L’aliment à la perception des composés d’arôme
Définition de la flaveur d’un aliment
La flaveur d’un aliment est caractérisée par quatre notions importantes qui sont l’odeur, les saveurs, les sensations trigéminales et l’arôme du produit. L’odeur est définie par un mélange de composés organiques volatils (COVs) qui sont libérés de la matrice et perçus directement au nez, au niveau de l’épithélium olfactif du sujet. La perception olfactive est aussi appelée perception nasale directe ou encore perception orthonasale. Un grand nombre de molécules peuvent être responsables de l’odeur d’un produit : des alcools, aldéhydes, cétones, acides carboxyliques, esters, lactones, furanes, etc. Les saveurs et les sensations trigéminales sont des sensations gustatives (Tournier, Sulmont-Rossé, et al., 2007). Elles sont générées par des molécules non-volatiles appelées tastants libérés au cours de la déstructuration du produit en bouche. Il existe cinq saveurs connues à ce jour : le salé, le sucré, l’acide, l’amer et l’umami. Elles sont perçues principalement sur la langue, en différentes zones, par les bourgeons du goût. Un grand nombre de tastants ont été mis en évidence et contribuent aux saveurs salée (NaCl, KCl, etc.), sucrée (glucose, sucrose, aspartame, acésulfame-K, etc.), acide (acide citrique, malique, tartrique, etc.), amer (quinines, acides aminés) et umami (acides aminés, L-glutamate, etc.). Les sensations trigéminales sont perçues sur l’ensemble de la muqueuse buccale et sont définies par des impressions de pseudo-chaleur (chaud/froid) ou d’irritations (astrigent, piquant). Des sensations de chaud/piquant peut être générées par des alcaloïdes (capsaïcine, pipérine, sinigrine, etc.), de froid par des « cooling agent » (menthol, eucalyptol, N-éthyl-pmenthane-3-carboxamide ou WS-3, etc.), de piquant par des acides organiques (acide citrique, lactique, succinique, etc.) ou d’astringence par des acides phénoliques ou flavonoïdes (acide caféique, (+)-catéchine, tannins, etc.). L’arôme du produit est caractérisé par un mélange de COVs libérés de la matrice au cours de la dégustation du produit, et perçus par l’épithélium olfactif par voie nasale indirecte. La perception aromatique est une perception rétronasale, c’est-à-dire que les COVs l’aliment à la perception des composés d’arôme Synthèse bibliographique 7 sont relargués dans l’air de la cavité orale lors de la déstructuration du produit, puis, sont dirigés vers la cavité nasale par le pharynx en fonction de la respiration du sujet. Les COVs perçus par cette voie sont aussi appelés composés d’arôme. Tout comme pour l’odeur, l’arôme du produit peut être constitué d’une multitude de molécules de nature chimique différente. Les perceptions olfactives, aromatiques et gustatives d’un sujet peuvent être aussi influencées par les autres sens tels que la vue, le toucher, ou l’ouïe. Ainsi, la couleur, l’aspect ou la texture du produit peuvent influencer la perception de la flaveur du produit (Delwiche, 2004; Shankar, Levitan, et al., 2010). De même, certaines molécules volatiles peuvent influencer les perceptions gustatives du sujet. Réciproquement, certains tastants peuvent générer des impressions aromatiques ou olfactives (Delwiche, 2004; Djordjevic, Zatorre, et al., 2004; Lawrence, Salles, et al., 2009). Des interactions cognitives multiples existent donc entre les organes des sens et sont à l’origine de la perception globale de la flaveur de l’aliment (Tournier, Sulmont-Rossé, et al., 2007).
La perception des composés volatils
Une fois présentes dans la cavité nasale, les molécules volatiles émanées de la matrice, par voie directe ou indirecte, se piègent dans le mucus qui recouvre l’ensemble de la muqueuse olfactive. Les molécules volatiles diffusent ensuite à travers ce mucus, majoritairement composé d’eau, suivant leur hydrophobicité et leur affinité pour celui-ci, ou bien celles-ci sont prises en charge par molécules de transport (OBP, odorant binding protein). Les molécules volatiles rejoignent ainsi l’épithélium olfactif où elles seront détectées par des neurones olfactifs. Ces neurones présentent en leur extrémité des cils olfactifs qui possèdent des protéines transmembranaires appelées récepteurs olfactifs. La complexation des molécules volatiles avec ces récepteurs génèrent des cascades réactionnelles biochimiques conduisant à la naissance d’un message nerveux. L’interaction entre une molécule volatile donnée et un récepteur provoque un changement de conformation protéique du récepteur. Ceci entraîne l’activation de la protéine G puis de l’adényle cyclase et s’en suit une synthèse d’ATP avec conversion en AMPc. Ces réactions en chaîne provoquent l’ouverture de canaux transmembranaires avec échanges d’ions entre le milieu extra- et intra-cellulaire (Ca2+, Na+ ) provoquant ainsi la dépolarisation du neurone olfactif et la naissance d’un message nerveux. Le signal est ensuite transmis au bulbe olfactif puis au Synthèse bibliographique 8 système nerveux central. Le cerveau traite ensuite l’information et l’interprète en notes olfactives ou gustatives. Dans le cadre de cette étude, seules la libération rétronasale et la perception aromatique des COVs sont étudiées.
Les facteurs d’impact de la libération et de la perception des composés d’arôme pendant la consommation de produits alimentaires
Il existe un grand nombre de facteurs qui peuvent impacter la libération et la perception des composés d’arôme pendant le processus de consommation d’un produit alimentaire (Figure 1).La nature de l’aliment et la physiologie orale du sujet impactent grandement la libération des composés d’arôme, tandis que la physiologie olfactive du sujet et les composés d’arôme libérés déterminent la perception aromatique du produit. Ces facteurs d’impact sont présentés ci-après.
Les facteurs impactant la libération des composés d’arôme
La matrice alimentaire
La matrice d’un aliment est définie par ses composants volatils et non-volatils ainsi que par l’agencement de ces composants pour former la texture du produit. i) Les composés d’arôme Les propriétés physicochimiques des composés d’arôme influencent grandement leur libération en bouche lors de la consommation de produits alimentaires. La libération des composés est souvent expliquée et reliée aux propriétés volatiles et hydrophobes de ces composés. Ces deux notions sont caractérisées dans la littérature par les grandeurs suivantes (Kopjar, Andriot, et al., 2010; Savary, Guichard, et al., 2006; Savary, Lafarge, et al., 2007) : – la masse molaire. – le point d’ébullition. – VPs, la pression de vapeur saturante. Les composés ayant une VPs inférieure à 10-4 mmHg (25°C) sont volatils. – K, le coefficient de partage du composé entre l’air et matrice, évalué par calcul du ratio des concentrations du composé entre la phase gazeuse et la matrice alimentaire. Les composés ayant un K inférieur à 1 sont davantage retenus par la matrice. – le log P(o/w), le coefficient de partage du composé entre l’eau et l’octanol (souvent pris comme solvant de référence), évalué par calcul du ratio des concentrations du composé entre l’octanol et l’eau. Les composés ayant un log P(o/w) inférieur à 1 sont hydrophiles. – WS, la solubilité du composé dans l’eau, les composés ayant une WS inférieure à 0.1 sont hydrophobes. – HLC, la constante de Henry, les composés ayant une HLC supérieure à 0.1 atm.m3 .mol-1 sont hydrophobes. En fonction de la nature de la matrice alimentaire étudiée (aqueuse ou lipidique), il est admis d’utiliser certains de ces paramètres pour interpréter les résultats de libération aromatique obtenus.