L’accès au monde du travail
Accéder au marché du travail demande un niveau minimal de qualification, que l’emploi exige l’obtention d’un diplôme particulier ou non. Il y a plusieurs décennies, les jeunes pouvaient quitter l’école sans avoir acquis une formation spécifique et se trouver facilement un emploi (Bujold, 2003) alors qu’aujourd’hui, il est reconnu que le niveau de scolarité est directement lié à l’employabilité des jeunes (lnchauspé, 2003, cité par Rousseau, 2003). D’ailleurs, plusieurs études révèlent que les jeunes les moins scolarisés sont les plus vulnérables aux problèmes d’insertion professionnelle (Ayotte, 1996; Chagnon, 2000; Charest, 1997a; Charest, 1997b; Dupont et Tardif, 1994; Gauthier et al., 2004; MELS, 2007b; Saint-Pierre, 2001; Thériault, 1999; Trottier, 2000; Trottier et Gauthier, 2007; Vultur, 2007). Bien que des travaux sur l’insertion professionnelle des jeunes sous scolarisés montrent l’existence d’un marché de l’emploi pour une main d’œuvre non qualifiée (Dupont et Bourassa, 1994; Gauthier et al., 2004; Vultur, 2003), il ressort des statistiques du MELS que le nombre d’emplois accessibles pour ces personnes_ sans diplôme a chuté de 34,8% entre 1990 et 2004 (MELS, 2005, cité par Deschenaux, 2007). En 2002 par exemple, le taux d’emploi des jeunes québécois de 15 à 24 ans se situait à 57,2% (Vultur, 2003), ce qui admet un taux de chômage important pour cette population peu importe le niveau de scolarité atteint. Dans un monde du travail marqué par une instabilité économique, ce taux d’emploi risque de chuter et ce sont les jeunes les moins scolarisés qui risquent le plus d’en payer le prix.
Devant une économie de plus en plus axée sur le développement du savoir, les emplois requièrent davantage d’années de scolarité (Fortier, 2005; Mauduit-Cordon, 1999), ce qui tend à faire diminuer le nombre d’emplois disponibles n’exigeant pas ou peu de qualifications (Gauthier et al., 2004; Vultur, 2006). Ce faisant, il peut être malaisé pour certains de se tailler une place dans le monde de l’emploi et d’acquérir de l’expérience, et ce, particulièrement sans qualifications reconnues, le diplôme recevant une fonction d’attestation des compétences et des connaissances reconnues par le système scolaire et la société (Guichard et Huteau, 2007). Pour Bujold (2003) et Fortier (2005), le diplôme d’études secondaires (D.E.S.) représente même l’exigence minimale pour réussir à conquérir le marché du travail. Le diplôme constitue en fait une condition facilitant l’accès au monde du travail s’il est combiné à des stratégies de recherche d’emploi et à une capacité d’adaptation en emploi ; seul, il ne garantit pas un emploi (Gingras, 2006). Enfin, il faut préciser qu’il existe une relation directe entre le niveau de scolarisation atteint et la capacité d’insertion sur le marché du travail dans des emplois stables et reliés à la formation (Saint-Pierre, 2001), ce qui suggère que le nombre d’années d’études améliore l’employabilité des jeunes. Des données du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2004) attestent même qu’une diminution des taux de chômage ainsi qu’une– hausse des taux d’emploi soient liées au niveau de scolarité qui s’élève et à l’obtention d’un diplôme.
L’influence de l’âge
Il convient par ailleurs de reconnaître l’influence de l’âge dans la capacité de se maintenir en emploi devant les fluctuations de l’économie, car ce sont les personnes les plus récemment entrées sur le marché du travail qui sont les premières à être touchées par leurs conséquences en raison de leur manque d’expériences. Les jeunes sont en effet les individus les plus durement touchés par la précarisation de l’emploi et par les périodes de difficultés économiques (Gingras, 2006). En ce sens, les premières années qui suivent la fin des études représentent une période charnière dans l’insertion sur le marché du travail: les 15 à 19 ans ayant des taux de chômage beaucoup plus élevés que les 20 à 24 ans (Bourdon et Vultur, 2007; Saint Pierre, 2001). Toutefois, la situation sur le marché du travail s’améliore avec l’âge quoique la réalité des jeunes moins scolarisés ne progresse pas autant que les jeunes dans l’ensemble (MELS, 2007b); le nombre d’années d’études ayant un lien avec l’insertion professionnelle des jeunes.
