L’acceptation des dispositifs d’aide-mémoire externe
Le calendrier, plus qu’un aide-mémoire externe ? Afin d’identifier les différentes fonctions utiles d’un aide-mémoire externe, tel que le calendrier électronique, une revue de la littérature a été conduite. Trois bases de données (PubMed, Taylor and Francis online et Research Gate) et deux banques de données universitaires ont été interrogées au mois d’août 2015. Pour ces consultations, trois catégories de mots clés ont été croisées (Annexe A, doc. A1). La première catégorie décline le mot clé « électronique » en référence à la technologie, la seconde catégorie décline le mot clé « aidemémoire », et enfin, la dernière catégorie décline le mot clé « personnes âgées ». l’acceptation des dispositifs d’aide-mémoire externe Chapitre 1. De l’acceptation des dispositifs d’aide-mémoire externe : Construction de l’objet de recherche 13 Les travaux rattachés à la gérontologie et aux technologies ont été ciblés prioritairement. Néanmoins, les références relatives à d’autres populations (travailleurs, familles) ou à des dispositifs d’AME analogiques (calendrier papier, par exemple) n’ont pas été exclus. Cette ouverture se justifie par le fait qu’il existe peu de travaux sur la conception ou l’usage des technologies d’aide-mémoire, notamment lorsqu’ils sont menés auprès de personnes âgées faisant l’expérience d’un vieillissement normal. L’ouverture des critères de sélection a donc permis de ne pas restreindre la revue aux documents relatifs à la médecine gériatrique et aux troubles pathologiques de la mémoire. Ce choix s’est trouvé conforté par l’article de Schils et Van Der Linden (1991) qui met en évidence une contradiction entre, d’une part, des travaux scientifiques datant des années 1970-1980 montrant que l’usage d’aide-mémoire varie selon l’âge, et d’autre part, des travaux plus récents qui n’indiquent aucune différence significative selon l’âge. Dix-sept références ont été retenues (présentation synthétique dans le tableau 2). Quatre types de travaux sont représentés : des revues de littérature ou de pratiques professionnelles gérontologiques, des recherches prospectives qui visent à imaginer un nouveau concept d’aidemémoire ou à formuler des préconisations de conception, des projets de conception qui développent techniquement un dispositif d’aide-mémoire, et enfin, des études d’usage d’un dispositif qui se déroulent en laboratoire ou en condition écologique au domicile des participants. Dans ces travaux, plusieurs catégories d’informations ont été relevées systématiquement : la référence complète de l’article aux normes APA, le type d’aide-mémoire et la population (données sociobiographiques, terrain…), le constat de départ et/ou la littérature afférente, les objectifs et questions de recherche, le devis de recherche (qualitatif, quantitatif ou mixte) avec les principales méthodes mises en œuvre, et enfin, les résultats de recherche. Une analyse de contenu des résultats a ensuite été réalisée dans le but d’identifier l’utilité qu’un AME, tel qu’un calendrier électronique, représente dans la vie quotidienne d’une personne aînée. Finalement, cette revue de la littérature exploratoire permet de repérer que les dispositifs d’aidemémoire, de type calendrier, ne présentent pas uniquement une fonction de soutien cognitif. Plusieurs fonctions utiles individuellement (2.) et/ou collectivement (3.) ont été identifiées (tableau 1). Il ressort également de cette analyse que ces fonctions ne sont que « potentielles », c’est-à-dire qu’elles ne se réalisent pas nécessairement. Pour que les AME trouvent une portée utile réelle, l’acceptation du dispositif par les utilisateurs semble être une condition essentielle (4.).
Fonctions utiles individuelles d’un AME
Un AME, tel que le calendrier électronique, se révèle utile sur le plan individuel pour la gestion du temps et pour soutenir la mémoire de l’utilisateur. Mais il se révèle également être un support biographique et émotionnel.
Planifier et se rappeler ses activités
Giusti et al. (2010) identifient quatre catégories de pratiques liées à l’usage d’un artefact d’organisation temporelle par des personnes âgées. Parmi ces catégories, les pratiques de planification et de rappel sont conduites individuellement. Leur niveau d’importance pour les utilisateurs est variable, mais il semble tout de même que les aînés se préoccupent fortement de l’organisation et du rappel des activités ponctuelles.
