L’aide à la décision
Tout individu, qu’il appartienne ou pas à une organisation, est confronté quasi quotidiennement à faire des choix. De fait, la vie d’une personne peut-être perçue comme une succession de décisions qui en font la particularité. Cette perception peut-être transposée aux organisations, mais à une plus grande échelle. En effet, étant des systèmes le plus souvent ouverts et où interagissent différents individus et diverses entités, les contextes décisionnels qui se posent à ce niveau se caractérisent par leur «complexité».
Les contextes décisionnels en gestion
Tout système et par conséquent toute organisation, œuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs à divers moments. Dans le but de s’assurer du bon fonctionnement de ce système, il convient de comparer ce qui a été initialement prévu à ce qui a été réalisé. Ainsi, une situation décisionnelle, ou ce qui peut être perçue en tant que telle par un décideur ou un gestionnaire, se manifeste généralement en termes d’écart entre les prévisions faites initialement et les réalisations. Cependant, les situations décisionnelles ne se limitent pas à celles où un (des) écart(s) est constaté. Elles incluent, également, des situations «d’opportunités», d’occasions favorables à saisir. Ainsi, les gestionnaires peuvent être appelés à faire des choix portant, d’une part, sur les mesures correctives à prendre ou pas en cas d’écart(s), et d’autre part, sur des opportunités à saisir, de nouveaux créneaux à exploiter. Les situations décisionnelles qui peuvent survenir sont multiples et diverses. En effet, il peut s’agir aussi bien d’un lancement d’un nouveau produit, d’acquisition de nouveaux équipements ou d’utilisation de nouvelles technologies, choix d’un site d’implantation d’une nouvelle usine, d’un nouveau point de vente. Il est certain que ces quelques exemples de contextes décisionnels sont loin d’être exhaustifs et détaillés. En pratique, ces contextes sont riches en évènements divers, qui peuvent être plus ou moins prévisibles ou pas, simples ou pas à appréhender selon les cas et selon l’information disponible. Afin de mieux cerner ces situations, le décideur a besoin de toute 17 l’information possible, disponible, fiable et de qualité. Il s’avère cependant, qu’en général, cette information est rarement complète et parfois empreinte d’imprécision. Ceci ne facilite guère la tâche aux décideurs qui se retrouvent, le plus souvent, confrontés à des situations décisionnelles tendant à être de nature incertaine. En outre, ils sont appelés de par leurs fonctions, à assumer plusieurs responsabilités incluant des activités d’analyse, d’évaluation et de sélection d’actions qui peuvent déterminer, à long terme, l’avenir de l’organisation entière. De plus, les retombées de certaines de ces activités peuvent concerner d’autres systèmes et avoir des conséquences socio-économiques importantes. Par conséquent, les gestionnaires sont souvent confrontés à des situations où il est plus ou moins difficile d’arrêter un choix final. Les difficultés que peuvent rencontrer les décideurs dans leur processus de choix peuvent avoir pour origine divers facteurs que Aouni (2002) regroupe ainsi : – Le nombre d’entités et d’attributs impliqués qui peut sensiblement varier d’un problème à un autre; – Le nombre d’objectifs visés qui en augmentant accroît le risque de conflit; – Le nombre d’individus concernés par le processus décisionnel, que ceux-ci soient des intervenants dans le processus décisionnel ou des individus subissant les conséquences de la décision retenue; – Le degré d’incertitude caractérisant la situation décisionnelle à laquelle est confronté le décideur. Dans de telles circonstances, faire des choix se révèle pour les décideurs être une tâche délicate. Afin de les aider à assumer cette lourde tâche leur incombant, s’est développée une discipline connue sous le nom d’aide à la décision. Elle joue un rôle d’assistance au décideur et cherche, selon Roy (1992) : «à prendre appui sur la science pour éclairer les décisions de nature managériale et pour conduire les processus de décision dans les systèmes organisés». Elle a pour objet d’assurer, autant que possible, le bon déroulement du processus décisionnel envisagé selon une approche scientifique. L’aide à la décision tente ainsi de contribuer à structurer et à organiser le processus décisionnel dans lequel s’engagent les gestionnaires dans l’exercice de leurs activités (Roy, 1999). Dans la 18 prochaine sous-section, nous présentons les principales étapes d’un processus décisionnel.
