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L’approche conversationnelle pour l’analyse des interactions exolingues
Dans cette section, nous présentons quelques concepts clés de l’analyse conversationnelle (désormais AC). Nous ne nous proposons pas d’exposer de manière exhaustive les recherches en AC, mais plutôt d’en sélectionner quelques notions et concepts qui présentent de l’intérêt pour notre étude des séquences métalinguistiques dans le cadre des interactions exolingues en ligne.
L’ethnométhodologie et l’analyse conversationnelle
L’analyse conversationnelle est issue d’un courant de la sociologie américaine, nommé ethnométhodologie, dont le fondateur est Harold Garfinkel (1967). L’idée centrale de ce courant concerne la primauté des pratiques sociales. Selon les ethnométhodologues, « les faits sociaux, tout comme l’ordre social, sont des accomplissements locaux et situés des membres de la société qui en assurent constamment la production, la reproduction et le maintien dans leurs activités ordinaires » (Mondada, 2006, p. 6). Ils s’intéressent à « la manière dont l’ordre social est accompli dans les pratiques des membres, organisées grâce à la mise en ouvre de méthodes qui en garantissent le caractère sensé, intelligible et reconnaissable » (Ibid.). C’est précisément ce programme qui a conduit, dans les années 70, un groupe d’ethnométhodologues (Sacks, Schegloff, Jefferson) à s’intéresser à la conversation et a développé l’étude des méthodes que les participants à une interaction exploitent afin de construire l’ordre social. Mondada décrit ainsi l’objectif de l’AC :
… décrire la façon méthodique dont les interlocuteurs organisent leurs activités, en se coordonnant interactivement, en établissant un ensemble de droits et d’obligations régulant l’alternance de la parole – en constituant ainsi, en définitive, l’ordre conversationnel à la base de l’ordre social et institutionnel. » (Mondada, 2000, p. 112)
Les principes de base et la démarche analytique de l’analyse conversationnelle
La visée analytique se manifeste à travers une série de principes de base. Ces principes ne sont pas formulés de manière explicite et varient d’une étude à l’autre. Nous en présentons dans ce qui suit quelques-uns qui ont été résumés par Mondada (2000, 2006). Ainsi en analyse conversationnelle :
La primauté n’est pas accordée au langage, mais aux activités interactionnelles.
L’interaction joue un rôle constitutif dans l’établissement et la transformation de l’ordre social, de l’ordre grammatical et de l’ordre cognitif. » (Mondada, 2006, p. 7). Le langage n’est qu’une ressource, parmi d’autres, pour accomplir les actions.
La conversation est ordonnée. « Son ordre est systématiquement et méthodiquement accompli de façon endogène par les locuteurs engagés dans un travail de coordination, de synchronisation, d’ajustement constant de leurs perspectives. » (Mondada, 2000, p. 113).
Le contexte joue un rôle important. En interaction, l’action est attachée à son contexte : « l’action s’ajuste au contexte tout en le configurant par sa manière même de l’interpréter et de le prendre en considération. » (Mondada, 2006, p. 7).
Tous les détails de la conversation sont pertinents. Au cours de l’interaction, les participants mobilisent des ressources langagières et multimodales pour construire leurs actions. « Ils s’orientent vers le détail de ces ressources et y répondent pas à pas et en temps réel, en faisant ainsi de chaque énoncé, de chaque action un accomplissement interactif mutuellement et collectivement ajusté. » (Ibid.).
– Les notions de séquentialité et de temporalité sont fondamentales : « L’action se déroule dans le temps de manière incrémentale et émergente. Mais cette temporalité n’est pas linéaire : chaque action s’intègre dans une organisation séquentielle où elle rend manifeste sa compréhension de l’action précédente, de manière rétrospective, et sa projection d’une action suivante, de manière prospective. » (Ibid.).
