L’acquisition de connaissances a priori sur les changements et les moyens d’observation

Décomposition du processus d’observation

En reprenant les termes employés dans la thèse de Jeansoulin (1982), l’observation d’un paysage peut être vue comme l’accès à une connaissance partielle et imparfaite d’un univers regroupant l’ensemble exhaustif des connaissances de ce paysage. Cet univers est appelé l’univers objectif : Uobjectif. Pour comprendre et décomposer le processus d’observation symbolisé par le passage entre Uobjectif et l’univers des observations que l’on note Uobservation, il convient de considérer un univers intermédiaire : l’univers des observables noté Uobservable. Ce dernier est un univers « fictif » qui est obtenu par la transcription physique d’un phénomène occurrent dans l’univers objectif en termes d’un certain nombre de quantités observables. Le choix de ces grandeurs observables suppose implicitement la connaissance de ce « qui est visible » du phénomène. Cela implique donc une étude conjointe de l’évolution du paysage et des moyens d’observation disponibles. On peut noter que l’opération de transcription physique n’est généralement pas bijective : en effet, plusieurs phénomènes de l’univers objectif peuvent donner lieu à des mêmes quantités observables. En d’autre termes, cette étape permet de rendre compte de la complexité de la transcription physique et, en particulier, du fait que les observations et la formation d’une image correspondent à une opération non inversible sans ambiguïté ou hypothèses supplémentaires. Il est important de bien distinguer Uobservable de l’univers des observations Uobservation. Ce dernier correspond à l’observation de quantités observables par des capteurs fournissant des vecteurs d’observation dont chaque composante est la mesure produite par un capteur donné sur une grandeur observable particulière. Cette distinction « observable / observations » permet ainsi de mettre en évidence l’influence des caractéristiques propres de chaque capteur utilisé sur les mesures issues des observations. Cette décomposition d’un processus d’observation d’un paysage est illustrée à la figure 2-1.

Les caractéristiques d’évolution des observables

L’étude des changements d’un paysage place l’axe temporel en position d’axe principal. La variation temporelle des quantités observables du paysage dépend donc de deux types de variables : la variable de localisation dans l’espace et « la variable d’observabilité » définissant la grandeur observable considérée parmi l’ensemble des grandeurs possibles . Cette variable d’observabilité est différente des variables temporelle et spatiale puisqu’elle n’est pas liée directement au paysage mais sert à définir la façon de l’observer ; elle est donc le lien avec les moyens d’observations utilisables lors des acquisitions. Elle peut correspondre, par exemple, à la plage de longueur d’onde que l’on considère pour la réflectance spectrale du paysage observé ou encore pour distinguer la grandeur observable « réflectance » de la grandeur « rétrodiffusion ». La façon dont évoluent ces quantités observables en fonction de ces deux types de variables sont des informations très importantes caractérisant l’impact de l’évolution d’un paysage sur son évolution observable. L’objet de ce paragraphe est de discuter des caractéristiques de l’évolution observable du paysage. Définir ces caractéristiques est une façon de synthétiser les connaissances que l’on a, a priori, sur l’évolution des quantités observables.

Ces caractéristiques sont à prendre en considération pour mener à bien une application de détection des changements (Townshend et Justice, 1988). En effet, liées au phénomène dynamique à étudier, elles sont à comparer à celles des autres phénomènes influençant les observations (autres évolutions du paysage jugées non utiles, variabilité des conditions d’observation, etc.), ou encore, aux caractéristiques des capteurs utilisés pour les différentes observations. Cette comparaison est essentielle pour évaluer la compatibilité de l’observation des phénomènes dynamiques que l’on désire étudier, et donc de la détectabilité des changements correspondants (Coppin et Bauer, 1996), avec les moyens d’observation disponibles et les différents facteurs de variabilité parasites des observations. 3 Représentation symbolique des évolutions d’un paysage Dans les paragraphes précédents, nous avons proposé une description des moyens d’observation sur l’univers objectif (ensemble exhaustif des connaissances sur le paysage observé et son évolution) ainsi que des définitions permettant de caractériser l’évolution observable du paysage. Le propos de cette section est de compléter ces définitions et de montrer les différentes étapes qui mènent, à partir de l’acquisition des différentes observations temporelles, vers une connaissance partielle de l’évolution du paysage (cf. la figure 2-7).

