L’action éducative auprès des mineurs placés en CEF
Durant tout le long du placement, les centres doivent construire et conduire une action éducative auprès des jeunes qui sont accueillis en leurs seins71. Afin de poursuivre les objectifs d’insertion et de prévention de la réitération des comportements délinquants, les structures doivent être en capacité d’accompagner au mieux les mineurs durant leur parcours, afin qu’ils puissent acquérir une certaine autonomie et un comportement responsable. L’action éducative mise en œuvre dans les CEF a donc pour ambition de permettre un « réapprentissage des savoirs fondamentaux »72 de manière à ce qu’ils puissent, par la suite, s’insérer au mieux dans la société. Le contraste qui est opéré entre leur vie d’avant et celle qu’ils mènent au centre peut être douloureux pour certains adolescents. Subitement arrachés à leur environnement naturel, ces derniers se retrouvent quelquefois désœuvrés, sans repère et plongés dans un univers contraignant qu’ils ne connaissent pas. Sans être obligatoire et ne constituant pas un préalable à la prise en charge éducative, l’association et l’investissement des mineurs constitue tout de même un avantage non négligeable. En effet, les équipes pédagogiques doivent être à la recherche de l’adhésion des mineurs, afin qu’ils puissent devenir aux mêmes maîtres de leur placement, et plus précisément de leur destin et de leurs projets personnalisés. Certains éducateurs pourraient être tentés quelquefois d’accepter tels ou tels comportements ou passer outre telles ou telles incartades pour attirer leur sympathie et essayer de les associer à leurs prises en charge. Or, cette solution ne semble pas être la plus pertinente face à des mineurs qui n’ont jamais été confronté aux limites, puisque cette philosophie serait susceptible de faire perdre la légitimité et l’autorité incarner les éducateurs. Une autre approche éducative doit s’imposer et être adoptée pour mener à bien l’ensemble des missions qui sont confiées aux équipes. Afin de favoriser l’association des mineurs et la réussite de leurs prises en charge, le temps du placement doit s’articuler autour de différentes d’actions éducatives. Ainsi, les CEF vont utiliser le temps comme un outil éducatif qui va venir rythmer et cadrer la vie quotidienne des adolescents (Section 1ère). De plus, ce cadre astreignant les jeunes dans une dynamique éducative permanente a pour vocation de faire évoluer les mineurs et de les responsabiliser afin de travailler tout au long de la mesure en vue de la préparation à la sortie, de manière à ce qu’elle se passe sans encombre (Section 2ème).
Un cadre structurant au bénéfice des mineurs
Les mineurs accueillis en CEF sont des adolescents qui agissent dans l’immédiateté afin de répondre le plus rapidement possibles à leurs désirs et à leurs pulsions. Cette absence de réflexion et des conséquences de leurs actes dénotent une grande absence de repère, de limite et d’interdit. De ce fait, en tant que placement éducatif, les centres doivent mettre en place un cadre contenant et sécurisant (A), permettant aux adolescents d’évoluer dans un environnement serein, tout en se confrontant aux règles imposées. De plus pour les encadrer, il est apparu comme nécessaire de leur donner un rythmé, par le biais de la structuration du temps (B).
sinueux. Comme le souligne la DPJJ, les adolescents pris en charge par la PJJ mettent en avant des comportements d’opposition et de rejet qui, sont « susceptible de porter la marque d’un déficit de confiance dans les adultes et corolairement d’une incapacité à accepter d’être contenus par eux »73. Dès lors, pris dans l’enchainement judiciaire, confronté à un monde contraignant, leur réticence est encore plus forte. Ils sont sortis de leur univers, soumis à une perte de repères qui génère chez eux une insécurité profonde et qui se caractérise par des gestes violents et des attitudes agressives. De ce fait, et pour permettre une prise en charge éducative efficace et sécurisante à la fois, il est primordial que le placement soit structuré autour d’un cadre contenant. Le cadre signifie ce qui borne, ce qui limite l’action de quelqu’un, ce qui circonscrit74. Le cadre est particulièrement visible au sein des CEF, puisque les espaces sont délimités, le temps est planifié et un ensemble de règles sont posés. Malgré leur hostilité face à la mise en place d’un tel cadre les soumettant à une certaine rigueur et ne leur laissant plus le contrôle des choses, ce cadre, a ses vertus, puisqu’il permet de sécuriser et d’apaiser les mineurs. La notion de contenance, quant à elle, provient du soin psychanalytique et a été transposée à l’action éducative. Cette fonction contenante du cadre éducatif vise à sécuriser les adolescents et à lui apporter un soutien. En ce sens, cette fonction se rapproche de ce que Donald Woods Winicott a appelé le « holding »75 qui renvoie à la manière dont la mère porte son bébé. L’enfant en tant que nouveau-né doit être soutenu et contenu par la mère. De la même manière, le caractère sécurisant des CEF va procurer aux jeunes une sorte d’univers à part entière et spécifique qui va tendre à les envelopper et à les réparer. La contenance est constituée de l’interaction entre les jeunes et les actions ou pratiques éducatives. Elle repose sur « un cadre d’intervention structuré, repérable par le jeune, par sa famille, partagé et soutenu par l’ensemble des professionnels, et une relation qui s’inscrit dans une démarche de projet éducatif individualisé »76. La note du ministère de la justice relative à la prévention et à la gestion des situations de violence est venue préciser la définition, considérant que « la contenance éducative constitue un cadre éducatif dont la clarté́ et le sens doivent permettre de sécuriser le jeune accueilli. Elle s’exprime par la manière dont se pensent et se mettent en œuvre les savoir-faire et savoir être, les gestes et les postures, les organisations et les processus de travail susceptibles de sécuriser le cadre éducatif et in fine le jeune lui- même. Cette démarche vise à développer l’échange avec les mineurs et au sein des équipes, à tenir et soutenir une position éducative individualisée et collective de l’ensemble des professionnels concourant à la prise en charge »77. Les fondements de la contenance au sein des CEF s’appuient donc sur un cadre structuré et sur la construction d’une relation éducative avec l’ensemble des professionnels. Cette contenance permet de tenir et de soutenir une position sécurisante et bienveillante pour les adolescents, afin de favoriser le lien éducatif. Elle cadre l’intervention éducative ainsi que les interactions entre les professionnels et les mineurs. La fonction contenante est primordiale, puisque les adolescents n’ont pas su contenir par eux même leurs comportements transgressifs, ce qui a entrainé une prise en charge judiciaire éducative. Ainsi, c’est la conjugaison de la dimension contraignante de la mesure avec l’action des professionnels qui fait contenance pour les jeunes dans le cadre de leur prise en charge et contribue ainsi à prévenir la récidive. L’équipe éducative doit être en capacité d’assurer la fonction contenante du centre, et doivent adapter leurs pratiques professionnelles aux différentes difficultés, à la personnalité et aux besoins du mineurs. Ce cadre véhiculé par les professionnels, va donc permettre aux mineurs de se détacher de leurs pulsions pour laisser place à un sentiment d’apaisement et de bien-être. Ce sentiment de sécurité aidera alors les adolescents à s’ouvrir et nouer une relation de confiance avec les éducateurs et plus particulièrement avec son éducateur référent, ce qui facilitera l’action éducative.