L’accès au sens en lecture et la production à l’écrit
Ecriture extrascolaire
Nous l’avons dit dans l’introduction de ce chapitre, de nos jours, les collégiens et lycéens maliens ne sont plus en mesure de comprendre ou d’écrire le moindre texte ayant un sens et sont de moins en moins sollicités même pour écrire des lettres ou d’autres besoins en rapport avec l’écrit pour lesquels on pouvait compter sur des jeunes scolaires. Alors se pose la question : les collégiens et lycéens maliens écrivent-ils une fois partis de l’école ? Sur ce point également, nous réitérons une autre interrogation de Lahire (1993 idem.) : « […] à quelles dispositions mentales socialement constituées les différentes pratiques d’écriture sont-elles liées ? » Sur les 60 élèves du collège, 38 écrivent des choses diverses contre 42 sur 60 issus du lycée. Dans les deux ordres d’enseignement, Koulikoro détient le record avec 20 sur 20 élèves au collège et 19 sur 20 au lycée. Au lycée, le nombre d’élèves qui ont des activités d’écriture à Mopti est plus élevé qu’à Bamako soit respectivement 13 contre 10 et se renverse au collège avec 11 à Bamako contre 7 à Mopti. L’abstention de beaucoup d’élèves à l’écriture (18 au lycée et 22 au collège) attire l’attention et mérite qu’une étude y soit consacrée. Aux questions : ‘’Tes parents-t -aident-ils dans tes études ? Comment ?’’, 20 élèves du collège à Koulikoro ont affirmé bénéficier de l’aide des parents à travers l’écriture de textes variés. Cependant, après étude du genre d’écrit que les élèves pratiquent, nous nous sommes rendu compte que sur les 120 testés, 9 élèves du lycée seulement écrivent des poèmes. Alors se pose une autre question : qu’écrivent les collégiens et lycéens maliens ? ~ 112 ~ (a)Des courriers Si l’écriture des lettres se fait de plus en plus rare, il reste encore des zones rurales non couvertes par les réseaux de télécommunication et par conséquent fidèles à la tradition épistolaire. Ainsi 4 lycéens de Bamako écrivent encore des courriers de leurs parents en ville pour ceux résidant en milieu rural. La pratique reste encore à la mode et concerne 25 élèves du collège dont 16 à Koulikoro. (b)Des messages électroniques Bien que d’assez nombreux élèves ne disposent pas d’un ordinateur à la maison, les activités sur Internet ne souffrent d’aucune entrave. Ils sont très nombreux à utiliser Facebook et à écrire des courriels. Un grand nombre d’entre eux échangent à travers des SMS. L’écriture des textes numériques est très répandue : 47 collégiens contre 51 lycéens affirment en avoir une bonne maitrise. Le recours à l’écriture numérique ou électronique s’interprète différemment. D’aucuns trouvent que l’essentiel est de transmettre le sens sans égard pour l’orthographe. Ainsi nous relevons des exemples d’écrits télégraphiques : – Mer6 pour merci – Klas pour classe – K7 pour cassette La région de Koulikoro est la seule où nous avons recensé des élèves qui écrivent des courriers électroniques : 15 au collège et 14 au lycée. ~ 113 ~ (c) Des chansons Les collégiens sont les plus nombreux à écrire des chansons (3 à Bamako et à Mopti, 2 à Koulikoro). Au lycée, seulement 2 élèves de Mopti pratiquent cette activité.