Ces étapes s’inspirent des travaux sur les images multisources en télédétection de Jeansoulin (1982). De manière plus précise, l’objectif des traitements sur les observations temporelles est de parvenir à une description de l’évolution du paysage. Cette description n’est en fait que l’estimation de seulement certaines caractéristiques de l’évolution très complexe de l’univers objectif. Savoir définir et extraire ces caractéristiques nécessitent de connaître les objectifs de l’étude de l’évolution du paysage, et donc de savoir ce qui est intéressant pour l’étude et ce qui est déductible des observations temporelles. C’est la raison pour laquelle la connaissance sur les changements et la spécification de l’étude de l’évolution du paysage occupent une place centrale pour le schéma de la figure 2-7 et servent de contexte à tous les traitements nécessaires entre l’acquisition des observations (ou mesures) et la description partielle de l’évolution du paysage. Ces différentes étapes s’enchaînent ainsi :

• l’étape d’observations : elle permet l’acquisition des mesures de sources différentes (multitemporelle, multisource, multirésolution, …). Les observations effectuées découlent d’un choix, suivant la spécification de l’étude souhaitée et la connaissance sur les évolutions du paysage, parmi les différents moyens d’observations possibles. Dans le cas d’une approche dite « image », l’acquisition des mesures est suivie d’une étape de reconstruction qui vise à générer, à partir des différentes images, une séquence d’images multidates et multisources. La reconstruction peut être, dans certain cas, très simple lorsqu’une mesure est directement affectée à un pixel comme la formation d’une image par un capteur « push-broom » ou très complexe comme la formation d’une image radar à synthèse d’ouverture (image de type ROS).

• l’étape de modélisation/traitement : compte tenu de l’extrême complexité (en termes de configurations possibles) et de la contingence des mesures à des variations parasites dues aux conditions d’observation, l’interprétation directe par des moyens algorithmiques de la chronique de vecteurs de mesures n’est que très rarement effectuée pour comprendre l’évolution du paysage. On procède alors à une série de traitements et de modélisations qui visent d’abord à rendre les mesures les plus indépendantes possibles des moyens et des conditions d’observations (normalisation ou alignement des mesures) puis à diminuer la quantité d’informations à traiter en les rendant plus synthétiques et plus appropriées au phénomène que l’on désire étudier (description et extraction). En sortie de cette étape, la chronique de vecteurs de mesures est transformée en chronique de vecteurs d’attributs plus propices à décrire l’évolution du phénomène dynamique. Comme exemples pour les traitements, on peut citer l’action de mise en correspondance géométrique comme moyen de réorganiser les mesures suivant un même référentiel géométrique ou encore les corrections radiométriques qui visent à rendre les mesures les plus indépendantes possibles des conditions atmosphériques. Les classifications multispectrales (différenciation spectrale), les procédés d’extraction de formes comme la segmentation (géométrie), l’interprétation d’images (expertise humaine) ou encore l’obtention de modèles de croissance des végétaux à partir de luminances intégrées sur différentes bandes spectrales sont des exemples de modélisations qui permettent de transformer les mesures en attribut. Il est à noter que la modélisation peut, dans certain cas, être une fonction identité lorsque les attributs souhaités concernent simplement des mesures radiométriques.

