La ville africaine des formes historiques aux nouvelles tendances de la croissance urbaine
La ville africaine suscite toujours l’intérêt des chercheurs, et des géographes en particulier. La macrocéphalie et ses différentes implications (hypertrophie spatiale, insalubrité, congestion des transports, problèmes d’aménagement, etc.) ont fait émerger de nouvelles questions et alimentent davantage le débat sur l’urbain. Pour l’essentiel, sont concernés le rôle des migrations dans l’approvisionnement démographique des villes, la perte de vitesse des grandes villes comme réservoirs démographiques et surtout l’émergence de nouvelles polarités, essentiellement orchestrées par les villes de second niveau. Aujourd’hui, l’analyse de ces questions aiguise les réflexions et suscite de nouvelles recherches. L’Afrique a une tradition urbaine relativement ancienne. Cependant, l’apparition de la civilisation urbaine a suivi une trajectoire spatio-temporelle relativement différenciée. C’est en Afrique du Nord et bien avant même le début de l’ère romaine que les premières villes du continent sont apparues. Ici, la ville est le produit d’une succession de trois civilisations : greco-égyptienne, romaine et musulmane. Avec ces deux dernières particulièrement, certaines cités d’Afrique du Nord ont connu une urbanisation précoce et commerciales (villes d’origine islamique), les villes issues de ces deux civilisations ont largement contribué à la cristallisation de la culture urbaine dans la région. Cette vieille tradition urbaine constitue l’un des principaux facteurs explicatifs du caractère parfois démesuré de l’urbanisation contemporaine dans les pays de cette partie de l’Afrique comparés à ceux du reste du continent. Deux des principales agglomérations de la zone (Alexandrie et Le Caire) font partie aujourd’hui des plus grandes métropoles mondiales. Pour l’expansion musulmane plus particulièrement, elle a été, sur ce plan, d’autant plus significative, qu’elle s’est étendue aussi à une bonne partie de l’Afrique du Nord-Est donnant naissance à des comptoirs de commerce (Zanzibar, Mogadiscio…) qui, depuis des siècles, constituent les chaînons de base de l’histoire urbaine de cette sous-région.
En Afrique occidentale, les premières civilisations urbaines réellement connues remontent à la période des grands empires4. C’est donc, d’une manière générale, dans l’aire d’expansion de ces empires (Ghana, Mali et Sonraï) ainsi qu’aux franges des contacts avec le monde arabe (Pourtier, 2001) que les premières villes ouest-africaines ont vu le jour. Véritables points d’appui du commerce transsaharien, elles ont largement contribué à l’ancrage de la civilisation urbaine en Afrique en général et en Afrique occidentale en particulier. Suite à leur déclin à partir du XVIIe siècle, l’œuvre de construction urbaine s’est poursuivie avec la création des villes-comptoirs dans le cadre du commerce atlantique d’abord et de villes portuaires dans le cadre de l’économie coloniale ensuite. Essentiellement implantées le long des côtes atlantiques, ces dernières dont la conception obéissait à des logiques purement mercantilistes devaient servir de relais entre la côte atlantique et l’intérieur du continent. Autrement dit, elles devaient faciliter l’acheminement vers la métropole des produits de toutes sortes issus de l’exploitation des ressources du continent. La colonisation a ainsi, de ce point de vue, renversé l’espace des relations d’antan « en consacrant la suprématie des littoraux le long desquels se créent des villes, au point de rupture de charge entre la mer et la terre » (Brunel, 2004). Servant en même temps de point d’appui à la politique territoriale des colonisateurs, les villes coloniales ont acquis avec le temps de véritables fonctions urbaines et constituent aujourd’hui (avec quelques villes secondaires) l’ossature du tissu urbain sous-régional. C’est donc avec la colonisation que la ville, au sens moderne ou plus précisément occidental du terme, a vu le jour en Afrique occidentale. L’urbanisme colonial, par le cadre relativement favorable à l’épanouissement humain et à l’activité économique qu’il a su créer, a été à l’origine d’une première explosion urbaine juste au lendemain des indépendances. Cette période marque l’arrivée des premiers immigrants à la recherche de travail et par conséquent le démarrage d’une nouvelle forme de coopération urbain-rural : l’exode rural. Pour accueillir les nouveaux arrivants, de nouveaux quartiers généralement placés à quelques kilomètres des quartiers dits « européens » ont vu le jour (Pikine dans la banlieue dakaroise). Sur la ville européenne se greffe ainsi progressivement une nouvelle forme urbaine : la ville africaine ou indigène. C’est cette organisation qu’essayent de refléter les modèles graphiques qui suivent (Figure 1). Comme le montrent ces modèles, la ville est faite de compartiments distincts les uns des autres. Ils sont séparés par des zones d’habitatat traditionnel plus ou moins spontané. L’absence de connexions régulières rend difficile les déplacements entre certaines parties de la ville.