La Walt Disney Company à la conquête du monde

L’année 2012 aura été marquée par un évènement médiatique et virtuel important. En l’espace de seulement quelques mois, le vidéo clip d’une chanson, intitulée le Gangnam Style (du nom d’un quartier de Séoul) aura été vu plus de 10 milliards de fois sur le plus grand site de partage de vidéos Youtube. Son auteur, le sud-coréen Psy, très connu dans son pays, beaucoup moins en dehors, a su faire parler de lui et de sa chanson grâce à deux choses. Dans son clip, le chanteur exécutait ce que l’on a qualifié de « danse du cheval » ou « danse du cow-boy », car il s’imaginait monté sur un bête en faisant du rodéo, agitant un lasso. En plus de cette danse aujourd’hui mondialement connue, le chanteur s’exprimait en anglais pour une seule expression: « hey sexy lady ». Le clip de cette chanson, sa propagation et sa diffusion mondiale témoignent de plusieurs choses. Tout d’abord, il met en lumière le phénomène de mondialisation des contenus et des formats culturels de toute sorte à travers les pays de la planète, ainsi que des phénomènes de raccourcissement des distances et d’effacement des frontières physiques et virtuelles. Mais d’autre part, cette chanson et cette danse semblent montrer la naissance d’une culture mondialisée où chaque contenu culturel est empreint d’éléments de culture américaine.

Le terme de culture, au sens large, celui de l’ethnologie, se rapporte à l’ensemble intégré de normes, de représentations et de comportements acquis par l’homme en tant que membre d’une société. La culture est également un facteur d’identification au sein d’un groupe et de différenciation à l’égard des autres groupes. Cet ensemble est transmis par des traditions sans cesse reformulées en fonction du contexte historique. Cette définition met en avant plusieurs éléments. La culture est tout d’abord faite de normes et de représentations, c’est-à-dire d’images, de valeurs qui définissent un groupe d’hommes. De plus, cette culture marque l’identité de ce même groupe d’hommes : elle représente son histoire et ses valeurs. C’est pourquoi chaque groupe humain, qu’il soit nation, état, société ou simple regroupement, possède une culture, qui se peut se définir également à travers un sens plus étroit, celui de la sociologie. Ainsi, la culture se rapporte plus précisément aux créations artistiques et symboliques, aux patrimoines et aux biens culturels.

Depuis tout temps, les sociétés et groupes d’individus sont entrés en contact de diverses manières : échanges marchands, explorations ou colonisations par exemple. Ces phases anciennes de contact entre les Hommes a provoqué ce que l’on appelle aujourd’hui la mondialisation de la culture, mais qui n’est pas un processus récent et propre au monde moderne. En effet, à l’heure actuelle, les phénomènes et contenus culturels n’échappent pas à la mondialisation, même si les relations entre mondialisation et cultures sont des relations très récentes et qui sont étudiées depuis peu, à travers l’anthropologie culturelle et la sociologie de la culture. Cette mondialisation de la culture a pris une réelle importance à partir des années 80 et des grandes libéralisations : libéralisation des échanges de biens et de services, libéralisation des flux, libéralisation et déréglementation sectorielle (de la télécommunication et de l’audiovisuel). Ainsi, grâce aux médias et aux moyens de communication toujours plus nombreux, il est plus facile de diffuser et de propager un contenu ou un bien culturel.

