LA VILLE DE KOLDA
LE PROCESSUS D’EDIFICATION DE LA VILLE DE KOLDA
Du petit hameau, fondé par Koli Dado, Kolda a depuis évolué pour atteindre l’envergure d’une ville moyenne de prés de 61000 habitants. Cette évolution s’est faite sur plusieurs années et selon des vagues migratoires qui ont impliqué des populations venues d’horizons divers. L’afflux massif vers Kolda, au-delà l’augmentation du volume de ses citadins, aura des conséquences sur l’accentuation de sa composition démographique voire sur la vie socioculturelle. Il convient cependant de comprendre, si l’on se réfère à la conception de Jean Marc Ela, que la migration ne se résume pas au fait de quitter une localité pour une autre. Elle implique beaucoup de paramètres. Ce qu’il traduit en ces termes : « le départ vers la ville n’est pas seulement un déplacement dans l’espace mais il correspond également à un « déplacement social » 33. Dans la mesure où les migrants en quittant leur milieu d’origine, emportent avec eux leur manière de vivre et leur propre conception des rapports sociaux. Ceci explique l’hétérogénéité sociale ou culturelle du monde urbain. 32Diao, Aly Khoudia, La décentralisation au Sénégal : étude sur les objectifs, les enjeux et les limites de cette réforme. Mémoire de DEA, Sociologie 2002, p.3. 33 Ela Jean Marc, La ville en Afrique noire, Paris , Khartala ,1983, p.30 38 En somme, notre souci sera de retracer les étapes marquantes de l’évolution démographique de la ville, avant d’en venir aux causes qui expliquent cette migration et notamment l’impact de la réforme de 1984.
L’immigration vers Kolda
Plusieurs facteurs vont expliquer, au fil des années, l’immigration en direction de Kolda. Et il faut signaler qu’elle n’est pas la seule cause qui est à l’origine de l’accroissement démographique de cette ville. L’accroissement naturel est un autre élément d’augmentation de la population. Mais, eu égard aux objectifs de cette étude, nous nous limiterons à investiguer l’apport des flux extérieurs.
Evolution de la population de la ville de Kolda
Déjà durant la période coloniale, plus précisément en 1930, Kolda avait une population de prés de 1000 habitants. Depuis, elle va connaître une croissance sans précédent qui s’articule autour de certaines dates charnières : Tableau n°1: Evolution Démographique de Kolda de 1930 à 1987 – Source: Plan Directeur de l’Urbanisme, Mars1989 39 Ces forts taux de croissance ne sont pas dus au hasard. Ils interviennent à des périodes qui, d’une manière ou d’une autre, ont été marquées par des événements ayant poussé un nombre important de personnes à migrer vers la ville de Kolda. En 1961, la ville va connaître l’un des taux de croissance démographique les plus significatifs (7,9%). Ce phénomène pourrait avoir plusieurs origines, dans la mesure où le début des années 1960 coïncide avec : l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, à l’érection de Kolda en commune de plein exercice et à son édification en chef lieu de département. Ainsi, dans le but de renforcer et de faciliter l’administration de ce département, les autorités administratives seront appelées à mobiliser un surplus de fonctionnaires. Ce nouveau statut de la ville a pu exercer une forte attraction sur la population rurale environnante. Malgré une baisse à partir de 1976, la ville continuera à enregistrer une croissance soutenue de 5,3%. Pour ce qui est de ce taux, il peut se justifier avant tout par la position géographique de Kolda qui lui confère une situation carrefour vers des pays frontaliers. De par cette situation, la ville a connu, durant cette période, un afflux massif de populations en provenance de la Guinée Conakry. Ces migrants étaient essentiellement composés de Peul Fouta, à la recherche de travail. Ce mouvement enregistre également des populations en provenance de la Guinée-Bissau. Ces deux populations s’activent dans leur majorité dans le commerce et les emplois domestiques. En plus de cette population guinéenne, Kolda va