L’ADAPTATION ORGANISATIONNELLE POUR INNOVER DANS LES PME

L’ADAPTATION ORGANISATIONNELLE POUR INNOVER DANS LES PME

La PME comme objet d’étude

Pour ce travail, mis en œuvre dans le cadre d’une thèse CIFRE, l’analyse du besoin de l’entreprise Absiskey a placé de façon centrale la problématique des PME. Au-delà des exigences de terrain, dans ce chapitre nous allons mettre en lumière les transitions économiques et technologiques qui influencent le contexte concurrentiel en lien avec les caractéristiques structurelles des PME.

 Statut des PME en France

Les PME sont définies par la Commission Européenne1 comme les entreprises de 1 à 249 salariées. En 2011, elles représentent 99,8% des entreprises françaises2. Elles détiennent le statut de premier créateur d’emploi et de premier vecteur de valeur ajoutée en France (Chertok, et al., 2009 ; Manceau et Morand, 2009). A ce titre, la PME est placée au centre des attentes en matière de compétitivité. Ceci mène depuis plusieurs années à la production de nombreux rapports faisant état de leur situation et définissant des actions à mettre en place pour qu’elles puissent se maintenir et ainsi assurer les rôles qui leurs sont attribués. 1 Recommandation 2003/361/CE du 6 mai 2003 de la Commission Européenne, telle que publiée au Journal Officiel de l’Union européenne L 124 du 20 mai 2003, p. 36. 2 Document budgétaire du Projet de Loi Finances, Effort financier de l’État en faveur des petites et moyennes entreprises, annexe 2016. Nous en relevons trois principaux : la création d’emploi, la création de valeur et la compétitivité (Enquête de conjoncture BPI, 2016). Les structures publiques et privées accompagnent ces ambitions en mobilisant différents leviers de compétitivité : l’internationalisation, l’innovation, l’intelligence économique, etc. pour permettre aux PME de mieux faire face aux transitions actuelles de l’environnement concurrentiel. Levier essentiel de la croissance à long terme de l’économie, l’innovation est un atout stratégique essentiel comme en témoignent les dispositifs d’accompagnement et les mesures incitatives mises en place en France (la Banque Publique d’Investissement, les Crédits d’Impôts, pour la Recherche et l’Innovation, le statut Jeune Entreprise Innovantes, etc.). 

Les spécificités des PME

Dans cette section certaines caractéristiques des PME sont mises en évidence pour comprendre comment elles abordent l’innovation et la gestion des connaissances. Ces éléments permettent de mieux définir notre objet d’étude et de structurer notre démarche de recherche.

Spécificités organisationnelles

Dans les PME, le travail d’organisation nécessaire dans toute entreprise est contraint par la restriction de leurs ressources temporelles, humaines et financières. Les modalités de fonctionnement qui en découlent nécessitent la mise en œuvre de moyens spécifiques pour l’intervention et l’accompagnement du changement dans les PME. A cet égard, Thouvenin (2002) propose de fixer comme objectif la « juste adaptation des méthodes et outils à utiliser en fonction des besoins et du contexte » qu’il résume par la notion de « juste nécessaire méthodologique ». Sa mise en œuvre nécessite la définition des besoins et du contexte organisationnel (dont les ressources à disposition). Dans la littérature, nous retrouvons plusieurs observations générales portant sur les PME. Elles disposent de ressources limitées (Thouvenin, 2002 ; Carmel et Nicholson, 2005 ; Wolff et Pett, 2006 ; Ammar, 2010) et présente des difficultés à coordonner des activités quotidiennes et des projets (Chanal ; 2002 ; Ayerbe, 2006). Leur démarches stratégiques sont qualifiées d’émergentes (Julien et Marchesnay, 1988, cités par Monnoyer-Longé, 2002) et leur processus de décision sont fortement dépendants des chefs d’entreprises et des routines organisationnelles (Marchesnay, 2003 ; Lambert, Ouedraougo, 2010). Ces 17 caractéristiques de la PME influent sur leur fonctionnement et peuvent amener des difficultés supplémentaires pour atteindre ses objectifs. Dans la section suivante nous allons proposer des arguments pour justifier l’intérêt de structurer une stratégie d’innovation pour maintenir l’avantage concurrentiel des PME.