Ces principes analytiques impliquent un certain nombre d’exigences méthodologiques concernant le type de données abordé en AC, leur mode de recueil et de traitement et leur analyse. Ainsi l’AC adopte une démarche analytique strictement empirique, s’appuyant sur des données authentiques, enregistrées dans leur contexte social de production, sans qu’elles soient provoquées par le chercheur. Ces données sont ensuite retranscrites de façon très détaillée. On transcrit non seulement les mots, mais également les pauses, les chevauchements de tours, les intonations, la gestuelle, etc. Comme l’indique Mondada « l’intérêt pour les détails enregistrés et transcrits est double : il relève de la considération que ces détails sont ce vers quoi les participants eux-mêmes s’orientent pour organiser et interpréter les conduites […] ; par ailleurs il relève de l’idée que ces détails ne peuvent pas être imaginés mais seulement observés in situ. » (Mondada 2000, p. 113). L’analyse privilégie donc le point de vue des participants, « pas pour en restituer simplement la perspective sur l’action, mais pour reconstruire les méthodes par lesquelles ils soutiennent activement cette perspective dans l’organisation de leurs conduites » (Ibid.). Nous reviendrons plus en détails sur les principes méthodologiques propres à l’AC lors de la description de notre démarche analytique (cf. chapitre 5, point 2)
Quelques règles de la machinerie des tours de parole
Les travaux classiques en analyse conversationnelle s’intéressent à la machinerie des tours de parole et la décrivent à trois niveaux :
au niveau de l’alternance des tours de parole ;
au niveau de l’organisation des tours de paroles;
au niveau des mécanismes de réparation.
L’alternance des tours de parole
Sacks, Schegloff et Jefferson (1974) ont étudié la façon dont les tours de parole sont structurés et gérés par les interlocuteurs et ont proposé un modèle de l’organisation des tours de parole. Selon ce modèle, un tour de parole est une unité interactionnelle constituée d’unités de construction du tour (turn construction unit ou TCU). L’alternance des tours de parole se fait grâce aux points de transitions (transition relevance point ou TRP) projetés par les TCU. Le système de l’alternance des tours de parole repose sur un certain nombre de règles :
un seul locuteur parle à la fois ;
la transition d’un tour de parole à l’autre se fait sans chevauchements ni silences entre les tours ; néanmoins les transitions se réalisant avec un bref chevauchement ou une courte pause sont fréquentes ;
l’ordre de prise des tour de parole varie et la distribution des tours n’est pas définie à l’avance ;
la longueur des tours peut varier;
les locuteurs ont recours à des techniques d’allocation de tour : le locuteur en cours peut sélectionner le locuteur suivant ; si le locuteur en cours ne sélectionne personne, un autre locuteur peut s’auto-sélectionner ; si personne n’a pris la parole, le locuteur en cours continue à parler.
L’organisation des tours de parole : la notion de paire adjacente
Les ethnométhodologues ont introduit la notion de paire adjacente (Schegloff et Sacks, 1973) pour décrire l’organisation de la conversation en séquences. Une paire adjacente est composée de deux tours produits par deux locuteurs différents (p.ex. question – réponse, offre – acceptation, offre – refus, etc.). Les deux tours d’une paire adjacente sont ordonnés et étroitement liés l’un à l’autre par un « principe de dépendance conditionnelle » (principle of conditional relevance). Un premier énoncé projette une action suivante (première partie de paire), alors qu’un autre est réalisé pour compléter l’action initiée (seconde partie de paire). Le non-respect d’une pertinence conditionnelle constitue souvent le signe d’un problème qui déclenche une séquence de réparation (cf. les mécanismes de réparation, ci-dessous). En lien avec la notion de paire adjacente, Schegloff et al. (1977) ont conçu la notion d’« organisation préférentielle ». Les participants à l’interaction manifestent une préférence sociale pour certaines normes interactionnelles. On parle de réaction préférée lorsque le second tour de parole correspond aux attentes projetées par le premier. Par exemple répondre positivement à une invitation ou à une requête serait une réaction préférée. Et on parle de réaction non-préférée lorsque la seconde partie d’une paire adjacente ne répond pas aux attentes (par exemple, un désaccord suite à une affirmation). Une réaction non-préférée est souvent accompagnée d’hésitations, de pauses et fait émerger la nécessité d’une justification.