accueillir, entre la période 1976-1983, un flux de migrants partis des localités de Dabo, Dioulacolon et Médina Yoro Foulah. Ils étaient essentiellement constitués d’agriculteurs ou d’artisans non spécialisés. A partir de 1984, date de la réforme administrative qui consacre Kolda en chef lieu de région, l’immigration en direction de cette ville va prendre une nouvelle tournure marquée par une forte croissance de sa population. Cette dernière est d’autant plus élevée que si nous nous essayons à une étude comparative des taux d’accroissement moyen inter- censitaire entre 1976 et 1988 des différentes capitales régionales du Sénégal, nous constatons que Kolda et Fatick , ville qui a été promue en chef lieu de région à la même date, sont les seules villes à avoir dépassé 5% de taux de croissance, avec respectivement 5,7% et 6,1%. 40 Arrive Ziguinchor qui enregistre le taux le plus significatif parmi les autres capitales régionales avec 4,9%. Mieux, si nous comparons le taux de croissance de la commune de Kolda à celui des autres communes de la région, à savoir Sédhiou et Vélingara, nous remarquons que la croissance de Kolda excède largement celles de ces deux villes qui ne recueillent respectivement que 2,9% et 3,9 %. A l’image de la réforme de 1960 qui consacre l’ érection de Kolda en capitale départementale, celle de 1984 occasionnera en des proportions plus importantes, l’afflux de populations provenant notamment de Dakar, Ziguinchor et des autres régions du Sénégal . Contrairement, aux vagues migratoires précédentes, le récent mouvement était essentiellement composé d’agents de la fonction publique dans le but de pallier les besoins de ce secteur en fonctionnaires mais aussi d’artisans spécialisés (bois, mécanique, transport) et de commerçants. A la lumière de ce constat général, il se dégage de l’analyse des différentes étapes de l’évolution démographique de Kolda que le changement de fonction administrative a été un déterminant fort dans le développement démographique de la ville, notamment lors des réformes de 1960 et de 1984. Ce résultat vient confirmer en partie, l’une des hypothèses que nous avions posées dés le début de notre étude, à savoir l’impact que l’érection de Kolda en capitale régionale a eu dans l’accélération du processus de développement démographique de la ville. Nous ne saurions refermer ce volet sur l’immigration sans en venir aux motifs qui expliquent durant toutes ces années l’afflux massif de migrants vers Kolda. Pendant longtemps, la ville a pu attirer des masses considérables de populations venues chercher du travail et de meilleures conditions de vie. Il faut dire que, les grandes villes africaines, avec leurs entreprises et leurs usines, bref leurs infrastructures, offraient des opportunités dont était dépourvu le monde rural, de plus en plus confronté à la dégradation de son milieu de vie. D’ailleurs, certains auteurs font remarquer que beaucoup plus que l’attractivité de la ville, c’est ce phénomène qui explique le déplacement des populations rurales. En effet, Maïmouna Sy affirme que : »la péjoration des conditions climatiques est donc un facteur de déséquilibre dans l’occupation de l’espace; elle est citée parmi les causes de l’exode rural « 34 . Etant donné qu’a priori Kolda n’exerce pas une fonction industrielle majeure, on peut bien se demander quelles sont les causes réelles de l’immigration des populations vers cette ville? Dans l’évocation de ces causes, notre enquête a révélé des motifs explicatifs. Et nous avons fait appel à des données chiffrées afin de mesurer l’ampleur du phénomène par rapport à chaque cause. Tableau n°2 : Répartition enquêtés selon leur motif d’installation Source : notre propre enquête, août 2004 Parmi les 360 chefs de ménages que nous avons enquêtés, il ressort que 161 (44,72%) d’entre eux ne sont pas nés à Kolda. Ils sont venus dans cette ville pour des motifs bien déterminés qui vont de l’affectation à la recherche de travail en passant par les personnes