L’innovation : levier de performance pour la PME

Dans le cadre de ces travaux nous nous intéresserons de façon privilégiée à l’innovation de bien3 (produit et service). (Les motifs de cette focalisation seront argumentés dans la partie 2.1.1.2. Une focalisation sur l’innovation de produit). L’innovation de produit consiste à proposer pour la première fois sur le marché de référence un bien nouveau (produit ou service). Elle est définie comme suit : « L’introduction d’un bien ou d’un service nouveau. Cette définition inclut les améliorations sensibles des spécifications techniques, des composants et des matières, du logiciel intégré, de la convivialité ou autres caractéristiques fonctionnelles » OCDE, 2005. Généralement, l’avantage concurrentiel est garanti par l’appui sur le cœur de compétences pour développer des activités spécifiques et originales. Cela implique que les biens conçus ne pourront pas être facilement reproduits par la concurrence. La valeur ajoutée peut être plus importante car les biens innovants seront par définition difficiles à comparer à des biens similaires. L’offre n’étant pas directement comparable, le prix psychologique ne sera pas déterminé à partir d’un bien de référence mais d’un ensemble de perceptions du client cible (l’utilité du bien, la qualité, le bénéfice attendu, la compatibilité avec les usages, la possibilité d’essai du dispositif, la visibilité du produit ou du service dans son environnement). Par ailleurs, la concurrence s’internationalisant et la vitesse de « l’innovation de rattrapage » augmentant, les entreprises doivent compter sur cette capacité à commercialiser des biens différents et/ou très spécifiques. Le développement d’un avantage concurrentiel et le maintien de la performance et donc de plus en plus souvent lié à l’innovation (Drucker, 1993; Cohendet et Llerena, 1993; Hamel et Prahalad, 2005 ; Bouchard et Bos, 2006). Les PME n’échappent pas à ce principe et sont encouragées à innover (Adams, Bessant et Phelps, 2006). Certains auteurs identifient 3 Dans la suite du document, elle sera désignée « innovation de produit », conformément à la définition du Manuel d’Oslo (OCDE, 2005) 18 même la voie de l’innovation comme une stratégie centrale pour les PME (Halilem et StJean, 2007). Le risque principal pour la PME est d’avoir du mal à mener ses activités innovatives de front avec les activités quotidiennes, ses ressources étant davantage limitées que celles des entreprises de plus grande taille (Carmel et Nicholson, 2005 ; Wolff et Pett, 2006). Elle peut ainsi avoir des réticences à investir du temps, des financements et du personnel dans des activités dont les retombées sont différées dans le temps et incertaines (Ammar, 2010). Si le financement des projets est soutenu par des dispositifs d’accompagnement, ils ne suffisent pas à mettre en place des actions cohérentes avec une démarche d’innovation. La mise en œuvre d’activités qui ne sont pas maitrisées reste une prise de risque trop importante pour des organisations qui ont une capacité limitée à absorber les échecs (Rougès, Poulin, D’Amour, Montreuil, 2007). Si la PME présente des faiblesses pour les stratégies d’innovation dans le même temps, elles disposent d’une flexibilité caractéristique (Darroch et McNaughton, 2002 ; Thouvenin, 2002 ; Wolff et Pett, 2006 ; Mongo, 2013) qui peut leur accorder une plus grande réactivité. 

LIRE AUSSI :  L’accessibilité prototypée procédures, collaborations et démonstration

PME et gestion des connaissances

Plusieurs auteurs identifient des liens entre l’apprentissage à l’échelle organisationnelle et les performances en innovation y compris dans les PME (entre autres : Lee, Lee et Pennings, 2001 ; Gopalakrishnan et Bierly, 2001 ; Julien, Leynoras, Makita et Moreau, 2009). Les activités qui permettent les apprentissages organisationnels sont soutenues par un ensemble de moyens qui assurent la circulation, la capitalisation et l’évolution des connaissances dans les organisations en vue d’un objectif défini et que nous désignons par le terme de gestion des connaissances4. Les travaux s’intéressant à la gestion des connaissances dans les PME relèvent plusieurs particularités :  Une difficulté à accéder à des informations déterminantes et à les traiter (Gérard, 2000) ; 4 Nous détaillons ce positionnement dans la section 2.2.2. Gestion des connaissances : la difficulté d’évaluer les déterminants liés à l’innovation. 19  Une difficulté d’accès aux informations en provenance de l’environnement (Marchesnay, 2003) et une propension à être davantage tournée vers les informations internes à l’entreprise (Deltour, Farajallah et Lethias, 2014)  Une tendance à peu formaliser l’activité, et à privilégier la mise en œuvre de systèmes gestionnaire pour se prémunir des risques financiers (Marchesnay, 2003) ; Par ailleurs, la gestion des connaissances est fréquemment liée à la question de l’outil technique, et des TIC. Avec un intérêt particulier pour la PME, Monnoyer-Longé (2002) identifie plusieurs caractéristiques en lien avec l’adoption des TIC ; une rentabilité plus faible des investissements en TIC, une mise en place de la veille difficile hors des pratiques habituelles et une correspondance faible entre les stratégies privilégiées des PME et la perspective d’investissements dans les TIC (Bergeron, Raymond, Gladu et Leclerc, 1998, cités par Monnoyer-Longé, 2002). Si le manque de moyens considéré comme caractéristique de la PME influence l’acquisition d’outils techniques, les mécanismes qui permettent de créer et de gérer les connaissances organisationnelles restent nécessaires pour les processus d’innovation. Il est alors légitime de s’interroger sur les liens entre le processus de décision à l’œuvre dans l’activité et les dispositifs adoptés pour gérer les connaissances (Amabille et Gadille, 2003).

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