L’activité solaire

L’activité solaire

– Activité des filaments et protubérances

Les filaments sont des structures « froides » (10 000 degrés), denses, allongées, hautes (jusqu’à 100 000 km) en suspension dans la couronne, cent fois plus ténue et chaude. Leur poids est tel qu’ils devraient s’effondrer s’il n’y avait pas une force s’y opposant. Il s’agit de la force de Laplace, force magnétique agissant sur un courant électrique. Les filaments sont donc parcourus par des courants et soutenus par un berceau magnétique en forme d’arcade dont les pieds sont ancrés dans le Soleil. On le comprend en examinant les champs magnétiques de surface : les filaments se situent toujours à la frontière entre deux régions de polarités opposées. Ils sont sombres, car absorbent le rayonnement. Mais lorsqu’un filament passe au limbe solaire, il devient brillant, car la matière qui le compose (Hydrogène) émet sur un fond noir. On les appelle alors « protubérances ». Les filaments et les protubérances sont donc deux visions différentes d’un même phénomène. On a historiquement vu les protubérances en premier lors des éclipses totales ; ensuite, la spectroscopie a révélé les filaments sur le disque. Les longs filaments, qui peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de km (une fraction de rayon solaire) se forment souvent au début d’un nouveau cycle, à haute latitude, avant l’inversion du champ magnétique polaire. On les appelle alors filaments de « ceinture polaire ». Ils appartiennent à la catégorie des filaments « quiescents » loin des régions actives. Inversement, les zones comportant des taches présentent beaucoup de petits filaments, dits « de plage » car ils se situent entre deux « plages » brillantes de polarités magnétiques opposées. Pourquoi l’étude des filaments est-elle intéressante ? On a constaté que les éjections de masse coronale mettent en jeu dans 70% des cas un filament, qui devient instable lorsque son support magnétique est perturbé par les mouvements de ses points d’ancrage. La matière éjectée, qui se répand dans le milieu interplanétaire, peut voyager jusqu’à la Terre et impacter l’environnement spatial. Mécanisme de support des filaments ou protubérances par la force de Laplace créée par un courant électrique d’intensite I plongé dans un champ magnétique B ayant la forme d’une arcade. Si l est la longueur de l’objet, la force de Laplace s’écrit F = I l B et s’oppose à son poids P = m g (m étant sa masse et g l’accélération de la pesanteur). Le schéma est une vue par la tranche. 63 Un filament quiescent de longueur exceptionnelle (plus d’un rayon solaire) observé dans l’hémisphère Sud. En haut à gauche, raie Hα (Meudon). En haut à droite, le magnétogramme montre que le filament sépare deux grandes régions magnétiques de polarités opposées (jaune/vert). Aux températures plus élevées (dans l’ordre 0.1, 0.6, 1, 2.5, 6 et 10 millions de degrés), le rayonnement UV révèle le couloir magnétique occupé par le filament dans la basse couronne (9 Février 2015, HMI/AIA, SDO/NASA). 64 Instabilité d’un filament observé à 80 000 (gauche) et 600 000 degrés (droite) en UV. L’éjection du filament ne dure que quelques heures et est associée à une éruption en « double filet » (en bas : les deux rubans brillants parallèles, à gauche, sont surmontés par des boucles de champ magnétique chaudes, à droite). L’éjection se déclenche au début de l’éruption. AIA-SDO/NASA, 31 Août 2012. 65 Ejection d’un filament au limbe solaire, appelée aussi protubérance éruptive, observée en UV à 80 000 degré le 15 Septembre 2010. Le phénomène dure 3 heures (AIA-SDO/NASA).

Ejections de masse coronale (CME)

Les éjections de masse coronale impliquent en majorité des filaments ou protubérances déstabilisés par une perturbation de leur support magnétique. La masse éjectée est supérieure à un milliard de tonnes. Une partie retombe mais la plus grande est injectée dans le milieu interplanétaire dès lors que la vitesse acquise est proche de la vitesse de libération du Soleil (600 km/s), permettant 66 à la matière d’échapper à l’attraction gravitationnelle. En période de maximum solaire, plusieurs éjections de masse coronale peuvent se produire chaque jour. Le phénomène est rapide et dure quelques heures. L’énergie d’une CME (pour Coronal Mass Ejection) est de l’ordre de 2023 joules (J). Lorsqu’une éjection est dirigée vers la Terre, elle influence l’environnement spatial et porte le nom de « CME de halo ». Gigantesque éjection de masse coronale en UV à 80 000 degrés le 7 Juin 2011 (raie de l’Hélium à 30.4 nm) ; le phénomène dure 3 heures. Une partie retombe sur le Soleil. AIA-SDO/NASA. L’énergie d’une éjection de masse coronale Une éjection de masse coronale possède une énergie comparable à celle consommée par l’humanité en une année toutes sources d’énergie confondues ! 67 La même éjection de masse coronale du 7 Juin 2011 vue par le coronographe à moyen champ C2 de LASCO sur SOHO (ESA/NASA) ; le rond blanc représente le Soleil. Durée 4 heures. L’éjection de masse coronale du 7 Juin 2011 vue par le coronographe à grand champ C3 de LASCO sur SOHO (ESA/NASA) ; le rond blanc représente le Soleil (remarquer la présence d’une planète derrière le Soleil à droite). Durée 9 heures. Un autre exemple remarquable : éjection de masse coronale du 27 Février 2000 vue par le coronographe à grand champ de vue C3 de LASCO sur SOHO (ESA/NASA) ; le rond blanc représente le Soleil de diamètre 1 400 000 km. Durée 16 heures. 68 Une « CME de halo » se produit quand une éjection de masse coronale est dirigée vers la Terre. Elle est bien symétrique comme cet exemple du 5 Mars 2013 du coronographe C3 à grand champ de vue de SOHO (LASCO/SOHO – ESA/NASA). L’évènement dure 4 heures, et la matière éjectée se déplace à une vitesse de l’ordre de 600 km/s. Notez la présence d’une planète à droite.