LIRE AUSSI :  Applications du dictionnaire électronique des séquences nominales figées et de leurs formes fléchies

• l’étape d’analyse des attributs : par l’application de lois physiques, de connaissances a priori ou encore d’analyses sémantiques, cette étape a pour but de faire la synthèse des chroniques d’attributs afin de proposer une description partielle, dite symbolique, de l’évolution du paysage répondant aux spécifications de l’étude. Considérons l’exemple suivant : à l’issue de l’étape de modélisation/traitement, où une classification et un modèle ont relié l’indice foliaire à des mesures de luminances dans les domaines spectraux du visible et du proche infrarouge (Grégoire et al., 1993), la chronique d’attributs correspond à une série temporelle d’indices foliaires (LAI pour Leaf Area Index) associés aux différents types de végétations reconnues et référencées géométriquement. Une possibilité d’analyse des attributs est d’utiliser ces valeurs de LAI pour chaque type de végétation dans des modèles spécifiques de croissance de végétation et de faire un suivi des modèles de croissance de végétation dans le temps. En d’autres termes, l’univers objectif est alors partiellement décrit en termes de modèles paramétriques de croissance de végétation dont certains paramètres sont renseignés à partir des observations temporelles.

Table des matières

Chapitre 1 – Introduction 1
1 Le cadre
2 Les objectifs
3 Organisation du document
4 La situation de la thèse
Chapitre 2 – Quelques définitions sur les changements 7
1 Les évolutions d’un paysage
1.1 Décomposition du processus d’observation
1.2 Quelques exemples d’illustration
1.3 Les différents niveaux d’évolution d’un paysage observé
2 Les caractéristiques d’évolution des observables
2.1 Les caractéristiques spatio-temporelles
2.2 Les caractéristiques d’observabilité
3 Représentation symbolique des évolutions d’un paysage
Chapitre 3 – Proposition d’une méthodologie pour la détection de changement 25
1 Introduction
2 Proposition d’une méthodologie
2.1 L’acquisition de connaissances a priori sur les changements et les moyens d’observation
2.2 L’alignement des données
2.2.1 L’alignement géométrique
2.2.2 L’alignement radiométrique
2.3 L’extraction d’informations pertinentes vis-à-vis des changements à détecter
2.3.1 Les objectifs de cette extraction d’information
2.3.2 Exemples d’extraction d’attribut
2.4 La création des écarts à un modèle
2.4.1 L’objectif : réduire la redondance temporelle
2.4.2 Une approche englobant la dimension temporelle et l’espace des attributs
2.4.3 Une approche par régression linéaire séparant la dimension temporelle de l’espace des attributs
2.5 La prise de décision et la synthèse des résultats
Chapitre 4 – Caractérisation des moyens d’observation
1 Description dynamique de la prise de mesure
2 Influence des moyens d’observation sur la détection de changement
2.1 Introduction
2.2 Le pouvoir de résolution spatiale
2.2.1 Deux caractéristiques clés : le pas d’échantillonnage et la FTM
2.2.2 Relation entre pouvoir de résolution et détection de changement
2.2.3 Impact d’une différence de pouvoir de résolution sur la détection de changement
2.3 La superposabilité géométrique des images
2.3.1 Différentes sources et type d’erreurs de localisation
2.3.2 Etude de l’impact des erreurs de superposabilité
2.4 Les caractéristiques radiométriques
2.5 Les caractéristiques temporelles
2.6 Contraintes techniques sur les caractéristiques des moyens d’observation
3 La capacité des moyens d’observation pour la détection de changement
4 Conclusion
Chapitre 5 – L’alignement géométrique des données
1 Introduction
2 Estimation de la fonction de disparité : la méthode de Djamdji utilisant l’analyse multirésolution
2.1 Description de la méthode proposée par Djamdji (1993)
