L’ALIMENT SANTE, UN PRODUIT A LA PRESENTATION NON THERAPEUTIQUE
Les critères généraux de la présentation thérapeutique
– « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ». Issu de lřarticle 1.2.a du Code communautaire relatif au médicament à usage humain ce critère formel consiste à rechercher non pas les réelles propriétés1347 dřun produit mais uniquement la perception quřen ont les consommateurs eu égard à la forme matérielle du produit (Section Première) ou à ses revendications textuelles (Section Deuxième). Ainsi en nous gardant bien de glisser de lřétude dřun médicament par présentation à celle dřun « médicament par impression »1348, voyons de quelle manière un produit peut être considéré comme un 1347 Lřavocat général Simone ROZES nřa dřailleurs pas manqué dřapporter cette précision lors de lřaffaire Van Bennekom (« en se basant, dans la première définition communautaire du médicament, sur le critère de la présentation du produit, la directive vise à inclure non seulement les médicaments qui ont un effet thérapeutique ou médical véritable, mais également les produits qui ne seraient pas suffisamment efficaces, ou qui n’auraient pas l’effet que les consommateurs seraient en droit d’attendre eu égard à leur présentation ». – CJCE, 30 novembre 1983, Van Bennekom, Affaire. C-227/82, Rec. I-3883, Point 17). 1348 Nous avons vivement stigmatisé du doigt lřinterprétation jurisprudentielle exagérément extensive du critère de la fonction. Mais une telle démesure a tout autant concernée le critère de la présentation, dřoù ce terme non anodin de médicament par « impression » (V. AZEMA JP., Note sous Crim, 5 mai 1981, JCP Ed. G., 1982 II 19826), qui à vrai dire nřa plus lieu dřêtre employé compte tenu de lřévolution jurisprudentielle connue par ce critère formel. médicament par le consommateur moyen1349, en ayant bien à lřesprit que notre souhait est de pointer également du doigt les aspects formels sources dřambiguïté entre le médicament et lřaliment afin de les appréhender spécifiquement par la suite de notre étude.
La notion de « consommateur moyen », que rapporte le droit communautaire, est familière de la plupart des droits nationaux. (…) On l’a ainsi croisée dans maints contentieux, dès lors qu’il s’est agi de jauger la licéité, par rapport au droit communautaire, de mesures internes, restreignant la libre circulation des marchandises, et prétendument justifiées par des exigences impératives, ou de pratiques d’entreprises, en matière de publicité, d’étiquetage, de dénomination… Ce qui suppose d’en définir son contenu. C’est là l’œuvre du juge. Or, divers vocables sont lus dans les arrêts de la Cour : « consommateur moyen raisonnablement avisé », « consommateur normalement informé et raisonnable », « consommateur attentif et avisé ». Le « consommateur moyen » serait donc un individu ordinairement avisé, capable d’enregistrer, avec un certain degré d’attention, les informations, le contexte, relatifs à une opération… plus proche de M. Tout-le-Monde que des consorts Bidochon, frustres et ridicules ! ». – LUBY M., La notion de consommateur en droit communautaire : une commode inconstance…, CCC, janvier 2000, p. 7produit ainsi que son conditionnement a été « connue de tous pour être employée exclusivement dans le domaine pharmaceutique »1351. En présence dřun produit présenté de la sorte le consommateur était amené à penser quřil était en présence non pas dřun aliment mais dřun médicament, utilisant alors ledit produit en estimant quřil possèdait des propriétés curatives ou préventives à lřégard des maladies. Mais depuis les temps ont changé, cette forme galénique nřest plus lř« apanage » des seuls médicaments, les professionnels du secteur alimentaire pouvant légalement y recourir (§1). Tandis que si le conditionnement demeure pour sa part un indice probant dřune présentation thérapeutique, toujours est-il que dans la réalité ces mêmes professionnels ne prennent pas le risque dřy recourir pour semer le trouble dans lřesprit des consommateurs (§2). En somme, cette présentation galénique sřavère inopérante dans notre volonté de distinction entre lřaliment et le médicament.
D’un consommateur « moyennement avisé » ultra-protégé …
– Or les aliments santé, et plus précisément les compléments alimentaires sont eux aussi commercialisés sous une telle forme. Afin de déterminer si en présence dřun produit présenté de la sorte le consommateur moyen estimait quřil sřagissait dřun médicament, le juge a longtemps recouru à la méthode du faisceau dřindices1358 en le protégeant extensivement comme en témoigne notamment sa décision dans lřaffaire Van Bennekom à lřoccasion de laquelle il a qualifié de médicaments les préparations vitaminées sous forme de tablettes, pilules ou cachets, que le requérant vendait pourtant sans la moindre allégation de propriétés curatives ou préventives1359. 252. … A un consommateur attentif – Néanmoins cette protection fait désormais partie du passé cette vérification nřayant même plus lieu dřêtre dans la mesure où les aliments santé et plus particulièrement les compléments alimentaires1360 peuvent être commercialisés, conformément à lřarticle 2.a de la directive 2002/46/CE du 12 juillet 2002, sous forme de doses, cřest-à-dire de « gélules, pastilles, comprimés, pilules et autres formes similaires, sachets de poudre, ampoules de liquide, flacons munis d’un compte-gouttes et autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre ». Cette forme galénique nřest donc plus lřexclusivité des seuls médicaments, une telle situation ne pouvant raisonnablement échapper au consommateur, la CJCE estimant que cet unique indice ne peut désormais plus conférer au produit litigieux la qualité de médicament par présentation (« un grand nombre de produits alimentaires étant proposés sous cette forme afin de rendre leur absorption plus confortable par les consommateurs »1361), seul le conditionnement pouvant alors caractériser une présentation matérielle galénique (§2).