Le processus d’aide à la décision
Dans un souci de rationalisation, le processus décisionnel a été élaboré selon une approche scientifique. En effet, ce processus forme une séquence d’étapes successives et itératives qui permet d’aider le décideur à faire un choix plus éclairé. Selon Mousseau (2003), l’aide à la décision s’appuie sur une conception de la décision orientée processus. C’est ainsi qu’il définit le processus d’aide à la décision comme étant : «l’insertion de l’activité d’aide à la décision au sein d’un processus de décision». De plus, Les étapes d’un tel processus ont été modélisées de différentes manières plus ou moins convergentes. Nous retiendrons à notre niveau, le modèle très usité de Simon (1960) qui distingue trois grandes étapes. Ces dernières, pouvant être subdivisées en sous-étapes, se présentent comme suit : Étape 1 : L’étape de renseignement Cette étape essentielle peut être assimilée à une phase d’identification de la situation décisionnelle. En effet, il s’agit à ce niveau, de cerner les différents éléments ou évènements ainsi que les conditions requérant une prise de décision. Ainsi, il est nécessaire, voire vital, de sonder l’organisation et son environnement afin de détecter les différentes situations décisionnelles survenues ou pouvant survenir ainsi que les opportunités qui se présentent. Cela revient à faire une sorte de diagnostic dans le but de préciser la nature exacte du contexte décisionnel en présence. À ce propos, un système d’information performant est appelé à jouer un rôle essentiel en répondant aux besoins informationnels des différents participants au processus d’aide à la décision. Étape 2 : La conception et l’élaboration d’un modèle de décision Dans un souci de simplification, qui ne doit pas être restrictive, le contexte décisionnel est généralement représenté par un modèle. Ce dernier doit faire ressortir les principaux 19 éléments du contexte, du moins les plus significatifs aux yeux du décideur. Il s’agit en fait, d’une abstraction du réel, abstraction qui se veut représentative, d’un modèle réduit qui doit faire ressortir les grandes lignes du contexte. Ceci a pour but d’en faciliter la compréhension et servir, selon Roy (1985), de base et de support au processus d’investigation. La conception et l’élaboration d’un modèle, étape centrale du processus décisionnel, passe généralement par trois étapes (Brans, 1986) : – La détermination des différentes alternatives possibles ou actions potentielles; – L’évaluation de ces alternatives en tenant compte des préférences du décideur; – La recherche d’éléments de réponse pour permettre de déterminer la ou les décisions appropriées. Brans (1986) qualifie cette étape de «processus d’investigation ou de traitement mathématique». À l’issue de ces trois phases, plusieurs modèles peuvent être utilisés. En effet, il existe plusieurs types de modèles dans le domaine de l’aide à la décision. Selon Kast (2002), les modèles mathématiques, qui constituent de précieux outils d’aide à la décision, sont parmi les plus utilisés en théorie de la décision. En effet, la formalisation d’un contexte décisionnel revient, en général, à décrire ses éléments par des fonctions, des valeurs qui permettent d’utiliser des outils et des résultats mathématiques (Schärlig, 1985; Kast, 2002). Parmi ces différents modèles, nous retrouvons ceux de l’optimisation tel que celui de la programmation linéaire. Étape 3 : L’étape de choix, validation et de mise en application Cette troisième étape peut être en fait subdivisée en trois étapes secondaires comme suit : Choix d’une solution : L’étape précédente ayant été plus au moins achevée, et le modèle mathématique ayant ainsi été déterminé, il servira à retenir une (des) solution(s) satisfaisante(s) du contexte auquel est confronté le décideur. Ceci constitue l’objet de cette présente étape qui correspond au processus d’investigation cité précédemment. Selon Brans (1986), ce 20 processus doit aboutir, après utilisation de méthodes et d’algorithmes appropriés, à des éléments de réponse. L’algorithme du simplex est l’un des algorithmes classiques les plus utilisés en programmation linéaire. La validation du modèle et de la solution : Une fois le modèle construit, il s’avère nécessaire de vérifier que celui-ci répond bien aux aspirations du décideur et lui permet d’évaluer les différentes alternatives afin de faire le choix le plus approprié. Cette vérification est une étape importante et cruciale (Bouyssou et al., 2006), car de la bonne validité du modèle dépend celle de la solution. Cette dernière doit être, toutefois, soumise à une analyse de sensibilité, voire de robustesse, afin de s’assurer de sa fiabilité. L’implantation de la solution : Le processus décisionnel ne serait pas complet s’il ne renfermait pas l’étape de mise en application de la solution. En effet, même ayant obtenu une solution satisfaisante, celle-ci peut être vouée à l’échec si son application n’est pas planifiée et suivie avec soin. Elle doit constituer, entre autres, un consensus entre les différents membres de l’organisation pour éviter toute incompréhension ou rejet de leur part. Une fois la solution implantée, il serait opportun de revoir le modèle de gestion en question afin d’en vérifier la validité dans le temps. Ainsi, dans des conditions satisfaisantes, la troisième étape du processus décisionnel amène le décideur à faire un ou plusieurs choix permettant de remédier à une situation problématique donnée. Selon l’approche classique en aide à la décision, l’évaluation des actions potentielles et le choix de l’une d’entre elles, se font sur la base d’un seul critère. L’approche qui sous-tend la prise en compte d’un seul critère dans l’analyse des situations décisionnelles est plus connue sous le nom de paradigme monocritère. Dans la prochaine section, nous présentons les principales hypothèses sur lesquelles repose l’approche monocritère.