L’analyse d’un fonctionnement médiatique

L’analyse d’un fonctionnement médiatique

Plusieurs éléments participent ainsi d‘une tension entre ce que l‘exposition semble proposer et les conditions de réception qu‘elle déploie effectivement. Ce chapitre est consacré à l‘analyse de l‘analyse que font les visiteurs du fonctionnement médiatique de l‘exposition. Or on se rend compte qu‘ils identifient un certain nombre de décalages entre ce qu‘ils vivent et ce que la situation devrait les faire vivre. Ce chapitre s‘appuie sur l‘analyse des entretiens et des récits itinérants dans « Sainte Russie », mais aussi sur l‘analyse des entretiens dans le jeu « PLUG ». On observe une volonté de faire un commentaire d‘ordre général sur la situation, dès l‘entrée dans la première salle, ou dès le début de la prise en main du jeu. Ce jugement implique une appréhension générale à partir d‘un espace nécessairement réduit (la première salle). Les visiteurs ont recours à la conjecture. Le fait de pouvoir juger assez rapidement de ce à quoi on a affaire n‘est pas lié qu‘à la situation de l‘enquête. L‘observation en salle permet de corroborer ce résultat, car nous avons pu distinguer des comportements de prise de hauteur (chercher une vue d‘ensemble, ce qui se manifeste par la recherche d‘un point dans la salle, qui permettent de voir le plus de choses possible et d‘engager un regard circulaire) en contrepoint des comportements de proximité avec les objets (le corps est très rapproché de la vitrine, et les déplacements se font de vitrines, en vitrines). Deux types de tensions sont analysés ci-après : la première section de ce chapitre explore la tension manifestée par un ensemble de décalages entre ce que les visiteurs identifient comme une promesse et ce qu‘ils estiment être la réalité de leur pratique ; et la deuxième section cherche à comprendre la tension liée à deux types d‘expérience de l‘espace de l‘exposition. Le fait qu‘on utilise ici le terme de promesse est lié à son caractère double. L‘idée de promesse, analysée par François Jost, manifeste la capacité des individus à reconnaître des  genres médiatiques socialement identifiés, mais aussi à interpréter ce qu‘ils savent du processus de production médiatique lui-même. Dans l‘analyse qu‘il fait des genres télévisuels, Jost propose, en effet, ce terme pour qualifier la nature de la relation communicationnelle qu‘engagent le document audiovisuel et sa diffusion avec ses récepteurs; Cette promesse est celle « d‘une relation à un monde dont le mode ou le degré d‘existence conditionne l‘adhésion  communication »656, elle reste intéressante. Ce qui nous intéresse ici c‘est justement le lien entre ces deux aspects là, et surtout le fait que l‘individu est capable d‘évaluer, de juger le processus de communication en mobilisant une mémoire sociale des formes.

Une première série de décalages est observée par les visiteurs et les joueurs, qui concernent ce que l‘on peut appeler la promesse de communication engagée par l‘exposition et le jeu. Les visiteurs et joueurs que nous avons interrogés ne parlent pas de « promesse », mais désignent bien quelque chose qui est de l‘ordre de leur propre capacité à avoir reconnu un genre socialement identifié (l‘exposition documentaire, le jeu vidéo, etc.) et un certain type de fonctionnement médiatique (règles constitutives, cohérence). Le propos de l‘exposition est un enjeu majeur de l‘expérience de visite pour les visiteurs de « Sainte Russie ». Quel que soit le moment de l‘enquête, il s‘agit de savoir ce que l‘exposition voulait dire, ce que les concepteurs ont voulu dire, ce que les visiteurs ont compris, etc. La compréhension du propos général de l‘exposition paraît cruciale pour l‘appréciation des objets et la construction de la visite. On sait que l‘un des facteurs permettant d‘augmenter la capacité de l‘exposition à communiquer, concerne le degré d‘intégration entre éléments de l‘exposition et contextes, qui se manifeste sous deux formes, d‘une part l‘emboîtement des rapports élément/contexte (le cartel par rapport à la vitrine, la vitrine par rapport à l‘unité d‘exposition, l‘unité par rapport à la séquence d‘exposition, la séquence par rapport à l‘intégralité de l‘exposition) et d‘autre part l‘enchaînement des ensembles selon une trame qui couvre toute l‘exposition et qui sert de base au parcours du visiteur. « Tandis que la première intégration fera que tous les éléments contribuent au mieux à la production du sens à l‘intérieur des unités, la seconde fera que les unités participent au propos qui se déroule lors du parcours .

 

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