Des niveaux de criticité variables
Les informations concernant l’emploi du temps régulier des aînés seraient particulièrement bien encodées dans leur mémoire. Cela permettrait aux aînés de limiter d’éventuels conflits d’horaires entre deux activités sans avoir besoin de recourir à un AME. En effet, cette population souhaite subir de moins en moins la contrainte organisationnelle d’une tâche de planification. Ainsi, l’utilisation d’un outil de planification individuelle est essentiellement réservée à l’inscription d’activités non routinières, comme le coiffeur ou la visite d’amis, généralement peu fréquentes [5]. Contrairement à la planification d’activités habituelles, le rappel d’évènements non routiniers constitue une tâche critique notamment parce qu’elle sous-tend trois sous-tâches interdépendantes : « recording, maintaining and recalling » [5]. Pour ces tâches critiques, le support papier reste privilégié et porte principalement les informations de la date, de l’heure et du lieu de l’événement ; il n’est d’ailleurs pas exclu que les supports papiers soient multipliés en combinant par exemple un agenda et des notes aimantées sur le réfrigérateur. Parfois ce papier est écrit par une personne de référence comme le médecin ou le coiffeur, ce qui se révèle rassurant pour la personne aînée [10].
L’AME soutient plusieurs stratégies de rappel
Plusieurs stratégies de rappel à partir d’Aide-Mémoire Externe (AME) seraient déployées par les aînés [5;10]. Ces stratégies peuvent être regroupées sous quatre catégories : la visibilité périphérique, l’interférence avec les routines quotidiennes, la génération de routines de rappel, et, la préservation des traces. La visibilité périphérique, correspond au fait de placer les AME dans un lieu entrant fréquemment dans le champ de vision. Cette stratégie peut être statique, dans ce cas l’AME est placé sur une surface visible. Elle peut aussi être dynamique. L’AME est alors déplacé progressivement dans l’espace pour être de plus en plus visible jusqu’au moment d’effectuer la tâche (ex : déplacer un panier vers la porte d’entrée pour se rappeler d’une commission à effectuer). L’interférence avec les routines quotidiennes consiste à faire en sorte que l’AME soit placé à un endroit ou émette un rappel sonore de façon à perturber une routine habituelle. Une telle perturbation attire l’attention de la personne aînée sur l’objet du rappel. Chapitre 1. De l’acceptation des dispositifs d’aide-mémoire externe : Construction de l’objet de recherche 17 D’autres personnes génèrent des routines de rappel. Par exemple, une dame réunit toutes ses notes dans le tiroir de sa table de nuit et les consulte chaque soir pour se remémorer ce qu’elle a à faire le lendemain [5]. Enfin, la préservation des traces, est le fait de conserver tout document, note, ou autre support sur lequel une information liée à la tâche ou l’évènement à rappeler est notée. Cette préservation a cours même lorsque l’information a été reportée sur un support comme un agenda ou un calendrier électronique.
Tous les indices de rappel n’ont pas la même pertinence
Les dispositifs d’aide-mémoire externe, électroniques ou non, proposent un ensemble d’indices utiles au rappel d’évènements [9]. Cependant, le fait de fournir des indices pour rappeler une activité ou un événement ne signifie pas nécessairement que la personne effectue les tâches associées à l’objet du rappel. Ce constat justifie l’intérêt de certains chercheurs pour les technologies ubiquitaires et connectées qui, grâce à des capteurs, pourraient recueillir et interpréter les comportements des utilisateurs à la suite d’un rappel voire même personnaliser les indices de rappel [2 ; 17]. Le développement de solutions technologiques multimodales pourrait également être un plus [2]. Les aînés âgés de 66 à 75 ans ayant participé à l’étude de Boll et al. (2010, p.122) privilégieraient des rappels sous une modalité sonore dont le contenu explicite (texte énoncé). La combinaison d’indices sonores et d’un texte explicite retient la préférence des participants de l’étude de Mc Donald et al. (2011). Le son couplé à une information explicite (visuelle ou vocale) semblent donc former une combinaison de modalités de rappel pertinente pour les aînés.