Compétences à l’Ecrit
La phase de recueil de données sur la représentation qu’ont les élèves de leurs compétences en lecture et à l’écrit s’est réalisée en deux temps : dans un premier temps, nous demandons aux élèves d’estimer leur capacité dans la maitrise tant de la lecture que de la production écrite. Nous ne pensons pas que ce soit superflu de recueillir leur propre avis sur les problèmes qui menacent leur scolarité car nous imaginons que pour circonscrire un phénomène, il est nécessaire d’avoir une idée précise de ces manifestations auprès des intéressés. Les élèves sont-ils conscients qu’ils sont en difficulté face à l’Ecrit ? Savent-ils réellement ce dont ils sont capables à l’Ecrit ? Dans un deuxième temps, nous avons décrypté, à travers les tests de compréhension en lecture et de production écrite, leurs compétences et insuffisances, les types de difficultés auxquelles ils sont confrontés à l’écrit. Et, l’analyse de ces tests nous permettra de confirmer ou non les affirmations des élèves. Que pensent-ils : – De leur compréhension de l’écrit ? Les données sont établies à partir des réponses fournies par les 60 élèves des trois régions d’enquête. Au collège, 41 élèves affirment être capables de repérer des mots simples dans une phrase ; 33 disent pouvoir déchiffrer des expressions courtes ; 53 disent être capables de repérer le thème d’un texte ; 47 d’identifier l’idée générale d’un texte et 43 disent pouvoir exécuter des opérations en calcul pour faire des achats ou d’autres décomptes. Au lycée, le repérage de mots simples ne semble pas poser de problème à nos apprenants dont 58 ont affirmé avoir cette compétence ; 50 déclarent être capables de repérer des expressions courtes dans un paragraphe. Le plus faible taux a été relevé à Mopti avec 10 élèves qui se déclarent aptes tandis que dans les deux autres régions c’est tous les élèves qui le sont. Plus le niveau d’aptitude s’accroit (du repérage de mots simples, d’expressions courtes, du thème à l’idée générale) plus le taux de réussite affirmée baisse. Ainsi 45 élèves sauraient repérer le thème d’un texte et 32 seraient capables d’en identifier l’idée générale. Ce schéma régressif de la réussite semble traduire la situation réelle de l’aptitude des apprenants et corroborerait l’hypothèse selon laquelle les élèves maliens savent déchiffrer en lecture mais à un certain niveau n’ont pas véritablement accès au sens. Quant à la maitrise des calculs au lycée, les élèves en Lettres confirment leur faible réussite. À la question pourquoi avez-vous choisi de faire des études littéraires, beaucoup d’élèves répondent par « la flemme » de faire des mathématiques. On comprend quelque peu pourquoi les 21 élèves n’ont pas une bonne maitrise des calculs. Les 39 autres qui se débrouillent en calcul utilisent les calculatrices pour effectuer des petites opérations telles que les multiplications, les divisions. Chaque fois que différents sujets sont proposés aux élèves de Lettres au lycée70, presque tous se ruent sur la dissertation au détriment de la contraction de texte puisque dans le second exercice cité ils ont de petits calculs à faire dont la flemme les hante. (Exemple de consigne en contraction : « Réduit ce texte au ¼ de sa longueur avec une marge de plus ou moins 10%). 70 Nous faisons allusion à notre expérience d’enseignement au lycée. Que pensent-ils de leur capacité à s’exprimer au moyen de l’écrit ? Les élèves de nos classes enquêtées au collège doivent passer à la fin de l’année l’examen d’entrée dans l’enseignement secondaire général ou technique. Ceux du lycée doivent passer le baccalauréat et continuer les études dans les universités. Ils doivent, par conséquent disposer d’une bonne maitrise de l’écrit pour réussir les épreuves. Au lycée, le pourcentage d’élèves disposant d’un capital lexical est moyen, 30 élèves répondent disposer d’un vocabulaire indispensable pour leur expression écrite et 28 se disent capables d’exprimer leurs besoins au moyen de l’écrit. Ils sont 31 élèves à savoir écrire des textes variés et 34 affirment être capables de défendre leur point de vue. Tandis qu’au collège, 27 élèves seulement affirment disposer d’un vocabulaire nécessaire pour écrire des mots courants71 . Paradoxalement, 27 élèves seulement savent à peine écrire des mots courants mais 45 se disent capables d’exprimer leurs besoins personnels et 36 élèves sont aptes à écrire des textes variés ; 19 se disent capables de défendre leur point de vue c’est-à-dire d’apporter des arguments nécessaires pour mener une discussion à l’écrit.
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