L’aide multicritère à la décision
Histoire de l’approche multicritère à la décision
L’histoire de la prise de décision multicritère remonte au 18 ème siècle quand Le Marquis de Condorcet a publié pour la première fois son livre intitulé « la prise de décision par la pluralité de voix » avec l’apparition des origines des systèmes de vote « voting systems » qui étaient souvent attribués à Le Chevalier Jean-Charles De Borda en (1733-1799).Cependant, Ramon Llull (1232- 1316) a introduit le concept de la comparaison par paires avant Condorcet, tandis que Nicolaus Cusanus (1401-1464) a introduit « la méthode de pondération » environ trois siècles et demi avant Borda. Ainsi, il est à noter également qu’une lettre de Pline Le jeune (~ AD 105) à Titus Aristo prouve qu’il a introduit la stratégie de vote d’approbation ternaire « the ternary approval voting strategy » et qu’il s’est intéressé aux systèmes de vote long temps avant Ramon Llull et Nicolaus Cusanus. Il y a quelques similitudes entre « La méthode de pondération » de Borda et les théories récentes d’utilité de valeur et entre la méthode de Condorcet et les méthodes actuelles de surclassement.1 Pareto en (1896) a fondé pour la première fois une base pour aborder les décisions concernant les problèmes en présence de critères multiples. Un des résultats les plus importants de la recherche de Pareto était l’introduction du concept d’efficacité. Koopmans (1951) a élargi le concept de l’efficacité de Pareto par l’introduction du concept de l’ensemble efficace qu’il a défini comme étant un ensemble de solutions alternatives non-dominées. 2 Pendant les années 1940 et 1950, Von Neumann et Morgenstern (1944) ont introduit la théorie de l’utilité, l’une des bases méthodologiques principales des méthodes multicritères modernes de la prise de décision et la science de décision en général. Un changement important au sujet de l’analyse multicritères a été introduit par Simon, qui a développé la théorie de la « rationalité limitée ». Simon stipule qu’un décideur choisit une solution satisfaisante “satisficing” plutôt qu’une solution optimale et que la rationalité n’est pas indépendante du processus de la décision, mais doit être trouvée dans le processus lui-même (Simon 1976). Ce point peut être vu comme le début des approches d’aide à la décision. 3 Dans les années 60, l’analyse multicritère a commencé à avoir son propre vocabulaire. Charnes et Cooper (1961) ont élargi la théorie traditionnelle de la programmation mathématique par la proposition de la programmation par buts « goal programming ». Fishburn (1965) a étudié l’extension de la théorie de l’utilité en présence de critères multiples. Il est à noter que toutes ces études reviennent à des chercheurs travaillant aux Etats-Unis. Vers la fin des années 60, la prise de décision multicritère a attiré l’attention des chercheurs européens. Roy (1968), l’un des pionniers de ce domaine, a introduit les méthodes de surclassemnt. Il est considéré le fondateur de l’école « européenne » de la prise de décision multicritère. 4 En 1972, le premier congrès sur les approches multicritères a eu lieu en Caroline du Sud aux Etats Unis. Le premier ouvrage complet des approches multicritères a été présenté en 1976 par Keeney et Raiffa dont le contenu est encore utile jusqu’à aujourd’hui. Ils ont basé leur étude sur la théorie de la décision, qui pour la plupart est associée aux arbres de décision, la modélisation de l’incertitude et la règle d’utilité prévue. En élargissant la théorie de la décision pour s’adapter aux conséquences multiattribues, Keeney et Raiffa ont proposé une intégration théorique de l’incertitude liée aux conséquences futures et les objectifs multiples. Ils ont agrandi l’ensemble des axiomes de telle sorte que les décisions dont les objectifs sont multiples peuvent être analysées.5 Dans les années 80, des méthodes interactives d’ordinateur ont été proposées. Elles ont facilité considérablement la communication entre les décideurs. En 1985, les méthodes multicritères avaient acquis de la réputation mondiale. Pendant les années 90, les méthodes de l’analyse multicritère ont évolué théoriquement et pratiquement en profitant des recherches avancées dans le domaine de la technologie de l’information et l’intelligence artificielle. Les approches multicritères sont développées fondamentalement dans deux écoles, l’école européenne et l’école américaine. La première se diffère de la dernière du fait qu’elle cherche à donner des recommandations alors que l’école américaine essaye d’approcher une solution idéale dérivée d’un ensemble d’axiomes.6 L’école européenne étudie les méthodes discrètes et les relations de sur-classement tandis que l’école américaine s’intéresse aux méthodes de l’utilité additive.7