Les mécanismes de réparation
Les mécanismes de réparation (repairs) constituent les procédés conçus pour traiter les problèmes qui émergent dans l’interaction. Le problème traité est appelé « réparable ». Les réparables peuvent se situer à différents niveaux de l’interaction : les formes linguistiques, le cadre participatif, la gestion des malentendus, etc. Le modèle du mécanisme de réparation proposé par Schegloff et al. (1977) fait une distinction entre celui qui initie la réparation et celui qui accomplie la réparation. En fonction de ces deux critères (celui qui initie et celui qui répare), on peut distinguer quatre types de réparations :
auto-réparation auto-initiée (initiée et accomplie par A);
auto-réparation hétéro-initiée (initiée par B, mais accomplie par A);
hétéro-réparation auto-initiée (initiée par A, mais accomplie par B)
hétéro-réparation hétéro-initiée (initiée et accomplie par B).
Les études sur les réparations se sont intéressées aux différents placements séquentiels de ces types de réparation dans la conversation. Quatre positions ont été identifiées (Schegloff et al., 1977):
La réparation en première position se situe dans le même tour que le déclencheur. Cette forme constitue la forme de réparation préférée car elle est auto-initiée et auto-accomplie12.
La réparation en deuxième position est initiée dans le tour suivant le déclencheur.
La réparation en troisième position apparaît deux tours après celui qui contenait le déclencheur.
La réparation en quatrième position.
Si en conversation ordinaire, l’auto-réparation est considérée comme préférentielle, en contexte pédagogique c’est l’hétéro-correction qui est privilégiée, voire qui est systématique. L’hétéro-correction est « un dispositif qui permet à ceux qui sont encore en train d’apprendre, d’opérer avec un système dont le fonctionnement routinier exige qu’ils se contrôlent et se corrigent eux-mêmes pour pouvoir être compétents. Il s’agit, en ce sens, d’un usage uniquement transitionnel, dont on attend continuellement le remplacement par l’auto-correction. » (Schegloff et al., 1977, p. 381, dans Gajo et Mondada, 2000, p. 140).
Certaines notions de l’AC ont été reprises pour analyser la communication exolingue et les processus d’acquisition dans l’interaction. Ces notions, comme le souligne Mondada, ont été parfois utilisées de façon purement technique sans tenir compte du cadre théorique original. L’auteur donne comme exemple les études quantitatives sur la question des réparations, où les analyses consistent à identifier et compter des erreurs définies de façon exogène par les analystes. Elle rappelle « qu’une démarche conversationnelle considère que les réparables » sont pointés et définis par les participants eux-mêmes et que sans l’initiation de la réparation par l’un d’entre eux il n’y a pas de « problèmes » descriptibles comme tel dans l’interaction. » (Mondada 2000, p. 4). D’autres études ont emprunté la notion de réparation et ont mené des analyses en appliquant la démarche analytique de l’AC. Il s’agit par exemple des recherches en conversation exolingue qui s’attachent à décrire les séquences susceptibles de favoriser l’acquisition (cf. la présentation de ces travaux dans ce chapitre, point 2.6). Selon Mondada, « …ces séquences permettent d’identifier et de traiter un problème de communication, en suivant une certaine trajectoire interactionnelle : elles jouent donc un rôle fondamental dans l’accomplissement de la compréhension mutuelle en situation interculturelle et dans la mise à disposition d’objets de savoir pour l’apprenant. » (Ibid.).
Dans notre travail, nous reprendrons la notion de réparation afin de décrire les procédés (dans le sens de méthodes) mis en oeuvre par les interlocuteurs pour traiter les éléments linguistiques perturbateurs et pour se comprendre au cours de la conversation. Nous ferons également la distinction, proposée par Jefferson (1983) entre les réparations qui sont incorporées (embedded) et exposées (exposed). Dans le premier cas, le cours de l’activité n’est pas interrompu, la réparation passant presque inaperçue ; dans le second cas, l’activité en cours est suspendue pour laisser la place à l’activité corrective, celle-ci pouvant s’étendre sur plusieurs tours de parole.
L’approche interactionniste de l’acquisition de la langue
Dans cette section, nous aborderons dans un premier temps, les théories et les notions qui se trouvent à la base des travaux interactionnistes dans le domaine de l’acquisition des langues et sur lesquelles s’appuie la présente étude. Dans un second temps, nous présenterons quelques études portant sur les aspects acquisitionnistes dans la recherche anglophone et la recherche francophone.