2.2 Un besoin d’améliorations
3 Les modifications apportées à l’algorithme
3.1 Le choix de l’analyse multirésolution
3.2 La sélection des points caractéristiques
3.3 Le processus d’appariement sub-pixellaire
3.4 Le tri des couples de points homologues
3.5 L’estimation de la fonction de disparité
3.6 Les possibilités de contrôle sur l’estimation de la fonction de disparité
3.7 Schéma récapitulatif
4 Proposition d’un protocole général de validation
4.1 Le principe
4.2 Synthèse des résultats de l’application du protocole de validation
4.3 Validation du tri des couples de points homologues
5 Conclusion
6 Quelques résultats pratiques
6.1 Cas d’une différence du pas d’échantillonnage entre les images à recaler
6.1.1 Une précision d’appariement limitée par le pas d’échantillonnage le plus grossier
6.1.2 Mise en commun des pas d’échantillonnage des deux images
6.1.3 Génération de la fonction de disparité suivant les échelles d’origine des deux images
6.2 Cas d’une différence importante des géométries des images à recaler
Conclusion
Bibliographie
Annexe A – Méthodes de reconstruction de surface
1 Formulation générale du problème
2 La méthode polynomiale
3 La méthode des plaques minces
3.1 Introduction
3.2 Solution de la minimisation
3.3 Démarche du calcul
3.4 Choix du facteur de régularité 
3.5 Conclusion sur la méthode des plaques minces
4 Les surfaces polynomiales par morceaux
4.1 Introduction
4.2 Un pavage défini par la triangulation de Delaunay
4.3 La méthode linéaire par morceaux
4.3.1 Etape 1 : la recherche du triangle contenant le point Q
4.3.2 Etape 2 : le calcul des coordonnées barycentrique de Q dans le triangle le contenant
4.3.3 Etape 3 : évaluation de Lin[F](Q)
4.3.4 Conclusion sur la méthode linéaire par morceaux
4.4 La méthode de Hsieh-Clough-Tocher
4.4.1 Evaluation des trois polynômes par triangle
4.4.2 Evaluation de T
4.4.3 Conclusion
4.5 Le problème de l’extrapolation (hors de l’enveloppe convexe des points
Annexe B – La qualité des méthodes de rééchantillonnage 149
1 Rappels des principes de l’interpolation et du rééchantillonnage
2 La qualité du rééchantillonnage
2.1 Ajout éventuel d’un biais lors de l’interpolation
2.2 Ecart de S() par rapport au filtre passe-bas parfait
2.3 Erreur sur le champ de rééchantillonnage lors du rééchantillonnage
2.4 Problème de repliement de spectre lors du rééchantillonnage
3 Evaluation de quelques méthodes d’interpolation
3.1 Introduction
3.2 L’interpolation cubique (d’ordre 2
3.2.1 Etude du biais
3.2.2 Etude des écarts de Scub(a)() par rapport au filtre passe-bas parfait
3.2.3 Etude de l’erreur lors de l’application d’une translation sub-pixellaire
3.2.4 Conclusion sur le choix du paramètre a
3.3 L’interpolation de Shannon apodisée
3.3.1 Etude du biais
3.3.2 Etude des écarts de SN
sha() par rapport au filtre passe-bas
3.3.3 Etude de l’erreur lors de l’application d’une translation sub-pixellaire
4 Conclusion
Annexe C – Principe de l’appariement sub-pixellaire
1 La méthode d’appariement sub-pixellaire
1.1 L’objectif
1.2 La méthode d’appariement choisie
1.3 Localisation du maximum dans la matrice de similarité
2 Estimation de la qualité de l’appariement sub-pixellaire
2.1 Hypothèses et notations préalables
2.2 Un biais systématique dû au repliement de spectre lors de l’acquisition
2.3 Une minoration de l’écart type de l’estimateur ~
par la borne de Cramer-Rao………184
2.4 Conclusion sur la qualité de l’estimateur
Annexe D – Communication au symposium Commission II d’ISPRS
1 Introduction
2 Validation protocol applied to an automatic co-registration method based on multiresolution
analysis and local deformation models
Listes des figures et tableaux 201
1 Figures
2 Tableaux

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *