La zone de transition dunitique dans un environnement magmatique de type
calco-alcalin appauvri
Etude de la zone de transition dunitique dans des massifs de Bahla et de Fizh (ophiolite d’Oman) Les massifs de Bahla et de Fizh sont localisés au nord-ouest et au centre-sud de l’ophiolite d’Oman respectivement (Figure 5.8). Ces zones sont considérées comme ayant été alimentées par deux types de magmatisme, MORB et calco-alcalin appauvri, contrastant avec le magmatisme de type MORB dominant observé dans le SE de l’ophiolite et notamment pour le massif de Sumail (e.g. Abily, 2011; Arai et Kadoshima, 2006; Pearce et al., 1984; Python et Ceuleneer, 2003). L’étude de la zone de transition dunitique dans ces deux massifs est basée sur un volume d’échantillons beaucoup plus restreint que pour le massif de Sumail et a pour principal objectif de mettre en évidence d’éventuels analogies et/ou contrastes entre ces massifs et d’en tirer des conclusions concernant les processus de genèse et de structuration de la DTZ.
La zone de transition dunitique dans le massif de Bahla
Introduction – Contexte géologique du massif de Bahla Le massif de Bahla est localisé au centre-sud de l’ophiolite d’Oman, non loin du front de la nappe ophiolitique (Figure 5.8). Ce massif s’étend sur environ 45 km de long selon une direction NW-SE, et sur environ 20 km de large en SW-NE. Ce massif est principalement composé de péridotites mantelliques. La zone de transition dunitique, les cumulats mafiques et ultramafiques et la section crustale profonde (cumulats gabbroïques lités) n’affleurent que sur une faible superficie au centre et au SE du massif (Figure 7.1). De rares affleurements du complexe filonien et des laves extrusives émergent des dépôts de piedmont au SW du massif. Les données structurales acquises dans le massif de Bahla ont permis de déterminer une orientation NW-SE de la dorsale pour cette zone (Nicolas et al., 2000a). Les dikes de diabase formant la base du complexe filonien présentent notamment une direction moyenne N120 et sont subverticaux (60 – 70°) (Abily, 2011). Les filons recoupant la section mantellique sont de nature gabbronoritique dans la majeure partie du massif, tandis que des filons de pyroxénite apparaissent également au NE (Python, 2002; Python et Ceuleneer, 2003). L’étude de la section crustale profonde a révélé l’importance des lithologies à orthopyroxène cumulus à post-cumulus précoce, représentant environ 20 % des cumulats crustaux (Abily, 2011). L’hétérogénéité des compositions chimiques des minéraux constituant la section crustale est fortement corrélée au pourcentage modal de ces phases. Les magmas parents à l’origine de ces cumulats sont hybrides entre un pôle boninitique et un pôle tholéiitique, avec une forte contribution du pôle boninitique (Abily, 2011).Figure 7.1 : Carte géologique du massif de Bahla modifiée d’après les cartes au 1/100000ème de Béchennec et al. (1986) et de Beurrier et al. (1986). L’encadré correspond à la figure 7.2. Le contact entre section mantellique et section crustale est presque systématiquement faillé, un passage progressif avec une zone de transition dunitique bien développée n’existant dans ce massif qu’en quelques sites spécifiques. Bénédicte Abily (2011) décrit deux accidents régionaux majeurs, l’un au nord de la zone principale où affleurent la DTZ et la section crustale, l’autre au sud de cette zone (Figure 7.2). La faille au nord est un accident régional d’orientation N110-130, enraciné dans la zone de transition et mettant en contact harzburgites-dunites et cumulats lités. Au NE, le cœur de la zone de faille, épais d’au moins 80 m, correspond à une zone de mélange faite de blocs déformés de harzburgites, de dunites et de cumulats lités. La faille nord, à proximité du contact, est également responsable de la forte déformation des harzburgites et dunites qui présentent une schistosité mylonitique bien marquée. Les cumulats lités ont été fortement redressé avec un pendage subvertical des litages (80 – 90°) et s’aplatissent en s’éloignant du contact vers le sud (60 – 65°). Au contact, les gabbros ont également été fortement déformés avec l’alternance de lits de « flaser » gabbros, montrant un fort allongement des minéraux, et de lits cumulatifs, présentant une forte schistosité mylonitique. L’évolution du pendage des litages à l’échelle régional ainsi que les indices de déformation macro- et microstructuraux montrent un jeu normal le long de cette faille, avec le glissement vers le sud des cumulats lités par rapport à la section mantellique au nord. La déformation plastique enregistrée dans cette zone implique de très hautes températures, souvent au-delà des conditions du faciès amphibolite La zone de transition dunitique dans les massifs de Fizh et Bahla 327 (> 800 °C) lors du fonctionnement de cet accident. Au NW, il se prolonge sur environ 12 km parallèlement à son azimut. Les péridotites affectées présentent une schistosité, des rubanements subverticaux et une texture porphyroclastique à mylonitique d’orientation très régulière (Abily, 2011). La faille au sud est une zone de cisaillement importante, orientée N130-140 et affleurant sur une distance de 5 km. Cette zone, affectant la zone de transition manteau-croûte sur environ 500 m d’épaisseur, est responsable d’une déformation plastique à haute température (> 600 °C) avec la formation de mylonites et ultramylonites dans les péridotites (harzburgites-dunites) ainsi que dans les cumulats gabbroïques. Les indices structuraux ont mis en évidence un jeu décrochant globalement dextre le long de cet accident régional, tandis que la foliation/schistosité est de pendage variable, la linéation d’étirement étant beaucoup mieux marquée que le plan d’aplatissement. A l’ouest, à la jonction entre la faille nord et la faille sud, la coexistence de « flaser » gabbros et de mylonites le long de la faille sud suggère une sub-contemporanéité des deux accidents. Au niveau de l’intersection, les péridotites mylonitiques de la faille sud sont intensément injectées de plagiogranites (tonalites et trondhjémites) (Figure 7.2) présentant une forte déformation plastique au contact avec les péridotites, qui s’estompe vers le cœur des plus grosses intrusions (plutons pouvant atteindre un diamètre de plusieurs centaines de mètres), témoignant de l’injection des liquides granitiques lors du fonctionnement de la faille (Abily, 2011). D’autres failles de plus basse température ont moins intensément affecté la DTZ, qui apparaît subhorizontale dans le paysage, contrastant avec les péridotites fortement déformées et aux structures subverticales le long des deux failles majeures nord et sud. Cependant, le redressement des litages des cumulats lités sus-jacents suggère un mouvement relativement important. Ces accidents subhorizontaux sont des failles de décollement tardives. Les failles d’importance régionale, visiblement syn-magmatiques et syn-accrétion, ont été comparées aux grandes failles océaniques à l’origine des OCC (oceanic core complex, cf. paragraphe 2.1.2) de par leurs caractéristiques pétrologiques et structurales similaires (Abily, 2011).