L’ALGERIE FACE A LA MONDIALISATION
Impacts de la mondialisation sur les politiques publiques en Algérie
Depuis la fin de la décennie 1980-1990, les analyses de la mondialisation mettent l’accent sur la mutation de la place et du rôle des Etats dans les relations internationales. Une partie des études africanistes dresse une description apocalyptique de la décomposition des Etats débordés par les guerres, la contrebande, les mouvements migratoires, la corruption, les fraudes de toutes sortes et n’avaient plus d’Etats que le nom. Les afro- pessimistes en déduisent tout à fait logiquement qu’ils sont incapables d’initier tout projet pour le futur. Ils convergent, nolens volens, avec les auteurs qui soutiennent la « thèse décliniste » de la souveraineté des Etats dans les relations internationales. Dans un monde devenu global, C les Etats ne seraient plus qu’un acteur parmi d’autres (Organisations internationales, Organisations non gouvernementales, firmes transnationales, terrorisme, mafias). Au plan local, on assisterait à une déterritorialisation et au relâchement des liens entre les citoyens et l’Etat. Il n’aurait plus le monopole de la violence et serait combattu par des groupes ethniques, religieux ou linguistiques. La communication se propose de mettre à l’épreuve ce nouveau paradigme à partir du cas de l’Algérie qui pourrait être exemplaire. L’Etat entre en crise aigue autour des années 1990 et n’est pas loin de l’effondrement en 1994-1995. En réalité, loin de s’effondrer, l’Etat semble aujourd’hui plutôt renforcé. Une restauration de l’autoritarisme elle même ne serait pas à exclure dans le proche avenir. Cependant la consolidation de l’Etat ne résout pas pour autant les relations avec la société. Sa nouvelle insertion dans la mondialisation en fait un « Etat externalisé ». Sa légitimité s’érode parce qu’il ne fournit plus de réponses aux besoins et aux demandes de la société. La conclusion sera consacrée à une retour critique des théories dominantes de la mondialisation. 1-Les attaques contre l’Etat : La crise étatique est, à l’origine, purement interne. Elle est le résultat de l’essoufflement du système mis en place au lendemain de l’indépendance, de l’endettement extérieur puis de la violence terroriste à partir de 1992. La fragilisation de l’Etat l’expose immédiatement aux pressions et aux injonctions des acteurs mondiaux. La mondialisation complique la crise. Le poids du contexte international devient déterminant entre 1992 et 1997, périodes qui correspond à la phase aigue de la crise financière et à la montée du terrorisme islamiste. L’endettement de la de l’Algérie remonte aux années 1980. Il atteint un niveau élevé à la fin de la décennie et rend le recours au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale inévitable. En juillet 1992, la situation financière est catastrophique : les réserves de change ont chuté, le financement des importations devient problématique. L’Algérie est, en effet, proche de la cessation de paiement. (1) Les premiers accords (Accord de Stand By en avril 1994 et de Facilités de financement élargi, d’avril 1995 à mars 1998) sont conclus dans la discrétion la plus absolue. Leur existence et leur contenu sont révélés par la presse et les partis politiques. L’application du Plan d’ajustement structurel est présentée comme incontournable du Plan d’ajustement structurel est présentée comme incontournable. Il prévoit, conformément au « consensus de Washington » la dévaluation de la monnaie (le dinar), la déréglementation générale des prix, la libéralisation du commerce extérieur, le relèvement des taux d’intérêt et ‐ la privatisation des entreprises publiques. Il s’agit, en fait, de rétablir les grands équilibres macro-économiques pour permettre à l’Algérie de rembourser la dette. Le rééchelonnement de la dette par les pays européens est obtenu avec difficulté et à des conditions draconiennes. La COFACE, organisme français d’assurance crédit maximise pendant longtemps le risque Algérie. Elle est suivie par les autres organismes européens comme Hermès, Ducroire et la SACE qui appliquent des critères d’évaluation du risque plus politiques que strictement économiques et financiers. Les pressions diplomatiques et politiques s’exercent dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie. Ils sont régulièrement invoqués par les principaux partenaires de l’Algérie et les ONG. Les pays européens comme la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne expriment leurs réserves après l’annulation des élections législatives de janviers 1992 qui sont favorables au Front islamique de salut. Le président français, F.Mitterand, la condamne fermement alors que les Etats-Unis ne sont pas hostiles à l’arrivée au pouvoir du FIS. Les déclarations et les interventions des ONG (RSF, FIDH, Human Rights Watch, Amnesty International) sont appréhendées comme une ingérence intolérable dans les affaires intérieures de l’Algérie. Elles sont dénoncées par les gouvernements successifs, la presse et, dans un premier temps, par les partis et les syndicats. La critique de l’ingérence culmine avec la dénonciation de la conférence de San Egidio (Italie) qui regroupe les partis opposés à l’annulation des élections avec le soutien de la communauté catholique italienne. Ses résultats sont rejetés « globalement et dans le détail » par le gouvernement. En 1994-1995, l’isolement économique et diplomatique de l’Algérie est quasi-total. Les restrictions apportées à la circulation des personnes (fermeture de certains consulats et durcissement de la délivrance des visas) approfondissent la rupture des relations de l’Algérie avec ses partenaires traditionnels. Les diplomates et les hommes d’affaires cessent de s’y rendrent (2). 2- Et pourtant l’Etat ne s’effondre pas En 1994-1995, l’Etat est extrêmement fragilisé. Sa paralysie est assez avancée en Algérie même et sur la scène mondiale. Il est proche de l’effondrement et pourtant il ne s’effondre pas, contrairement à de nombreuses prévisions. La diminution progressive du terrorisme, la hausse du prix du pétrole sur le marché mondial et les attentats du World Trade Center (9/11/2001) modifient le contexte des relations de l’Algérie avec son environnement mondial et régional. ‐
