Aujourd’hui et depuis toujours, la santé a une importance capitale dans la vie de tout un chacun. L’intérêt porté à la santé est retrouvé dans presque chaque étape importante de la vie. En effet, au moment de la naissance, le nouveau-né est suivi de près par un médecin et ce, pendant la plus grande partie de sa croissance ; lorsque deux personnes s’engagent l’une envers l’autre, le jour de leur mariage, elles se promettent de s’aimer quoiqu’il arrive dans la maladie et la santé ; l’une des premières questions que les gens posent aux personnes qu’ils rencontrent est « comment vas-tu ? »; et ainsi de suite. Mais au fond, que signifie réellement « être en santé » ? L’Organisation Mondiale de la Santé (1946) définit la santé comme étant un « état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Ce travail de Bachelor s’appuie, d’une part, sur cette définition de la santé qui comprend les aspects physiques, mentaux et sociaux de la personne et, d’autre part, sur les aspects spirituels dont parlent plusieurs théoriciennes, telles que Virginia Henderson, Jean Watson, ou encore Callista Roy. En effet, Jean Watson, auteure du concept en soins infirmiers Human Caring, décrit la santé comme étant une harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit. Elle propose d’utiliser une vision holistique de l’être humain en considérant le patient dans ses dimensions physiques, psychologiques, sociales, culturelles et spirituelles (Pépin, Kérouac, & Ducharme, 2010).
Selon Wattiaux (2006), l’être humain n’est pas « qu’un corps ». Chaque être humain a des ressentis, des pensées, des besoins spirituels et ces besoins ne doivent pas être mis de côté par le corps médical, au profit des besoins somatiques. Les patients veulent être considérés comme étant un tout « corps, âme et esprit » et si les professionnels de la santé ne sont pas toujours à l’aise avec cette prise en charge holistique, cela peut avoir des répercussions sur le vécu du patient et de sa maladie.
Actuellement, les organisations de santé tentent de promouvoir le don d’organes afin de répondre au manque croissant (Office Fédéral de la Santé Publique, 2013). Alors que les familles ou les personnes qui acceptent le don d’organe espèrent souvent sauver une vie par la leur (Tschui, 2003), que se passet-il du côté des receveurs? Accueillent-ils l’organe du donneur avec le même espoir que ce dernier ? Et en réalité, peut-on espérer la guérison complète (corps-âme-esprit) avec une greffe ? En 2014, Swisstransplant.org reporte que 1’316 personnes étaient inscrites sur liste d’attente pour une greffe d’organe, pour seulement 504 transplantées. Parmi ces personnes inscrites, 59 étaient en attente d’un cœur et 60 de poumons. Le nombre de patients sur listes d’attentes ne cesse d’augmenter et, de fait, le temps d’attente pour une transplantation également. En 2014, il a été estimé en moyenne à une année pour une greffe de cœur, et près de deux ans pour une greffe de poumons (Swisstransplant.org, 2014). Malheureusement, il existe un taux de décès des personnes en attente de greffe de respectivement 6,5 % et 6,6 % pour le cœur et les poumons.
Le patient vit des épreuves difficiles, à commencer par les symptômes de sa maladie incurable. Ceux-ci sont un handicap dans les activités de la vie quotidienne comme dans le fonctionnement familial et l’entourage relationnel du patient. Il faut ensuite accepter d’être inscrit sur liste d’attente et d’être soumis aux critères propres au centre de transplantation (Fusar-Poli et al., 2007). Les symptômes, le stress et l’attente de la transplantation engendrent souvent un syndrome de dépression et de l’anxiété (Fusar-poli et al., 2007). En effet, les patients inscrits sur la liste peuvent être appelés à toute heure de la journée et doivent pouvoir se rendre au centre de transplantation dans un temps donné limité qui suit l’appel du centre de coordination (RTS, 2006). Le stress lié aux risques que représente une telle opération (infection, rejet, etc.) remplace le stress pré-transplantation. Avec l’avancée des recherches sur les greffes, le système immunitaire et les médicaments associés au rejet, les médecins atteignent de très bonnes chances de réussite (Novacovici, 2007a).
