgées de moins de 29 ans sont plutôt des femmes alors que les personnes de plus de 30 ans sont plutôt des hommes
Les indicateurs géographiques
Pour 176 individus, nous avons pu recueillir des informations quant à leur origine. Aussi, on observe au sein de ces derniers, 165 personnes d’origine nigériane, six de d’origine française, deux originaires d’un autre pays européen et trois d’un autre pays d’Afrique. Le graphique ci-contre représente les individus selon leur pays d’origine. Pour 208 individus, nous avons pu recueillir les informations relatives à leur localisation au moment de l’enquête policière telle que mentionnée en procédure. On dénombre 125 individus sur le territoire français et 60 individus au Nigéria. On compte également 21 individus dans un autre pays d’Europe, un individu en Libye et un individu au Sénégal. Sans être statistiquement représentatif, nous pouvons néanmoins dire que les femmes sont surreprésentées en France alors que les hommes y sont sous-représentés. Les femmes sont également sous représentées dans les autres pays d’Afrique. On peut formuler l’hypothèse de l’existence d’un lien entre la localisation des individus et le(s) rôle(s) endossé(s) au sein du processus d’exploitation. De même, pour aller plus loin, nous pouvons imaginer une analyse sous l’angle de la localisation afin de déterminer d’où la traite nigériane est finalement organisée.