La théorie socio-constructiviste du développement (Vygotsky, Bruner)
Les chercheurs interactionnistes dans le domaine de l’acquisition de langues s’appuient principalement sur les théories socio-cognitives du développement élaborées par Vygotski (1935 / 1985) et Bruner (1983). Selon Vygotski, les interactions sociales et culturelles sont centrales dans le processus d’apprentissage et de développement cognitif. Pour lui la vraie direction du développement de la pensée ne va pas de l’individuel au social, mais du social à l’individuel. Il développe le concept de Zone Proximale de Développement (ZPD), définie comme l’écart entre le niveau de développement actuel de l’apprenant déterminé par la résolution autonome d’un problème et son niveau potentiel de développement déterminé par la résolution d’un problème lorsqu’il est aidé par un expert (Vygotski, 1985). Ainsi Vygotsky considère que chaque fonction supérieure apparaît deux fois au cours de l’apprentissage: tout d’abord dans une activité collective soutenue par des partenaires plus compétents et dans un deuxième temps, lors d’une activité individuelle, elle devient alors une propriété intériorisée.
Après Vygotski, Bruner développe les notions d’ « interaction de tutelle » et d’ « étayage » dans l’acquisition du langage par l’enfant13. L’interaction de tutelle « comprend une sorte de processus d’étayage qui rend l’enfant ou le novice capable de résoudre un problème, de mener à bien une tâche ou d’atteindre un but qui auraient été, sans cette assistance, au-delà de ses possibilités » (Bruner 1983, p. 263). Les processus d’étayage s’inscrivent dans ce que Bruner appelle le « système de support à l’acquisition du langage » (Language Acquisition Support System, LASS) :[Le] LASS (Language Acquisition Support System) regroupe les « formats », « script », « routines » et autres cadres communicationnels étroits, ritualisés, qui permettent à l’enfant de s’exercer à développer ses facultés sémiotiques et dans lesquels l’adulte facilite, par le jeu ou d’autres activités, l’accès à la signification en contexte, la décontextualisation puis la généralisation à d’autres contextes. » (Arditty, 2005, p. 15)
Les concepts théoriques et les outils développés par ces deux chercheurs ont été largement repris par les chercheurs dans le domaine de l’acquisition des langues étrangères (De Pietro, Matthey, Py, 1989 ; Dausendschön-Gay et Krafft, 1993 ; Dausendschön-Gay, Krafft, 1994 ; Matthey, 1996)14 (cf. ce chapitre, point 2.6.2).
Bien qu’il s’intéresse principalement à la relation « mère-enfant », Bruner étudie d’une manière plus générale la relation de tutelle entre un apprenant et un expert.
Pour une présentation de l’apport des concepts de Vygotsky à une théorie de l’acquisition des langues secondes, cf. Matthey, 1996 ; Pekarek Doehler, 2000 ; Dausendschön-Gay, Krafft, 1994
L’interaction constitutive du processus d’acquisition
Au cœur de l’approche interactionniste de l’acquisition se trouve le postulat du rôle constitutif de l’interaction sociale pour l’apprentissage des langues:
L’approche interactionniste […] se fonde sur l’idée que l’interaction sociale est constitutive des processus cognitifs, voire constructive des savoirs et des savoir-faire langagiers et de l’identité même de l’apprenant. L’interaction est comprise non pas comme un simple cadre qui fournirait des données langagières et permettrait de déclencher ou d’accélérer certains processus développementaux ; elle est un facteur structurant le processus même de ce développement. » (Pekarek Doehler, 2000).
Dans cette perspective, l’objet de l’acquisition est radicalement redéfini : l’acquisition « ne peut être réduite à l’apprentissage ni d’un système ni de règles communicatives, mais apparaît comme la capacité même de participer à une pratique sociale. » (Pekarek-Doehler, 2000). L’auteur propose d’identifier trois postulats de base qui se trouvent au centre de l’approche interactionniste :
le rôle constitutif de l’interaction pour le développement langagier ;
la sensibilité contextuelle des compétences langagières ;
la nature située et réciproque de l’activité discursive (et cognitive).