Dans la réalisation de ce travail de Bachelor, plusieurs concepts centraux sont abordés, raison pour laquelle il paraît essentiel de les définir avant de développer un cadre de référence. Ceci permet d’avoir une base commune sur laquelle se construira la suite du travail. Les concepts sont classés dans un ordre logique ; tout d’abord, il s’agit de définir le concept du deuil de la personne transplantée en regard de son organe malade, après quoi le concept du bien-être sera défini, puis de la spiritualité en lien avec le bien-être et, pour terminer, les concepts des besoins spirituels et des soins spirituels seront abordés.
Le deuil
Lorsque les patients souffrent d’un problème de santé, il est possible qu’ils doivent faire le deuil de plusieurs aspects de leur vie, comme le deuil de leur santé, le deuil du corps qu’ils ont eu et qu’ils auraient pu avoir en vieillissant « normalement ». Ces patients peuvent être amenés à faire le deuil de certaines facultés physiques, d’un équilibre de vie, d’habitudes, et ainsi de suite (Wattiaux, 2006). Selon Triffaux et al. (2002), le patient en attente d’une greffe doit faire face à un « triple deuil ». En effet, le patient doit faire « le deuil de son propre organe, le deuil du donneur et le deuil de celui qu’il a été ». Lorsqu’un patient reçoit une greffe, c’est parce qu’un de ses organes ne fonctionne plus ou mal et cela met en péril son pronostic vital ; le fait de devoir renoncer à cet organe pour en accueillir un autre demande au receveur d’abandonner tout espoir de conserver son intégrité corporelle. Il ne sera plus entier ; il lui manquera une partie de lui qui sera remplacée par un organe intrus. Le deuil se compose de plusieurs phases dont la phase terminale se trouve être l’acceptation. Dans le cas des greffes d’organes, lorsque le receveur atteint cette phase d’acceptation, il arrive alors à la fin de son processus de deuil et pourra peut-être atteindre un état de bien-être qui est le prochain concept principal.
Le bien-être
L’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé de la manière suivante : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (1946). Dans le cas des greffes d’organes, il serait mal à propos de mentionner le terme de santé à proprement parler, car il s’agit de patients ayant un organe gravement malade, devant y renoncer, puis acceptant de vivre avec un nouvel organe. C’est un long processus visant le bien-être complet du patient. Le dictionnaire Larousse (2016) définit le bien-être de la façon suivante : « État agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Il ne s’agit pas seulement d’un état physique, mais également d’un état spirituel de bien-être, par exemple, après qu’un receveur aura dépassé les phases de deuil et devienne favorable à l’acceptation de son nouvel organe. Le bien-être est un concept clé de la problématique liée à l’accompagnement spirituel des patients receveurs d’une transplantation. Toutes les actions infirmières, médicales et psycho-spirituelles visent le bien-être du receveur et, dans ce travail de Bachelor, l’accent est mis sur l’amélioration de l’accompagnement spirituel de ces patients, raison pour laquelle les prochains concepts en lien avec la spiritualité seront largement développés.
La spiritualité
Plusieurs auteurs définissent le concept complexe de spiritualité comme étant une quête de sens, le sens de la vie, le sens de la maladie, etc. et comme étant une affirmation des croyances et des valeurs personnelles de tout un chacun (Botti, 2006; Hermenjat, 2011; Jacquemin, 2006; Lefebvre-Werbrouck, 2006; Rouiller, 2016). Cependant, pour cette étude, il a été nécessaire de préciser la signification de la spiritualité, c’est pourquoi la référence de cette définition sera le livre de la Dre Monod-Zorzi, gériatre au CHUV. Elle a participé à une étude pour comprendre plus précisément la dimension de la spiritualité (Groupe Label CTR, 2004).
