L’introduction de la concurrence dans le secteur électrique s’inscrit dans la lignée des mouvements de réformes des secteurs économiques relevant traditionnellement de monopoles intégrés verticalement (Staropoli [2001]). Les caractéristiques technicoéconomiques de ces secteurs, notamment l’existence d’une infrastructure en monopole naturel, ont longtemps justifié l’existence de l’intégration verticale. De puissants facteurs de changement sont venus remettre en cause les formes traditionnelles d’organisation de ces industries. Dès les années soixante, des travaux de recherche ont conduit à remettre en cause les schémas d’organisation des industries de réseaux, ainsi que l’efficacité des monopoles dans l’allocation de ressources (Averch-Jonhnson [1962], Demsetz [1968]). Un consensus s’est progressivement établi, dans les dernières décennies du XXe siècle, pour préconiser l’introduction de certaines formes de concurrence. Ce consensus a touché successivement les industries des télécommunications, des transports (aériens et ferroviaires), et finalement le secteur électrique.
En une à deux décennies, des réformes électriques ont été réalisées dans la plupart des pays (Glachant-Finon [2003], Newbery [2005b], Joskow [2006a], Sioshansi [2006]). L’introduction de la concurrence sur un secteur longtemps organisé autour d’un monopole intégré fait apparaître des problèmes de coordination qu’il convient de traiter par la mise en place de dispositifs organisationnels et institutionnels adéquats (Staropoli [2001]). Or la base de ces dispositifs n’émerge pas spontanément du jeu des acteurs, mais résulte des choix d’autorités publiques en charge de l’introduction de la concurrence. Pour ce qui concerne la création d’un marché de gros, la conception d’une architecture du marché (« market design ») doit réunir certains dispositifs organisationnels et institutionnels afin d’assurer une nouvelle forme de coordination (Wilson [2002], Stoft [2002]).
Bien que, depuis le début de l’introduction de la concurrence dans le secteur électrique, l’état de l’art des théories économiques sur les architectures de marché ait progressé considérablement, les connaissances actuelles ne permettent pas de trancher définitivement sur le choix d’un seul design optimal qui déboucherait sur des solutions pratiques robustes d’architectures. Ces développements théoriques se heurtent très certainement aux spécificités du bien électricité et, en fait, la question de l’architecture de marché est trop complexe pour être traitée sans être découpée en plusieurs modules (Wilson [1998b], Wilson [2002]).
Le manque de cadre théorique complet sur les architectures de marché rend très intéressantes les expériences des architectures de marché mises en place dans différentes régions du monde. En effet, même sans un cadre théorique complet, on pourrait utiliser l’expérience acquise depuis près de 20 ans pour réaliser des comparaisons et pour développer un classement d’après les performances. Cependant, cette méthodologie, bien que très utile, présente aussi une difficulté de mise en œuvre. Il existe en fait une très grande diversité d’architectures de marché. La comparaison directe des performances des différentes architectures de marché devient donc très difficile (CE [2004], Green et al. [2005]).
La difficulté devient encore plus grande quand on considère l’intégration entre plusieurs architectures de marché. En fait, une architecture de marché est normalement définie pour une zone géographique déterminée (une région, ou un état). Mais l’introduction de la concurrence peut aussi passer par la stimulation des échanges entre plusieurs zones (c’est par exemple, le cas du marché intérieur européen) (Pignon [2003], CE [1996], CE [2003]). Dans ce cas, le choix du design pour intégrer les architectures de marchés des zones adjacentes est donc déterminant pour un bon fonctionnement de nouveaux marchés électriques plus vastes. Cependant, l’analyse économique appliquée à l’étude de l’intégration de marchés ne permet pas non plus de trancher définitivement sur la meilleure manière de mettre en place un marché électrique régional.
Le manque de maîtrise rationnelle dans le choix des options optimales de design, que ce soit au niveau national ou régional, montre d’abord l’importance d’une recherche plus approfondie sur les différents designs possibles. Mais, pour approfondir cette étude des architectures, il faut pouvoir la découper en plusieurs thèmes. Il est d’abord nécessaire de développer un cadre d’analyse modulaire des architectures de marché, afin de pouvoir identifier et caractériser en quoi consiste les designs de marché en électricité. Ensuite seulement on pourra se concentrer sur l’étude approfondie des règles de certains modules spécifiques. La modularité de l’architecture rend possible l’analyse plus approfondie d’une seule sous-partie du système car la modularité permet d’étudier certains modules séparément des autres (Baldwin-Clark [2000]).
Les systèmes électriques présentent des caractéristiques spécifiques de fonctionnement, différentes des autres types d’industries. Ces caractéristiques sont propres à la technologie actuelle de l’industrie électrique, et indépendantes des formes institutionnelles d’organisation (que cette organisation soit basée sur des monopoles verticalement intégrés et régulés, ou sur l’introduction de la concurrence dans certains maillons de la chaine). Or, le choix et la conception des formes organisationnelles, et les performances inhérentes, dépendront de la manière dont ces caractéristiques spécifiques sont prises en compte.
La consommation d’électricité correspond à un appel de puissance active sur le réseau pour une période de temps déterminée. Cela correspond à une consommation d’énergie. La puissance est un flux d’énergie (une quantité d’énergie par unité du temps). Elle est mesurée en watts (W) ou dans un de ses multiples . La quantité d’énergie consommée pendant une période de temps donnée se calcule comme l’intégrale de la puissance active pendant la période de temps considérée (l’énergie peut être mesurée, par exemple, en kilowattheures – kWh, unité de puissance par unité du temps). Il est important de remarquer que, ayant fixé la durée de la période de temps à considérer, les valeurs moyennes de puissance active peuvent être converties directement en énergie consommée (en multipliant la puissance moyenne par la durée de temps de la période). Quand l’unité de temps est sous-entendue, les termes « puissance active consommée » et « énergie » sont dès lors utilisés indistinctement.
La consommation d’énergie électrique appelée sur un réseau de transport est la somme des consommations des appareils électriques branchés à chaque instant (aux pertes près). L’électricité est consommée par des différents types de consommateurs (résidentiels, commerciaux et industriels) et, étant donné la pluralité de leurs utilisations individuelles de l’énergie électrique, elle varie à chaque moment.
La consommation d’électricité varie en permanence en fonction des multiples variations de consommations qui interviennent « sans préavis » sur l’ensemble du système. Les différentes utilisations individuelles de l’énergie électrique, à chaque moment, se traduisent par de fortes fluctuations de la consommation dans le temps. Cependant, ces fluctuations ont un certain caractère cyclique au cours de la journée, de la semaine, et de l’année.
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