L’adaptation du positionnement à la commande.
Le sujet de la commande amène l‘urbaniste à ajuster son rôle. Lors de la réception de la commande, l’urbaniste définit sa méthode de travail par rapport au sujet de la commande et à son ressenti. Il s’orientera vers une posture plus ou moins « accompagnatrice » ou « productrice » selon les circonstances. Franck TESSIER précise que la posture de l’urbaniste à la SET dépend du commanditaire. Si le commanditaire est dans le questionnement, il s’oriente vers l’accompagnement, s’il souhaite faire avancer le projet, alors la SET propose des réponses toutes faites. Cette caractéristique s’explique en raison du rôle ambigu de l’urbaniste. En effet, sa profession peut l’amener à travailler dans la maîtrise d’ouvrage ou la maîtrise d’œuvre selon l’avancement du projet. Dans une structure comme la SET, on voit bien cette ambigüité qui débouche sur deux manières de travailler. Les différents rôles qu’elle peut jouer obligent l’urbaniste de la SET à se déplacer entre le rôle d’accompagnateur et de producteur. Le type de réponse à une demande d’aide du commanditaire dépend donc fortement du statut de la SET mais également du temps dont elle dispose. Quand on est AMO, on peut gérer des questionnements, ce qui n’est pas le cas en mandataire ou en maîtrise d’œuvre où il faut absolument gérer le projet, le faire avancer. » Cathy SAVOUREY confirme l’importance du type de la mission confiée, dans la définition du rôle de l’urbaniste. L’aide à la décision, l’accompagnement demande de travailler sur un questionnement stratégique donc en amont des projets. Elle a une position d’assistant à maître d’ouvrage et occupe donc un rôle de conseil ; soit sur des documents réglementaires (PLU, PLUi, SCOT), soit sur de la programmation urbaine. Dans le cas où l’urbaniste occupe un poste de décideur (si la structure de l’urbaniste est sur le projet en tant que maître d’ouvrage), il est nécessaire d’interroger la commande pour se positionner en tant qu’expert ou décideur stratégique. Ainsi Brigitte BREDIN, directeur général adjoint à la ville de Bourges, se demande où est sa position par rapport à la prise de décision. Elle réinterroge le sens de la commande pour trouver son rôle dans le projet.
Le positionnement vis-à-vis de la structure.
Les administrations et les entreprises prennent du recul sur leurs rôles, leurs compétences, leurs domaines d’action et l’échelle d’intervention. Cette réflexion est souvent menée par les instances de direction mais peut aussi l’être de manière collégiale par l’ensemble des membres du personnel. Au cours de nos entretiens, nous avons pu constater que ce recul sur le rôle de la structure dans laquelle Lorsqu’Eric BOULAY, Jérôme BARATIER et Franck TESSIER, directeurs de leurs structures choisissent de faire un aparté au début de l’entretien pour présenter la structure et son rôle ; on sent non seulement que cette réflexion a déjà été menée mais qu’elle infuse chacune des interventions en public ou chaque action de la structure. « On est porteur du point de vue de l’agence ». Par cette phrase de Jérôme BARATIER, on retrouve bien l’idée que l’entreprise a fait l’objet d’une réflexion sur son rôle et ses valeurs qu’elle retranscrit dans ses communications avec d’autres acteurs. Franck TESSIER exprime le poids de la structure sur les valeurs de l’urbaniste dans cette citation : A contrario, lors de la formation à Palo Alto des membres de CAUE, ceux-ci ont souligné les contradictions qui peuvent exister entre leurs professions et le rôle de la structure. « Il existe un paradoxe entre la formation des professionnels de l’aménagement à produire, la prégnance du rôle d’expert de l’ingénierie territoriale et les missions d’accompagnement des CAUE ». Le caractère libéral de certaines petites structures offre une certaine indépendance aux urbanistes qui y travaillent et leur permet ainsi de définir eux-mêmes leur positionnement. Il semble même que pour certains bureaux d’études libéraux, il soit nécessaire de mener une telle réflexion. Cette prise de recul leur permet en effet de mieux se positionner sur le marché donc de cibler les appels d’offres, de mieux répondre à la commande. Nous avons constaté ce fait lors d’une conférence de l’association pour la promotion de l’urbanisme en région Centre (L’A.P.U.C.E.) où des consultants libéraux en urbanisme s’exprimaient sur leurs pratiques. Trois d’entre eux ont fait part du recul qu’ils avaient sur leur rôle par rapport à leur commanditaire et par rapport aux autres disciplines qui peuvent intervenir en aménagement.
Dans une structure libérale, marquée par la productivité, il semble plus difficile de faire de l’accompagnement à la manière de Palo Alto. L’accompagnement semble faiblement concurrentiel par rapport à la production qui paraît plus directe. Pour réaliser de l’accompagnement, il est nécessaire que le commanditaire ou la structure dans laquelle l’urbaniste intervient lui laisse le temps de construire le projet avec le commanditaire. L’accompagnement prend du temps selon François ROUMET. En urbanisme ce temps n’est pas toujours disponible car il est aussi calqué sur celui des élections politiques par exemple. Franck TESSIER confirme cette contrainte car la SET, doit répondre au commanditaire dans des délais fixés (sous peine de pénalités). Jérôme BARATIER regrette l’obligation pour les urbanistes de faire du « copier-coller » pour être rentable. Cet impératif de rentabilité renvoie à un problème de fond qui engendre « une ville générique, de la standardisation des modes de vies, et de l’urbain indifférencié ». Le copier-coller ne permet pas aux personnes locales de s’exprimer et de choisir. Même s’il aimerait que la profession adopte cette posture, cela lui paraît compromis tant que ce temps nécessaire à l’accompagnement ne sera pas valorisé et reconnu. Enfin la contrainte de production formalise plus ou moins le type de solutions et réduit la liberté de l’urbaniste. Par exemple, si la commande exige la production d’un schéma d’aménagement sous forme de carte, elle oriente les solutions qui seront prises dans ce sens. L’urbaniste aurait pu guider le commanditaire vers une autre méthode qui n’aurait pas débouché sur un schéma d’aménagement mais une association de quartier par exemple. Le fait de ne pas produire directement n’est pas « vendeur » auprès du commanditaire qui souhaite être rassuré sur le travail qui sera réalisé. François ROUMET nous explique que les maîtres d’ouvrage préfèrent « les beaux dessins avec des idées bien léchées, souvent plaquées ou toutes faites». Le mode de conduite de projet en accompagnement est « nul sur le plan commercial » car il n’est pas « spectaculaire, (…) on a rien à montrer ».