Le groupe de travail s’est accordé pour définir la spiritualité : « La spiritualité de la personne hospitalisée est définie par la cohérence singulière qu’elle donne à connaître lorsqu’elle déclare son sens à l’existence, manifeste ses valeurs et désigne sa transcendance. Cette cohérence fonde son identité profonde » (Monod-Zorzi, 2012, p.53). La spiritualité est un système formé de quatre sous-dimensions : le sens, la transcendance, les valeurs et les aspects psychosociaux de l’identité (résumés sous le terme d’identité). Lorsque ce système est équilibré, il contribue au bien-être de la personne (Monod-Zorzi, 2012). La spiritualité est donc l’une des composantes du bien-être, mais aussi de la qualité de vie (Monod-Zorzi, 2012). Afin de bien saisir le concept de la spiritualité, voici l’explication des quatre sous dimensions :
• Le sens est la signification que l’on donne aux choses, aux objets, aux idées, etc. Le sens est ce qui oriente, ce qui donne une raison à l’existence de la personne (Monod-Zorzi, 2012).
• La transcendance est définie comme étant une dépendance existentielle extérieure à la personne elle-même, quelque chose qui la dépasse, qui est supérieur à elle. Pour certaines personnes, cette dépendance à une entité supérieure serait Dieu, pour d’autres, il s’agirait peut-être de croire en la nature ou en l’existence d’un autre être qui les dépasse, etc. (Monod-Zorzi, 2012).
• L’identité se définit au travers de l’aspect social de la personne. C’est-à-dire que les environnements social, soignant, familial et des proches aident à maintenir l’identité unique de la personne (Monod-Zorzi, 2012).
• Les valeurs d’une personne sont définies par ce qui a de l’importance dans la vie de celle-ci, ce qui est bon ou mauvais, ce qu’elle considère comme juste ou faux, etc. Lorsque la personne connaît ses valeurs personnelles, elle peut alors se construire sur cette stabilité et s’en servir comme d’un repère dans des situations de vie plus difficiles (Monod-Zorzi, 2012).
La spiritualité présente plusieurs fonctions :
La première est la quête de sens et d’authenticité. Il y a une volonté d’être vrai et en harmonie avec soimême et les autres. Si une personne a une spiritualité, cela indique qu’il y a une quête d’authenticité et de sens (Jobin, 2012).
La seconde est la « relationalité ». La personne a la capacité d’entrer en contact avec une entité supérieure (par exemple Dieu), la nature, le cosmos ou d’autres personnes. En d’autres termes, il s’agit d’une ouverture à l’ « autre » (Jobin, 2012). La spiritualité est aussi décrite comme un phénomène universel. Chaque personne aspire à l’authenticité et a les même besoins ; trouver un sens à sa vie, un but et entrer en relation avec les autres. La spiritualité « paraît comme une essence qui transcende les individus et l’humanité » (Jobin, 2012, p.16). La spiritualité est un facteur d’harmonisation pour la personne elle-même, mais aussi avec tout ce qui l’entoure, aussi bien ses proches que plus largement, son environnement social, la nature, Dieu, etc. (Jobin, 2012). Elle se manifeste principalement lorsque la personne traverse une épreuve et en particulier lorsque celle-ci met en danger la vie du patient (Honoré, 2011).
À noter que la religion est définie comme : « une manière de croire structurée en système avec trois caractéristiques principales qui sont l’existence de croyances que la personne affirme, des règles de comportement qui définissent son appartenance et des rites » (Monod-Zorzi, 2012, p.30). Par conséquent, aborder la spiritualité ne signifie pas parler de Dieu ou de quelque autre entité religieuse. Il ne s’agit pas forcément de parler de lieux de cultes, de rituels ou encore de livres sacrés. Toute personne n’est pas religieuse mais toute personne a une spiritualité personnelle (Botti, 2006 ; Monod-Zorzi, 2012). La religion peut être un moyen d’épanouissement spirituel mais elle n’est pas nécessaire pour que ce soit le cas (Jobin, 2012).
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