Il est alors juste de croire que l’âge d’une personne est intimement associé à l’expérience et à la connaissance du monde du travail. Plus elle est jeune, moins elle accumule d’années d’expérience sur le marché du travail et plus elle doit user de ses qualités personnelles et générales pour se faire valoir, dans la mesure où elle reconnaît les attitudes et comportements favorables à l’accès au marché de l’emploi. Dans cettêperspective, certaines qualités liées à l’employabilité sont plus importantes pour les adolescents que pour les adultes expérimentés, notamment celles liées aux habiletés sociales (Zimmer-Gembeck et Mortimer, 2006). En situation économique difficile, les caractéristiques individuelles exercent souvent même un effet important sur la capacité à demeurer en emploi (Fournier, 1996), d’où la nécessité de posséder certaines qualités liées à l’ employabilité.
Dans cette optique, les possibilités d’ emplois étudiants constituent une activité professionnelle riche de sens pour la préparation à la vie de travailleurs. Grâce à ces emplois pendant leurs études, les jeunes ont la chance d’identifier et de développer des comportements recherchés qui vont leur permettre de s’adapter au monde qui s’ouvre à eux à leur sortie de l’école. Ces expériences sont d’autant plus l’occasion pour eux d’identifier des secteurs d’emplois qu’ils préfèrent, de développer leur identité professionnelle et de réaliser l’importance de la formation (Cohen-Scali, 2006; ZimmerGembeck et Mortimer, 2006) et de certaines qualités liées au contexte du travail.
La situation des jeunes non diplômés
En dépit des retombées bénéfiques de l’expérience acquise, le travail pendant la scolarité peut aussi entraver la poursuite des études et dans certains cas, nuire à la diplomation. Les jeunes qui n’ont qu’un faible intérêt pour l’école ont vraisemblablement tendance à s’investir davantage dans le travail (Zimmer Gembeck et Mortimer, 2006). N’ayant qu’une faible motivation à continuer leurs études, certains élèves peuvent être tentés d’arrêter leur scolarisation devant l’opportunité d’obtenir un emploi, une stratégie qui peut se révéler néfaste devant les fluctuations de l’économie qui affectent surtout les Jeunes.
Or, les jeunes qui quittent le système scolaire sans diplôme et, dans la majorité des cas sans réelle préparation au marché du travail (Charest, 1 997b ), entretiennent des buts irréalistes par rapport au niveau de scolarité atteint en ce qui concerne les fonctions de travail visées (Chagnon, 2000; Dupont et Bourassa, 1994; Horth, 2003; Sadao et Walker, 2002). Il appert en ce sens que certains jeunes, particulièrement ceux en difficulté d’adaptation et d’apprentissage, ont une faible maturité vocationnelle, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas prêts à faire des choix appropriés par rapport à leur avenir professionnel (Chagnon, 2000; Dupont et Tardif, 1994).
Dans les faits, la maturité vocationnelle se construit autour de quatre composantes: elle implique en premier lieu des choix cohérents, soit concordants entre eux, et des choix pertinents, c’est-à-dire réalistes eu égard des capacités et des intérêts de la personne. En outre, la maturité réfère à une connaissance de soi et à une connaissance des métiers et du fonctionnement du marché du travail. Elle concerne en conséquence les attitudes de l’individu (Guichard et Huteau, 2007). Étant donné que les jeunes n’ont souvent que peu d’expérience de travail, il arrive qu’ils ne connaissent pas leurs aptitudes et leurs intérêts professionnels et qu’ils aient de la difficulté à se projeter en tant que travailleurs dans un domaine d’emploi correspondant à leur personnalité, à leurs habiletés et à leurs compétences (Ayotte, 1996; Ganz, 2000; Thériault, 1999). Il importe à cet effet de signaler que le réalisme des jeunes quant à leurs aspirations professionnelles et à leurs_ attitudes face à l’emploi augmente avec l’âge de ces derniers (Hartung, Porfeli et Vondracek, 2005), ce qui atteste les effets de la maturation physiologique et psychologique.
