Depuis 2010, une introduction progressive d’un enseignement de l’algorithmique dans les programmes de mathématiques s’est mise en place dans les trois années de lycée (Seconde en 2010, Première en 2011 et Terminale en 2012). Cette introduction s’est élargie à partir de 2015 au cycle 1 (classes de maternelles), puis en 2016 aux cycles 2, 3 et 4, dans le cadre de l’enseignement des mathématiques à l’école primaire et au collège.
Afin de mieux comprendre le cheminement qui a amené l’institution à introduire un enseignement de l’algorithmique dans le système scolaire depuis le début de cette décennie, nous proposons de faire un retour historique sur les travaux mis en place par la commission Kahane dont on peut penser qu’elle est à l’origine de cette introduction de l’algorithmique dans le système scolaire.
A la demande du ministère de l’Education Nationale, le Professeur Kahane réunit en 1999 un groupe d’enseignants et de chercheurs pour conduire une Commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques, en amont du Conseil national des programmes et du groupe d’experts chargés d’élaborer les programmes de mathématiques de l’enseignement secondaire, ainsi qu’une réflexion sur l’enseignement des mathématiques de l’Ecole élémentaire à l’Université.
Lors d’une première phase de concertations, la Commission produit des rapports assortis d’annexes sur quatre thèmes estimés prioritaires : (1) la géométrie et son enseignement ; (2) l’informatique et l’enseignement des mathématiques ; (3) le calcul; (4) les probabilités et les statistiques.
Depuis 2000, suite aux travaux de la Commission Kahane, une réintroduction d’éléments en lien avec le domaine de l’informatique dans les programmes scolaires est mise en place. Elle fait suite à une évolution perceptible qui s’est mise en place petit à petit depuis la deuxième moitié des années 90, après une première existence à travers un enseignement optionnel au cours de la décennie des années 80 (cf. Thèse de Lagrange, 1991).
En parallèle, des domaines mathématiques comme l’analyse, les statistiques et les probabilités font l’objet d’une introduction d’éléments en lien avec l’informatique. Le développement des calculatrices à calcul formel et graphique, de logiciels de géométrie dynamique, et l’utilisation de tableurs favorisent cette introduction à travers les TICE . L’institution, à travers des documents d’accompagnement et les manuels scolaires proposent de nombreuses activités sollicitant l’utilisation de tels instruments.
A partir de 2000, l’arithmétique, domaine spécifique des mathématiques, est introduite dans l’enseignement, en particulier dans cadre des programmes de l’enseignement de spécialité de mathématiques de la Terminale Scientifique. Cet enseignement de l’arithmétique permet entre autres une introduction de diverses tâches en lien avec l’utilisation d’éléments informatiques. Cependant, comme le soulignent Thanh & A. Bessot (2006, p. 14), l’enseignement [des mathématiques] veut attacher des notions de base de l’informatique (comme boucle, test, structure de données) à des domaines des mathématiques, comme […] l’arithmétique, sans que la notion d’algorithme soit objet d’enseignement. Les manuels proposent de nombreux exercices d’exécution de programmes informatiques ne permettant qu’une très faible familiarisation des élèves avec des algorithmes mathématiques (Birebent et Chi Thanh, 2005, p. 4). Les élèves utilisent des algorithmes sans que pour autant un enseignement explicite et institutionnalisé de l’algorithmique trouve sa place dans le système éducatif tout au long de cette décennie. Il est ainsi proposé aux élèves et aux enseignants, des programmes scolaires sans que pour autant une spécificité de l’algorithmique et de la programmation ne soit enseignée. De plus, comme le soulignent Birebent et Chi Thanh (2005), l’institution ne propose pas de langages particuliers de programmation.
Au cours de cette période, la difficulté de faire vivre des apprentissages autour des notions de base en informatique se traduit dans les manuels par le refus de construire des types de tâches relatives à la programmation des algorithmes et par le recours à des logiciels de calcul pour instrumenter les techniques associées à ces tâches (Nguyen, 2006, p.40).
A partir de 2009, l’idée d’une introduction officielle d’un enseignement de l’algorithmique dans le secondaire se met en place. Un tel enseignement se fait de façon progressive à tous les niveaux de l’enseignement secondaire français, de 2009 à 2012. Une approche de l’algorithmique associée à l’enseignement des mathématiques est aussi introduite au cours des années 2015 et 2016 dans les cycles de l’enseignement primaire et des collèges. L’institution insiste ainsi sur la nécessité d’amener les élèves à s’initier à l’algorithmique.
De même, selon les directives institutionnelles, cette introduction de l’algorithmique se fait de façon transversale, quel que soit le niveau d’enseignement, de la maternelle au lycée. Cela a pour conséquence de mettre en place de nouveaux besoins nécessitant un complément de formation des enseignants dans le domaine de l’algorithmique.
Dans le cadre de cette thèse, nous nous interrogeons alors sur les apports que peuvent avoir cette introduction de l’algorithmique auprès des élèves, dans certains domaines mathématiques enseignés. Pour cela, dans le cadre d’ingénieries didactiques (au sens d’Artigue, 1992), nous proposons des expérimentations en classe, permettant d’observer chez des élèves de lycée, comment l’algorithmique peut donner du sens à l’introduction de certains concepts mathématiques enseignés, dans les domaines de l’arithmétique, de l’analyse, et des probabilités – statistiques.
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