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Eruptions

Les éruptions sont souvent associées aux éjections de masse coronale. Elles correspondent à une brusque libération d’énergie durant un bref instant, de l’ordre de la minute : c’est la « phase de flash ». La région devient soudainement très brillante au point de saturer parfois les détecteurs. La mesure de référence est celle des rayons X mous dans la gamme 0.1 à 0.8 nm de longueur d’onde, dont l’émission est surveillée en permanence par les satellites GOES de la NASA. La puissance des éruptions est classée en 3 classes importantes : C, M et X. Les éruptions de classe C sont modestes ; en classe M, elles sont 10 fois plus énergétiques, et en classe X, 100 fois plus. Les éruptions de classe C sont fréquentes, celles de classe M moins, et celles de classe X rares. On y ajoute un chiffre : une 69 éruption de classe X28 est plus énergétique qu’une autre de classe X17. La plus puissante éruption jamais observée par les instruments modernes (X28) remonte au 4 Novembre 2003. Cependant les éruptions qui ont eu lieu récemment, en Septembre 2017, s’en approchent. Taches observées par le satellite Hinode (JAXA/NASA/ESA) le 13 Décembre 2006. En haut, image dans la bande CH à 430 nm. En bas, éruption dans la raie du Calcium à 397 nm. Le champ fait 165 000 km de large, approximativement 13 fois le diamètre terrestre. L’énergie mise en jeu dans une éruption est d’origine magnétique. Elles prennent donc naissance dans les régions actives comportant des taches. L’énergie magnétique est partiellement convertie en énergie cinétique (mise en mouvement) et en chaleur (chauffage de la matière qui devient plus émissive). Des particules chargées sont accélérées puis guidées par les champs magnétiques ; certaines sont éjectées vers le milieu interplanétaire, et d’autres bombardent la surface solaire, sur laquelle apparaissent des rubans brillants, signature de ces impacts. Ces deux rubans parallèles sont les pieds de polarités opposées d’une arcade magnétique chaude et haute, qui les surmonte, d’où le nom « d’éruption en double filet ». La phase de « flash » est suivie d’une phase « graduelle » lente 70 qui dure plusieurs heures pendant laquelle la brillance décroît. Elle s’accompagne de la formation de boucles basses « post éruptives », résultant du refroidissement de l’arcade éruptive. L’énergie mise en jeu dans une éruption est très variable, entre 1021 et 1025 J. Pour se faire une idée de l’ordre de grandeur, rappelons que le Soleil rayonne environ 1026 J en une seconde ou 1034 J par an. On estime que la consommation énergétique mondiale annuelle est comprise entre 1022 et 1023 J, toutes sources d’énergie confondues (nucléaire, pétrole, charbon, éolien, hydroélectrique, solaire, géothermique…). L’énergie solaire reçue par la Terre en un an est de 1024 J. Eruption en double filet du 22 Octobre 2014 observée par le satellite Hinode dans la raie du Calcium à 367 nm à 10 000 degrés (JAXA/ NASA/ESA). L’embrillancement apparaît en quelques minutes vers 14H05. La largeur du champ est d’environ 165 000 km. Une arcade magnétique (invisible ici) surmonte les rubans qui deviennent brillants en raison de l’impact de particules. Les différents types d’énergie en jeu dans une éruption L’énergie magnétique : proportionnelle au carré de l’intensité du champ magnétique B et au volume V de l’espace magnétisé (V B²/2μ0 où μ0 est une constante, la perméabilité). L’énergie cinétique : proportionnelle au carré de la vitesse v et à la masse m de la matière en mouvement (½ m v²). L’énergie thermique : proportionnelle à la quantité de matière, sa capacité calorifique massique et à la température absolue T. Sa variation peut résulter d’un chauffage par dissipation de courants électriques (effet Joule) ou d’ondes, ou d’un refroidissement par rayonnement ou conduction de chaleur. 

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