L’auteur fait remarquer qu’aucun des trois points ne constitue en soi l’originalité de la perspective interactionniste15. C’est la réunion de « ces trois postulats dans une démarche
interprétative et analytique rigoureuse qui cherche à comprendre le fonctionnement socio- interactionnel (et même socio-cognitif) lié à différents processus, conditions et occasions d’apprentissage » que constitue l’originalité de cette approche (Pekarek Doehler, 2000).
Arditty et Vasseur (1999) présentent les objectifs de la recherche interactionniste de la manière suivante :
Le but des interactionniste est de rendre compte de la manière dont les individus concrets entrent en contact dans des situations concrètes et interagissent pour atteindre des objectifs concrets – convergents ou divergents – notamment, mais pas uniquement, à travers le langage […] pour un interactionniste s’intéresser à « Aucun de ces points ne constitue en soi l’originalité de la perspective interactionniste sur l’acquisition. Le premier, relevant essentiellement de l’héritage vygotskien, est mis en avant à la fois à l’intérieur d’une approche interactionniste, dans le cadre de l’approche socioculturelle et dans une optique plus centrée sur les processus cognitifs (p. ex. Bialystok, 1993). Le second rappelle les versions variationnistes de l’interlangue. Le dernier, enfin, témoigne des racines de l’approche interactionniste dans la sociologie interprétative (voir la réciprocité des attentes normatives selon Schutz, 1967) et de ses affinités avec l’analyse conversationnelle d’inspiration ethnométhodologique (voir la notion d’accomplissement : Schegloff, 1982). » (Pekarek Doehler, 2000).
Les chercheurs mettent l’accent sur la coordination des activités individuelles dans une situation concrète et comme le souligne Pekarek Doehler (2000), cette coordination est une composante centrale des capacités de communication de l’apprenant16. Pour Bange (1992a), les mécanismes interactionnels constituent les conditions de déclenchement des processus acquisitionnels, dont les résultats constituent l’interlangue17. Selon cet auteur « le travail de recherche dans la perspective interactionniste consiste donc à préciser la relation entre communication et acquisition, la relation entre la phase interactionnelle de la communication et la phase intrapsychique de l’acquisition. » (Bange, 1992a, p. 54).
S’appuyant sur une méthodologie strictement empirique et des données conversationnelles recueillies sur le terrain dans leur contexte d’énonciation et minutieusement retranscrites, les chercheurs interactionnistes se proposent d’identifier et de décrire les processus et les mécanismes socio-interactifs qui cadrent les processus d’apprentissage. Pour Arditty, Décrire l’interaction verbale c’est en effet faire apparaître sa structure et ses enchaînements, montrer la part de chaque participant, en répondant à des questions telles que « qui enchaine sur qui et quoi sur quoi ? qu’est-ce qui provoque telle réaction et que provoque-t-elle en retour ? ». Cela exclut de travailler sur des énoncés isolés, voire sur des simples couples de répliques. » (Arditty, 2005, p. 10).
Les analyses interactionnistes permettent d’identifier des traces « qui non seulement nous renseignent sur l’interprétation que les locuteurs font de leur relation interlocutive, du statut de l’apprenant, des conditions de l’apprentissage, mais qui nous indiquent aussi comment, à travers la multiplicité des pratiques exolingues, se forgent les compétences langagières et les processus de socialisation et de (re)configuration identitaires liés à l’exercice du langage. » (Pekarek Doehler, 2000).
« …postuler en ce sens la coordination même des activités comme une composante centrale des capacités de communication attire notre attention sur l’importance capitale, non pas de ce que l’apprenant est capable de produire seul, mais de ce qu’il arrive à faire avec autrui et, surtout, de ce que la situation lui demande de faire. » (Pekarek Doehler, 2000).
L’interlangue constitue « la langue qui se forme chez un apprenant d’une langue étrangère à mesure qu’il est confronté à des éléments de la langue-cible, sans pour autant qu’elle coïncide totalement avec cette langue. Dans la constitution de l’interlangue entrent la langue maternelle, éventuellement d autres langues étrangères préalablement acquises, et la langue cible. » (Vogel, 1995, p. 20).