Aujourd’hui, la mondialisation culturelle présente un phénomène assez récent : la production culturelle, c’est-à-dire la production de biens et de contenus culturels, est contrôlée par un nombre restreint d’entreprises multinationales. Il s’agit de fait de ce que l’on nommera ici les entreprises culturelles mondialisées : diffusant des biens culturels au monde entier sous des formes diverses, ces entreprises tendent à mondialiser, à normaliser les cultures en une culture monde. Au delà de cette dimension culturelle, il apparaît que ces entreprises tendent à servir un pouvoir, un gouvernement en quête de pouvoir et d’alliés. Dans un article des Dossiers de la Mondialisation, il est dit que « le plus souvent, la culture est moins l’agent que l’otage de rapports de forces, économiques ou politiques, qui l’investissent et l’instrumentalisent » . Au delà d’une dimension que chaque entreprise culturelle mondialisée semble viser à travers des bénéfices et profits et des exportations mondiales toujours plus importantes, il apparait ici que la culture est utilisée par des individus et des institutions en quête de pouvoir. Ce sont les institutions telles que les gouvernements qui sont en quête de pouvoir : voulant se créer des alliés ou se forger une image positive à travers le monde, ces institutions utilisent depuis peu leurs propres entreprises culturelles et les contenus que celles-ci diffusent. Ce sont alors les grands pôles politiques, économiques et culturels qui sont à l’œuvre ici. Diffuser un contenu ou un bien culturel à travers le monde nécessite un pouvoir politique de décision important, un pouvoir de marché fort et mondial mais aussi un modèle et une culture universalisatrice à exporter. Les Etats-Unis apparaissent comme étant le meilleur exemple, le meilleur cas à étudier dans ce travail. Forte de ces entreprises culturelles, de son pouvoir politique et de son pouvoir de marché et du modèle culturel qu’elle diffuse (ce que l’on appelle l’American Way of Life), cette nation américaine se pose comme l’un des acteurs principaux de la mondialisation culturelle.

Ainsi, ce travail met en lumière des liens très étroits entre plusieurs entités, plusieurs concepts. A la mondialisation culturelle, se greffe le concept d’entreprise culturelle. Ces entreprises culturelles diffusent des biens et des contenus culturels que l’on fait naître de la culture de masse et du domaine de l’entertainment. Dans ce domaine du divertissement, de l’exportation de la culture et de la puissance économique et politique, il est un pays qui joue un rôle majeur : les Etats-Unis. Grâce à la diffusion d’un modèle de vie, l’American Way of life, et à la propagation de biens culturels (films, musique, livres), les Etats-Unis utilisent leur pouvoir doux, ce soft power, théorisé par le géopoliticien Joseph Nye en 1990. Par l’attraction et la séduction grâce à une culture universalisatrice, une nation peut influencer d’autres acteurs à agir comme elle le veut, ou du moins, à s’en faire des alliés. Cette capacité d’attraction et de séduction est alors possible pour un pays grâce à ses entreprise culturelles mondialisées, grâce à un fort partenariat entre le domaine public (l’état) et le domaine privé (les entreprises).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIE. Mondialisation, soft power et posture personnelle
I- Mondialisation et globalisation : l’heure de la culture mondialisée
II- Problématisation : culture mondialisée et notion de soft power
III- Méthodologie : attraits personnels et terrains d’étude
CHAPITRE 2 : L’ENTREPRISE DISNEY ET LE SOFT POWER. Faits, définitions et cadre conceptuel
I- Le fait Disney : éléments empiriques d’une entreprise culturelle mondialisée
II- Le soft power : concept géopolitique et géoculturel
III- Le soft power américain : un cas particulier, objet de ce travail
CHAPITRE 3 : LES ENTREPRISES CULTURELLES GLOBALES. L’empire mondial Disney et ses parcs à thèmes
I- Des stratégies publicitaires complexes et précises pour promouvoir chaque parc Disney
II- Des plans d’actions marketing précis applicables dans chaque parc à thèmes Disney
III- Une stratégie marketing encore plus efficace : la « target segmentation »
CHAPITRE 4 : LA DIMENSION GEO-POLITICO-CULTURELLE DE LA WALT DISNEY COMPANY Un atout culturel et politique pour les Etats-Unis ?
I- Les parcs à thèmes créés par Disney : une territorialisation des Etats-Unis ?
II- La visibilité de la marque Disney : permettre la propagation d’une image positive des Etats-Unis
III- L’état américain et les entreprises culturelles : se servir de la culture comme arme politique
CONCLUSION

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