L’activité mathématique consistant à avoir le maximum d’informations sur des objets mathématique
En quoi consiste l’activité mathématique ?
Cette courte phase est introduite par une question du formateur : « on va s’interroger sur qu’est ce que c’est que faire des mathématiques ». R. Cori semble décider de manière improvisée de solliciter les stagiaires plutôt que de faire un exposé : « je pourrais vous demander votre opinion là dessus ben je vais le faire allez ». Cette question est très large, et les réponses de ces derniers sont sans doute influencées par un effet de contrat didactique qui les oriente vers une réponse à coloration logique. Une stagiaire, professeure de physique qui envisage sa reconversion, compare l’activité mathématique à un casse-tête chinois. Cette réponse est commentée sur un ton ironique par R. Cori : « j’ai un conseil à vous donner, si vous devenez professeur de mathématiques, essayez de ne pas propager cette [idée] », mais pas reprise, elle ne semble pas intéresser le formateur. Un autre stagiaire propose « émettre des règles et organiser le raisonnement sur ». R. Cori questionne alors : « sur quoi, alors sur quoi ? », montrant ainsi qu’il attend finalement une certaine réponse. Mais la réponse attendue ne vient pas. Une troisième stagiaire propose « voir si les propositions mathématiques sont vraies ou fausses ». Là encore R. Cori voit une ouverture vers la réponse attendue et tente de la faire venir : « c’est des phrases qui parlent de quoi ? » La réponse attendue est donnée par cette stagiaire : « D’objets mathématiques », et reconnue comme attendue par le formateur : « D’objets mathématiques alors là nous y sommes ». Une dernière intervention d’un stagiaire porte sur la modélisation mathématique pour résoudre des problèmes concrets, là encore, l’ironie de la réponse du formateur (« j’avais un problème tout-à-l’heure, je n’arrivais pas à faire communiquer l’ordinateur et le vidéoprojecteur, et les mathématiques ne m’ont été d’aucun secours ») montre que cette réponse ne va pas dans le sens de ce qu’il attend pour pouvoir continuer son exposé. Finalement, la sollicitation des stagiaires ne semble avoir pour but que d’amener dans le dialogue un élément attendu par le formateur (les objets mathématiques), les autres propositions ne sont pas retenues.
Dans l’activité mathématique, on cherche à avoir le maximum d’informations sur des objets mathématiques
Dans l’exposé qui suit, R. Cori reprend dans un premier épisode (voir dialogue 5.1 en annexe page 581) la notion d’objet mathématique. Il évoque la théorie des ensembles qui permet de considérer tous les objets mathématiques comme étant de même nature (des ensembles) ce qui « a un avantage considérable sur le plan conceptuel [. . .] mais sur le plan pratique ça a aussi beaucoup d’inconvénients parce que ça tue un peu l’intuition ». Après les objets mathématiques, le formateur parle des informations concernant ces objets, le mathématicien cherchant à en avoir le maximum. Les termes objet (mathématique) et information sont utilisés respectivement 30 fois et 17 fois par le formateur dans cette phase. Dans un deuxième épisode (voir dialogue 5.2 en annexe page 583), le discours du formateur s’oriente vers le langage : « pour communiquer ces informations, c’est quand même une affaire de communication, il faut les formuler, il faut les exprimer, donc on a besoin de phrases pour les dire. » La notion d’expression mathématique est alors introduite, divisée en deux catégories : les noms et les propositions. R. Cori propose tout de suite aux stagiaires de mettre en application ces notions en reprenant la liste des assemblages utilisés dans la séquence 2 sur la notion de proposition. La notion de proposition n’est pas plus mathématiquement définie que dans la séquence 2, et les noms sont présentés comme ce qui sert à nommer les objets mathématiques, ce qui n’est pas non plus une définition mathématique. R. Cori explicite le caractère naïf de son approche : R. Cori : [. . .] je suis en train de faire une analyse naïve de ce que je fais quand je fais des maths, donc vous avez tout à fait la possibilité de dire que je délire complètement, [que] c’est pas du tout comme ça, je ne peux pas vous apporter de preuves. Moi je ne sais pas faire de preuves en dehors des mathématiques. Là nous sommes en dehors des mathématiques, nous les observons mais nous sommes en dehors des mathématiques. [extrait du dialogue 5.2 en annexe page 583]
Y a t-il une différence entre la langue usuelle et le langage mathématique ?