Beaucoup de chercheurs interactionnistes qui étudient l’acquisition d’une L2 s’intéressent aux traces de réflexivité présentes dans la communication verbale :
[…] le comportement des sujets parlants porte de nombreuses traces de la perception qu’ils ont eux-mêmes de la complexité de l’activité qu’ils accomplissent […] la communication verbale exige pour être réalisée que le savoir sur lequel elle repose soit ignoré, refoulé hors de la conscience, elle suppose en même temps une constante évaluation de l’adéquation du résultat obtenu à la situation d’interlocution. » (Vasseur et Arditty, 1996, p. 58).
Ces traces de réflexivité peuvent être par exemple des jugements de grammaticalité ou d’acceptabilité du discours, des répétitions, des reformulations, des commentaires explicatifs, des hésitations, des bafouillages, des interruptions d’énoncés, des modifications en cours de route des choix phonologiques, morphosyntaxiques ou lexicaux, etc. (Vasseur et Arditty, 1996). Les auteurs soulignent que ces activités ne sont pas déclenchées uniquement par l’apparition d’un problème d’intercompréhension et ne servent pas seulement à compenser un déficit dans les ressources linguistiques. « Elles sont, en fait, inhérentes à la communication verbale et au nécessaire travail d’ajustement réciproque des interlocuteurs, à différents niveaux, dans le cadre d’échanges dont les enjeux dépassent de loin la stricte intercompréhension d’énoncés isolés plus ou moins réussis. » (Ibid, p.59). Ils notent enfin que la réflexivité est liée au processus d’acquisition :
L’acquisition est difficilement concevable sans un minimum de centration sur les formes à acquérir et sur les opérations permettant leur décodage, leur mise en mémoire, leur intégration à un système et leur production. » (Ibid, p. 60).
Il existe une panoplie de définitions et terminologies pour désigner ces activités réflexives. Beaucoup d’auteurs les appellent activités métalinguistiques si elles portent sur le code et activités métalangagières, si elles portent sur le discours et la communication18. À la suite de Culioli (1968), certains auteurs emploient le concept d’épilinguistique pour les activités métalinguistiques inconscientes (Trévise, 1994). Bouchard et De Nuchèze (1987, p. 57) distinguent cinq types d’activités métalangagières : métalocutoire (portant sur les conditions de réception-production physique du message), métalinguistique (portant sur le code), métadiscursive (portant sur l’organisation du discours), métacommunicative (portant sur l’organisation des unités dialogales de l’événement communicatif) et méta-interactionnelle
Pour les différents emplois des termes métalinguistique, métalangagier, épilinguistique, métadiscursif, réflexif cf. Huot et Schmidt (1996) (portant sur la régulation de l’événement communicatifs dans ses réalisations langagières et non-langagières). Vasseur et Arditty (1996, p. 61) choisissent, pour leur part, le terme plus général réflexif qui « permet de regrouper tous ces mouvements discursifs, toutes ces activités de commentaire et de manipulation, nombreuses dans la communication exolingue, par lesquelles le locuteur prend ses distances par rapport à l’échange, à ce qui s’y passe et aux outils utilisés ». Ces deux auteurs retracent l’évolution de la question des activités réflexives dans la recherche en acquisition des langues étrangères. Deux évidences ressortent des travaux qu’ils évoquent: le caractère collaboratif de l’interaction et la réflexivité qu’elle implique. Si les auteurs semblent être d’accord sur le rôle de ces activités pour l’acquisition, ils soulignent que :
Ces activités réflexives, traces d’activités socio-cognitives à la base de la composition et de l’acquisition, ne renvoient pas au seul travail interactif. Elles reflètent aussi un travail cognitif personnel de l’apprenant que l’étude des interactions nous a fait négliger et qui se conjugue avec le travail conjoint des partenaires. » (Vasseur et Arditty, 1996, p. 67).
Hydrogénation
En chimie industrielle de synthèse organique, il ne fait aucun doute que l’hydrogène est l’agent réducteur le plus propre (en termes de sous-produits de réaction) et que l’hydrogénation est la plus importante méthode catalytique [1, 31]. Le champ de ce type de réaction est très large et beaucoup de groupes fonctionnels peuvent être hydrogénés avec une haute sélectivité ; de très bonnes conversionspeuvent être obtenues dans des conditions relativement douces en phase liquide. De plus, ces réactions étant bien documentées [31-35], les chances sont excellentes de trouver des solutions à une question donnée et le dimensionnement à plus grande échelle ne pose en général pas de problème.