qui rejoignent un parent et celles qui invoquent d’autres motifs. Une fois de plus, le motif de l’affectation, qui concerne 46,6% des chefs de ménages nés hors de Kolda, un peu plus du 1/5 (20,83%) de l’échantillon total, vient confirmer, si besoin en est, le rôle joué par la fonction administrative dans la croissance démographique de la ville de Kolda. Nous démontrons, ainsi que l’érection de cette dernière en chef lieu de région a favorisé l’afflux massif de fonctionnaires. Concomitamment à ce motif d’installation, nous constatons que la recherche de travail reste une cause non moins importante de l’immigration vers Kolda (28%). Motifs d’installations Fréquences Absolues Pourcentage Affectatio Il est admis, en effet, que la croissance démographique engendre inévitablement une augmentation des besoins qu’il importe de satisfaire. Ce qui se justifie par le nombre assez important d’enquêtés qui viennent des pays limitrophes (Guinée Conakry et Guinée Bissau) pour chercher du travail en plus des artisans et des commerçants provenant des autres régions du Sénégal. En ce qui concerne les personnes qui affirment rejoindre un parent (18,6%), nous remarquons qu’elles appartiennent en grande partie au groupe des femmes chefs de ménage. La plupart d’entre elles, n’exercent aucune activité et sont subordonnées aux déplacements de leur mari. C’est à juste raison qu’elles sont assimilées à des migrants passifs. Par ailleurs, il existe un autre motif largement partagé qui justifie l’exode rural : c’est l’enseignement. Tel est l’avis de René Dumont qui écrit que : « Le système d’enseignement éloigne culturellement l’enfant de son milieu dés l’école primaire, le collège ou le lycée confirme et entretient la rupture entre la ville et le milieu rural » 35. Ainsi, l’école plus qu’un facteur d’immigration, apparaît plus que jamais sous le regard de Dumont comme un facteur d’acculturation de l’élève venu de la campagne. Dés lors, dans une zone comme Kolda où la carte scolaire est pauvre en collèges d’enseignement moyen (CEM) et d’établissements secondaires dans son environnement immédiat, l’école restera toujours un facteur d’accentuation de la « migration scolaire » des jeunes ruraux. L’immigration, outre le fait qu’elle favorise un accroissement de la population, aura un impact considérable dans la répartition des koldois sur l’espace urbain , mais aussi sur la composition de cette même population citadine.
DISTRIBUTION DE LA POPULATION URBAINE PAR QUARTIER
D’après les estimations de la Division de la Prévision et de la Statistique (DPS), la population de Kolda est passée de 33696 habitants en 1988, à 61770 en 2002. Cette population présente des déséquilibres dans sa répartition à travers les différents quartiers de la ville. La disparité de ce peuplement se situe tant au niveau du nombre d’habitants par quartier qu’à celui de la densité de l’occupation. En effet, Sikilo tout en étant le quartier le plus vaste, reste aussi celui le plus peuplé avec 25185 habitants soit 40,7%. Ensuite, viennent les quartiers moyennement peuplés, à savoir Gadapara, Doumassou et Bouna Kane qui représentent respectivement 15,7%, 13,3% et 12,8% de la population totale. Bantagnel avec ses 8.2% est avec Saré Moussa 9,3% le quartier le moins peuplé. Cependant, si nous en venons à la densité par quartier, la tendance est toute autre. Doumassou arrive en tête avec 97 habitants / ha. Il dépasse de loin la densité moyenne de la ville qui est de 47 habitants/ ha. En plus, d’être le quartier le moins peuplé, Bantagnel détient une fois encore la densité la plus faible qui est de 35 habitants/ ha. Les autres densités se répartissent comme suit: Bouna Kane: 60habitants/ha Sikilo:48 habitants / ha Saré Moussa: 46 habitants/ ha Gadapara: 38 habitants / ha36 La faible densité des quartiers tels que Sikilo et Gadapara comparée à celle de Doumassou s’explique par la présence dans ces zones de lotissements non occupés.
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