Le dialogue est relancé avec une nouvelle question, celle de la différence, s’il y en a une, entre la langue naturelle et le langage mathématique. Quand il pose la question, R. Cori parle de langue usuelle ou langue naturelle, présentée comme « celle avec laquelle nous communiquons, avec laquelle nous avons commencé à parler », et utilise successivement langue mathématique et langage mathématique (voir en annexe page 584, dialogue 6.1). Il ne donne pas de définition pour ces termes langue naturelle, langue mathématique, langage mathématique, pas plus qu’il ne donne de définition mathématique des mots proposition ou connecteur. Mais à l’inverse de ces notions de logique pour lesquelles il a une référence savante bien précise, il ne semble pas disposer de telle référence pour ces notions linguistiques. En témoigne à mon avis l’utilisation simultanée de langue mathématique et d angage mathématique, ou l’utilisation du terme discours mathématique signalée en note page 356. Pour le premier stagiaire qui s’exprime, il n’y a pas de différence « [le langage mathématique] est un langage adapté, c’est tout », mais il est immédiatement contredit par un autre stagiaire sur le ton de l’ironie « ben si, sinon on ne s’embêterait pas à. . . » Un autre stagiaire met en avant la présence plus importante de sous-entendus dans la langue naturelle, tout en intégrant ce qui a déjà été fait dans le stage sur l’implication et qui a montré qu’il y avait aussi des sous-entendus en mathématiques.
Différence syntaxe/sémantique
Cori se sert de cette réponse pour aborder la distinction entre syntaxe et sémantique (voir en annexe page 585, dialogue 7.1), ce qui permet ensuite de classer d’autres réponses de stagiaires comme relevant de la sémantique. Là encore, le formateur introduit dans le milieu du stage des termes (syntaxe/sémantique) qui seront largement utilisés. Il insiste sur le fait que la logique s’occupe à la fois de syntaxe et de sémantique, alors qu’en mathématiques en général, on fait peu de cas de la syntaxe. Pour montrer l’importance de ce double aspect, il revient sur l’exercice qui a servi pour mettre au jour la quantification universelle implicite associée à l’implication pour reprendre dans ces termes ce qui avait été dit autrement quand ils n’étaient pas disponibles : « le hiatus qu’il y avait tout-à-l’heure, c’est que deux phrases à la construction syntaxique identique avaient des interprétations sémantiques différentes. »
Y a t-il une différence entre la langue usuelle et le langage mathématique ?
Un autre stagiaire propose comme différence le fait qu’il y a des synonymes dans la langue naturelle. Sans le savoir, il utilise un mot qui est également dans le vocabulaire de la formation, mais qui n’a pas encore été introduit. R. Cori se contente de contreargumenter, mais sans choisir de développer ici cette notion : « en mathématiques aussi il y a des synonymes, je dirai même qu’en mathématiques il y en a beaucoup plus que dans la langue naturelle. Ça c’est une très bonne remarque parce que c’est un point que je vais développer, la synonymie c’est beaucoup utilisé en mathématiques. » Les réponses suivantes : le fait que le vocabulaire est moins précis dans la langue courante, qu’on utilise un vocabulaire spécifique, qu’il y a plusieurs sens pour un même mot, restent dans le domaine de la sémantique, c’est d’ailleurs ce qu’argue R. Cori pour la première et la troisième, pour la deuxième il fait remarquer que ça n’est pas une particularité des mathématiques mais de n’importe quel domaine d’activité. Un stagiaire propose alors quelque chose qui relève de la syntaxe : « le langage mathématique, la syntaxe est plus rigoureuse, plus précise. » Ceci permet de faire deux remarques : que la langue naturelle obéit à des règles syntaxiques autant que le langage mathématique, et que les mathématiciens ne sont pas toujours rigoureux vis-à-vis du respect de la syntaxe du langage mathématique.