Historiquement le domaine est dominé par les catalyseurs hétérogènes [36]. Aussi allons-nous dans un premier temps revoir les systèmes hétérogènes les plus courants en les distinguant selon les chimiosélectivités attendues,en mettant l’accent sur la réaction qui nous intéresse dans notre projet : l’hydrogénationdes doubles liaisons carbone – carbone.
Depuis quelques dizaines d’années des complexes métalliques solubles sont devenus des outils indispensables en synthèse fine [37, 38]. Nous citerons donc dans un deuxième temps quelques exemples de systèmes homogènes applicablesà la réaction d’hydrogénation sus-citée, avant d’examiner plus en détails l’utilisation des complexes phosphino-platiniques associés au chlorure d’étain(II). C’est en effet ce système que nous cherchons à hétérogénéiser dans cette étude. Après avoir donnéquelques exemples, nous reviendrons sur le mécanisme proposé pour la catalyse d’hydrogénation des doubles liaisons carbone – carbone et sur les paramètres susceptibles d’influencer les performances catalytiques de ces systèmes.
Hydrogénation hétérogène usuelle
Les catalyseurs hétérogènes classiques d’hydrogénation (et les plus fréquemment utilisés) sont les métaux nobles comme le platine, le palladium, le rhodium, le ruthénium, le nickel et le cuivre supportés ainsi que le nickel de Raney[1]. Le métal actif se présente sous la forme de très petites particules dispersées sur un support (du charbon actif le plus couramment ou de la silice) ou d’un matériau squelettique (Ni de Raney) et les surfaces spécifiques sont en général élevées. Pour choisirn catalyseur d’hydrogénation hétérogène, un grand nombre de paramètres entrent en jeu, et il est possible d’en isoler les plus importants :
• La nature du métal : ce sont ceux que nous venons de mentionner. Chacun a son propre profil d’activité et de sélectivité, que nous avonsrassemblé dans le tableau 2.1 ci-après.
• Le type de catalyseur : habituellement les métaux nobles sont supportés ou bien utilisés en poudres fines (noir de Pd, de Pt ou PtO2). Le nickel est sous forme squelettique ou supporté sur silice et le cuivre, supporté sur chromite.
• La teneur en métal : pour les métaux supportés, unevaleur standard est de 5% en masse, mais pour le nickel sur silice, les teneurs varient de 20 à 50%.
• Le type de support : c’est le charbon actif qui est le plus répandu. Les alumines, silices ainsi que CaCO3 et BaSO4 peuvent être utilisés.
Le tableau 2.1 récapitule la nature des métaux et uelques paramètres réactionnels généraux à utiliser pour effectuer l’hydrogénationde groupes fonctionnels organiques catalysée par les métaux sus-cités.
Nous ne détaillerons pas ici tous les autres paramètres à prendre en compte dans les réactions d’hydrogénation, ceux-ci étant déjà biendocumentées [1, 31-35]. Notons simplement que dans le cas d’un procédé industriel,le solvant le plus fréquemment employé est un alcool et que les paramètres affectant les performances du procédé sont la pression d’hydrogène, la température, la concentration en substrat, le rapport substrat sur catalyseur, l’agitation et l’éventuelle nécessité ed prétraiter le catalyseur (réduction).
Table des matières
Introduction
1ère PARTIE : Ancrage théorique et méthodologique
Introduction
Chapitre 1. L’acquisition des langues dans une perspective interactionniste
Chapitre 2. L’interaction et l’apprentissage d’une L2 en contexte didactique
Chapitre 3. L’apprentissage des langues en ligne
Chapitre 4. Présentation des données
Chapitre 5. La démarche méthodologique
2ème PARTIE : Analyse des séquences métalinguistiques
Chapitre 1. Identification des séquences métalinguistiques
Chapitre 2. Les séquences de recherche lexicale
Chapitre 3. Les séquences d’intercompréhension
Chapitre 4. Les séquences de vérification
Chapitre 5. Les séquences de rétroactions correctives
Conclusion
Références bibliographiques
Liste des figures
Liste des tableaux
Index des principaux auteurs
Index des notions