La violence dans l’écriture et l’écriture de la violence

La violence dans l’écriture et l’écriture de la violence

Les quatre romans étudiés s’interrogent sur la place occupée par les personnages féminins dans la société romanesque. Ils découvrent des rapports homme/femme fondés selon un « modèle » unique de dominant/dominé, et marqués par une violence morale, physique et sexuelle. L’écriture romanesque exprime cette violence infligée et subie par les personnages féminins. Dans l’œuvre de Maïssa Bey, elle se manifeste plus particulièrement dans la révolte des personnages, une révolte entretenue par la colère, la rage et la souffrance. Pour se construire, Malika et Amina doivent renier leur passé tout en entretenant leur rébellion. Les personnages de Lucía Etxebarría, quant à eux, se caractérisent par le rejet, l’insatisfaction de leur vie ainsi que leur auto- destruction. La révolte est moins puissante que le désir de se laisser aller, d’abandonner. La colère chez Virginie Despentes réside dans le mal-être de ses personnages qui ne s’aiment pas et se détruisent. La violence de l’écriture se fonde également dans des rôles de femmes qui sont fixés, tel le rôle de la femme ignorante mais belle, soumise à la fois aux désirs et à la colère de l’homme. Celui-ci est incarné par le personnage de Claudine puis celui de Pauline. Enfin, chez les trois écrivains, l’écriture révèle d’une part une brutalité des personnages masculins et d’autre part la colère des personnages féminins, la solitude et le rejet qu’ils subissent ainsi que leur mal-être. Les romans de Maïssa Bey et de Virginie Despentes définissent le personnage du père par sa démesure. Dans Les Jolies Choses, que le narrateur soit Claudine ou Pauline, chaque description évoquant le père se focalise sur sa violence. Tout d’abord celle qu’il exerce contre le personnage de la mère. Le père considère la mère comme une « pauvre chose », une « incapable » dont « chaque geste qu’elle fai[t] [est] reprochable » (p.37). Ses sévices atteignent l’état psychologique de la mère. Il cherche à la briser : « Et sans jamais lever la main sur elle il y allait de toute sa violence, tout son esprit concentré pour la dénigrer. Jusqu’à ce qu’elle verse une larme, il ne la lâchait pas » (p.37). Le personnage de la mère est constamment rabaissé par celui du père, il lui enlève toute volonté, toute confiance jusqu’à la rendre insignifiante :

La présence du personnage de la mère n’est permise que par l’existence du père ; elle ne peut ni penser, ni exprimer une opinion personnelle : « […] l’idée qu’elle puisse penser lui résister lui était intolérable, qu’elle puisse puiser quelque part la force de croire en elle-même, malgré lui. » (p.39) Le personnage de la mère ne doit se reconnaître qu’à travers celui du père. Lorsque celle-ci manifeste sa volonté, la violence psychologique ne suffit plus et le père révèle une disposition à l’agression physique : Image paternelle et violence sont constamment évoquées ensemble, elles forment un tout : « La colère du père était intimement liée à sa présence. On n’avait pas l’un sans l’autre. L’homme sans sa violence. » (p.170) Le personnage masculin est représenté chez Virginie Despentes par sa brutalité et le père en est la figure par excellence. L’homme se caractérise par sa domination sur la femme. Le contrôle de son emprise est alors permis grâce à la violence exercée. La mère n’est pas la seule à subir cette agressivité masculine. Les personnages de Pauline, et de Claudine plus particulièrement, ne peuvent y échapper. Claudine connaît à la fois sa brutalité physique et psychologique. Comme pour le personnage de la mère, Claudine est constamment rabaissée, dénigrée :

Le personnage de Claudine enfant, à l’instar de celui de la mère, cherche à se faire oublier, évite d’attirer le regard du père car dès lors sa colère se déchaîne. Claudine est celle qui reçoit les coups du père, malgré les supplications de la mère : La colère et la violence du père sont considérées comme légitimes, par son statut de dominateur, et il faut éviter de les provoquer car les personnages ne peuvent que les subir. Pauline, d’abord considérée comme la fierté du père, n’échappe pas non plus à sa brutalité. Précieuse pendant l’enfance, à l’adolescence elle en devient la cible. Elle prend ici la place de Claudine et devient la cause de sa colère et connaît son mépris : « « Je me demande si elle fait pas exprès d’être moche, rien que pour m’emmerder » » (p.75). Le père fait donc subir sa violence à tous les personnages féminins, installant ainsi sa position de personnage central, dirigeant la famille. Le roman Cette Fille-là de Maïssa Bey montre deux personnages de père se définissant par leur démesure, mais qui diffèrent du personnage de Virginie Despentes. Tout d’abord à travers l’histoire du personnage de Fatima. En effet, le personnage du père rejette sa fille dès la naissance à cause de son sexe et refuse de la déclarer officiellement, comme un moyen de la nier. Le père, dans sa colère de ne pas avoir de fils, cherche à renier Fatima afin de renier son nouvel « échec ».

 

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