L’MPACT DE LA MONDIALISATION SUR LES DEPENSES PUBLIQUES
L’Etat met à profit cette nouvelle conjoncture pour restaurer son autorité et sa légitimité. La reconquête de la place de l’Algérie sur la scène internationale est considérée comme une priorité. Récupérant le « monopole de la violence » face aux groupes islamistes, disposant de ressources financières suffisantes pour bénéficier d’une marge de manoeuvre face au FMI et à la BM, L’Etat retrouve son pouvoir de négociation et entame une politique visant à son insertion dans la mondialisation. La candidature de A.Bouteflika et son élection s’expliquent pour une large part par son expérience internationale antérieure. Les partis politiques et les électeurs se montrent très sensibles à l’argument de « faire retrouver à l’Algérie sa place et son rôle dans les relations internationales ». L’Algérie, « montreur de conduite » dans la décennie 1970-1980 est très présente dans les mémoires. La décennie qui suit est considérée comme celle du recul et de la régression. Elle représenterait une atteinte à la souveraineté de l’Algérie et à l’Etat qui la représente. La négociation d’une nouvelle insertion dans le monde est menée dans le domaine économique et financier et dans celui de la géopolitique mondiale. Le changement dans ces deux domaines est spectaculaire. L’Algérie est toujours soumise aux conditionnalités du FMI et de la BM et assure le remboursement de la dette dont la part dans la PIB est devenue mieux supportable. Les experts de la BM rédigent périodiquement des rapports et des recommandations pour la poursuite des réformes. Des discussions sont menées pour l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce et à la conclusion d’un accord d’association avec l’Union européenne. Les négociations avec l’OMC reprennent en 1998. Seule la réforme des textes législatifs et réglementaires a avancé concrètement alors que l’ouverture du secteur des services et le secteur agricole sont encore en discussion. Les négociations butent sur la mise à niveau de l’économie algérienne. Pour l’OMC, l’adhésion de l’Algérie reste conditionnée par l’avancement du chantier des réformes économiques. Selon une récente déclaration du ministre du commerce, l’adhésion devrait intervenir en 2006. L’accord d’association avec l’Union européenne est signé en décembre 2001. La conférence de Barcelone (27-28 novembre 1995) avait souligné l’importance de promouvoir un développement économique et social équilibré et durable et une zone de prospérité partagée. La déclaration adoptée comporté trois volets : un partenariat politique et de sécurité pour définir un espace commun de paix et de stabilité, un partenariat économique et financier pour construire une zone de prospérité partagée et un partenariat dans les domaines culturel, humain et social pour développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles. La coopération devrait déboucher en 2010 sur la création d’une zone de libre-échange euro méditerranéenne. L’Algérie souscrit au projet de construire une zone de prospérité partagée. Elle propose néanmoins que la priorité sont donnée aux infrastructures de base du développement touchant les ressources hydrauliques, l’habitat et la lutte contre la déforestation. Elle demande également l’assouplissement des conditions de la circulation des personnes (délivrance des visas) entre les deux rives. L’accord est officiellement entré en application le 1er septembre 2005. Parallèlement, les relations avec la France et les Etats-Unis sont redéfinies. Le nouveau rôle des Etats-Unis dans le monde et l’attentat du WTC accélèrent l’intégration de l’Algérie dans la géopolitique mondiale. Les relations avec la France ont retrouvé leur niveau des années 1990-1992. Les rapports politiques et diplomatiques sont renoués et se renforcent après 2001. La présence économique française demeure importante dans le domaine des hydrocarbures où elle fait face à de nombreux concurrents. La relance de l’enseignement de la langue française et le rapprochement de la francophonie marquent un tournant dans la politique éducative et culturelle. Les hésitations des investisseurs français à intervenir en Algérie sont régulièrement déplorées par les responsables de la politique financière et bancaire et par la presse. Les relations algéro-américaines connaissent une véritable mutation. Les entreprises pétrolières américaines sont présentes dans le secteur des hydrocarbures depuis les années 1970-1980. Leurs activités sont renforcées par les investissements qu’elles opèrent dans la prospection et la production du pétrole et du gaz. Les Etats-Unis sont en passe de devenir le premier partenaire étranger dans le secteur. L’initiative américaine, dite Eizenstat, s’adresse en 1998, à l’ensemble des pays du Maghreb. Elle entend créer une zone de libre-échange Maghreb-Amérique qui « sera un partenariat dynamique multilatéral fondé sur le renforcement permanent des liens économiques au Maghreb. » La mise en place des mécanismes nécessaires à son démarrage commence une année plus tard. L’ambassadeur américain au Maroc en résume la philosophie. « Soit dit en toute modestie, déclare t-il, c’est en partie parce que nous sommes l’Amérique, avec tout ce que cela représente en termes de modèle politique, économique et culturel réussi et attirant ; c’est aussi en partie parce que nous ne somme pas Européens, avec le passif historique de l’Europe en Afrique du nord, que l’Amérique, partenaire indispensable dans le monde, l’est particulièrement ici ».