Définition de l’aide multicritère à la décision
Différentes définitions ont été proposées pour l’aide multicritère à la décision. Nous reprenons ici celle de Vincke 19898 : « L’aide multicritère à la décision vise, comme son nom l’indique, à fournir à un décideur des outils lui permettant de progresser dans la résolution du problème de décision ou plusieurs points de vue, souvent contradictoires, doivent être pris en compte. » 9 Traditionnellement, l’activité de l’aide à la décision se base sur l’idée de l’existence d’une fonction objectif (ou un critère) bien définie et unique et qui s’impose aux yeux de tous pour caractériser la bonne direction dans laquelle il convenait de faire évoluer le système dont on s’intéressait. En procédant ainsi, on a l’avantage d’aboutir à un problème « bien posé » mathématiquement dans en ce sens qu’il est posé en des termes tels que la solution optimale, est entièrement déterminée par sa formulation. Néanmoins, en pratique les conséquences sont suffisamment complexes, pour qu’une seule fonction objective (un seul critère) ne puisse appréhender adéquatement toute l’information nécessaire à la comparaison globale des différentes alternatives d’action possibles. D’après [Martel.1999]10 , ces conséquences sont multiples et s’apprécient en des termes forts variés (économiques, techniques, de confort, etc.). Pour [Bouyssou .1993]11 , l’argument réaliste selon lequel la réalité étant multidimensionnelle, il est naturel que l’on prenne en compte plusieurs points de vue pour aider à la décision et donc qu’on utilise des méthodes multicritères, ne peut à lui seul justifier d’adopter une démarche multicritère pour aider à la décision. Utiliser un tel argument conduirait à voir le monocritère comme un cas limite et dégénéré du multicritère. Toujours selon [Bouyssou 1993], adopter une démarche multicritère, ce n’est pas postuler que « dans la réalité » un seul critère est à l’œuvre mais c’est, plus simplement, vouloir aider à la décision en n’exhibant qu’un seul critère. Il y a, selon lui, à la base d’une démarche multicritère en aide à la décision, un « acte de foi » consistant à croire que construire explicitement plusieurs critères peut avoir un « rôle positif » dans le processus de modélisation.
Principe générale d’analyse multicritère a la décision
En toute généralité, lorsqu’on pose un problème multicritère, il s’agit de trouver la solution ou bien l’alternative la plus adéquate, compte tenu de la famille de critères F, cette solution pouvant prendre diverses formes (choix, affectation, classement). On peut alors opérer en quatre étapes : 1. Dresser la liste des actions potentielles : Il s’agira lors de cette étape d’établir l’ensemble d’actions A sur lequel va être portée la décision, mais aussi d’identifier le problème d’aide à la décision soumis par le décideur en vue de l’associer à une des problématiques existantes liées à la décision multicritère. Cette étape constitue la base de départ pour élaborer le modèle de décision associé au problème. L’ensemble d’actions A devra être aussi complet que possible, ce qui n’est pas toujours évident. 2. Analyse des conséquences et détermination des critères à prendre en considération : Ces critères découlent des conséquences des actions, c’est-à-dire de « tout effet ou attribut de l’action susceptible d’interférer avec les objectifs ou avec le système valeurs d’un acteur du processus de décision, en tant qu’élément primaire à partir duquel il élabore, justifie ou transforme ses préférences ».Il est rare qu’une action n’ait qu’une conséquence. Ainsi, on parlera de l’ensemble des conséquences. 3. Modélisation des préférences et établissement d’un tableau de performances : L’homme d’étude (l’analyste) tentera d’apporter des éléments de réponses en élaborant un tableau de performances contenant l’ensemble des actions potentielles qu’il a établi mais également l’ensemble des critères bâtis lors de l’étape précédente. Cette phase constitue un élément clé du processus d’aide à la décision car elle permet d’entrevoir l‘approche qui sera utilisée pour la résolution, c’est –à- dire pour la recherche d’un compromis entre actions. 4. Agrégation des performances et élaboration de la recommandation : Il s’agit ici d’établir un modèle des préférences globales, c’est-à-dire une représentation formalisée de telles préférences relativement à un ensemble A d’actions potentielles, que l’analyste juge appropriée au problème d’aide à la décision. Lors de cette étape, l’analyste choisira, en fonction des exigences et du type de problème de décision qui lui est soumis par le décideur, une des approches