Par ailleurs, certains jeunes ne semblent pas entretenir une compréhension exacte de ce qui les caractérise et de leurs réelles capacités (Ganz, 2000; Gerber, 2005d; Sadao et Walker, 2002) en plus de valoriser beaucoup plus l’expérience et le savoir-faire acquis dans le monde concret du travail que le diplôme non obtenu (Charbonneau, 2007; Fortin et Picard, 1999; Yultur, s.d.). Certes, pour certains individus, il est possible de relativiser le rôle du diplôme dans l’insertion professionnelle dans la mesure où le réseau social, les caractéristiques individuelles et l’expériènce de travail acquise durant les études ou les premières années de vie active viennent influencer la rapidité du processus (Bourdon et Vultur, 2007; Gerber, 2005a; Vultur, 2007). Il faut reconnaître aussi que le diplôme est une condition nécessaire mais non suffisante à l’accès au marché du travail, particulièrement dans le cas d’emplois peu spécialisés (Bourdon et Vultur, 2007; Gauthier et al., 2004; Laflamme, 1996). Toutefois, il importe de se rappeler que près de 15,9% des jeunes non diplômés sont inactifs sur le marché du travail et que 22% d’entre eux sont en recherche d’emploi (Charest, 1997b), ce qui laisse présumer que ceux-ci n’ont pas développé de bonnes stratégies pour s’insérer professionnellement.
Qui plus est, il apparaît que les jeunes, particulièrement ceux en difficulté d’adaptation et d’apprentissage, manifestent une employabilité déficiente. Certaines habiletés, attitudes et connaissances liées au contexte du travail paraissent à ce propos lacunaires chez une -: proportion importante de jeunes telles les capacités à maîtriser ses émotions (stress, peur, colère, mauvaise humeur), à accepter la critique, à accepter qu’une personne leur montre comment faire le travail, à travailler avec les autres, à respecter les exigences de quantité et de qualité des tâches à effectuer, à être ponctuel et assidu, à apprendre de nouvelles tâches, à s’habiller convenablement, à demander de l’aide, à garder son espace de travail propre, à respecter les normes de santé et de sécurité et à faire preuve d’une bonne hygiène (Dupont et Bourassa, 1994). Les élèves en difficulté présenteraient de plus un manque d ‘habiletés sociales (Bradette, 1998; Dupont et Tardif, 1994; Thériault, 1999), notamment en ce qui se rapporte à l’acceptation de l’autorité et à l’aide aux pairs en plus de présenter parfois d’importantes lacunes en lecture et en résolution de problèmes (Dupont et Tardif, 1994). Finalement, ces jeunes seraient très peu autonomes et disciplinés et ils auraient un faible sens des responsabilités (Baby et al., 1995; ZimmerGembeck et Mortimer, 2006). Pourtant, ces diverses habiletés et capacités déficientes chez une proportion de jeunes constituent des critères d’employabilité valorisés par les employeurs dans leur recherche de candidats pour des emplois de divers types. Il appert donc essentiel que l’école fournisse l’occasion aux élèves d’être conscientisés au rôle de ces attitudes et comportements et qu’elle leur permette de les développer pendant leur scolarisation. À l’heure actuelle cependant, aucune étude n’autorise à penser que les divers cheminements scolaires contribuent à l’évolution des représentations des élèves à l’égard de l’importance de l’employabilité pour obtenir un emploi.
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