La vie quotidienne dans un village dauphinois : l’Albenc (1630-1838)

La vie quotidienne dans un village dauphinois : l’Albenc (1630-1838)

Le reflet de la vie quotidienne

Le travail aux champs est majoritairement dominé par les hommes, en revanche, la maison est elle, le lieu où la femme décide. Nous allons pénétrer dans cet univers, dans lequel les gestes du quotidien : coucher, préparation et prise des repas, et organisation de l’espace, prennent corps. I- Le coucher Le lit, meuble essentiel de la maison Tout comme l’est la cheminée, le lit est un point central dans la maison. Ce meuble symbolise le foyer conjugal : il peut être le lieu où l’individu reprend ses forces mais aussi celui de l’intimité, du retour sur soi487. Cette importance du lit est très ancienne puisqu’elle remonte à l’Empire Romain. On la retrouve également du fait de sa valeur. Il représente en moyenne 15% du patrimoine familial, et selon les couches sociales, ce chiffre peut s’accroître. Le lit peut se matérialiser sous différentes formes, de la simple couchette posée sur le sol au lit somptueux, entouré de rideaux, surmonté d’un ciel, garni d’un ou plusieurs matelas, d’oreillers, de traversins et de couvertures. Philippe Ariès et Georges Duby constatent qu’entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il y a une évolution progressive du couchage, passant de simples planches de bois, appelées « châlits » au lit à colonnes de bois, orné de tapisserie de Bergame, d’un ciel, d’un matelas de laine, d’oreillers de plumes et de diverses couvertes488. Nous pouvons remarquer la présence de « deux vieux châlits » dans la maison albinoise des héritiers « d’honnête » Abel Buisson en 16589 ; preuve d’une évolution lente du couchage dans les campagnes de l’Ancien Régime, et plus spécifiquement dans le village de l’Albenc. Mais cette évolution a néanmoins bien lieu et on recense une grande variété dans la qualité des couches. En effet, on rencontre, en 1804, chez le maçon et tailleur de pierre, Joseph Glenat, un « bout de lit à sangles » 490. Tandis que cinq ans plus tard, on retrouve chez Dame Héloïse, veuve de François Buisson, deux lits munis de roulettes, un autre lit en noyer, deux façon « à la duchesse », c’est-à-dire des lits bas, entourés de quatre colonnes et dotés d’un baldaquin ; et enfin un petit lit à tombeau .  Le ciel de ce type de lit est plus élevé vers la tête que vers les pieds. Ainsi, l’évolution constatée par Philippe Ariès et Georges Duby a bien lieu dans le village étudié. Par ailleurs, Annick Pardailhé-Galabrun explique que le lit est souvent décrit avec soin par les priseurs et peut être le premier meuble inventorié492. C’est par exemple le cas dans la maison de Jacques Lochon, marchand de l’Albenc. Ce dernier possède « un lit à quatre colonnes garni d’un matelas, paillasse, traversin, le tour de cadis vert, la couverture de toile peinte piquée493 . » Ici le lit est placé dans la cuisine et se retrouve entouré d’autres ustensiles servant à la confection des repas ainsi que pour le chauffage. Il est fortement lié à la présence de la cheminée. Cette recherche omniprésente de la chaleur sera développée un peu plus loin. D’autre part, les inventaires après décès nous renseignent sur le type de bois utilisé pour la fabrication des bois de lit. Ceux-ci peuvent être de noyer, de chêne, de hêtre, de sapin, d’aulne, de bois blanc ou verni. A l’Albenc, sur trente-neuf lits inventoriés, on retrouve une très forte majorité de lit en noyer (46%) contre 5% en sapin. En revanche, pour près de 40% des lits inventoriés, il n’y a aucune précision sur le type de bois utilisé 494 . La forte part de noyer peut se comprendre par le fait que la région est grande productrice de noix. Ainsi, on utilise un bois se trouvant à disposition, évitant le coût trop important du transport de matériaux. Il faut noter également que le transport de bois pouvait se faire à l’époque via la rivière de l’Isère. Le port de Saint-Gervais, situé à 5km du village de l’Albenc réceptionnait les différents bois en servant de base pour les livraisons des alentours. Un besoin de chaleur et une recherche de confort et de couleur La chaleur est un point essentiel dans la composition du lit. On cherche à le placer dans la ou les pièces qui sont chauffées, principalement dans la cuisine, pièce où trône la cheminée. Au XVIIIe siècle, à l’Albenc, 50% des maisons inventoriées possèdent un lit dans la cuisine, ce qui montre bien une recherche du point de chaleur incarné par la cheminée495. On garnit le lit par d’épaisses couvertures ainsi que des rideaux, reflet de la chaleur, de l’intimité et de la sexualité496. Nous remarquons que 59% des lits albinois sont  dotés de rideaux, reflétant bien un besoin de chaleur497. Mais de par l’évolution des techniques de chauffage vue précédemment, et la meilleure maîtrise de la chaleur, le lit commence à se vêtir d’une manière plus raffinée et se dote de traversins et de couvertures plus légères498. Au cours de la période, le rideau n’est pas conservé seulement dans un souci de chauffage mais surtout dans un souci constant d’intimité, (point qui sera abordé un peu plus loin). Benoît Garnot constate une évolution du couchage avec la recherche du bien être dans les campagnes entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIIe siècle. On remplace l’enveloppe en toile par du coutil ; et les couvertures de laine s’imposent sur celles en chanvre499. Concernant la garniture des couettes, aucun inventaire à l’Albenc ne recensant la composition de celles-ci, nous ne pouvons pas savoir si la qualité des plumes s’est améliorée au cours de la période moderne dans le village étudié. En revanche, les inventaires après décès dépouillés restent précis sur les tissus et les composants des couchages. En 16, chez les héritiers d’Abel Buisson, nous constatons qu’il n’y a que « deux vieux châlits de peu de valeur sur l’un desquels il y a des montants et l’autre non, garnis de traversin500 ». De plus, nous recensons plus loin « quatre couvertures de bourras mi usées501 ». Ici, les inventaires signalent bien les termes d’usure, signe que les objets et meubles sont transmis entre générations. Revenons aux couchages répertoriés dans cette maison. Nous observons qu’ils sont simplement garnis de traversins, preuve que le confort n’est pas acquis au milieu du XVIIe siècle. Les couvertures en bourras, toiles faites d’étoupes de chanvre, montrent ici que la laine n’a pas encore pris l’ascendant sur le chanvre. Mais progressivement, les conditions semblent s’améliorer à l’Albenc au XVIIIe siècle. Les inventaires dévoilent une grande variété dans les tissus des couchages : bourras, laine, surtout utilisée pour les couvertures et les matelas, toile (rite, piquée et mêlée), cadis et serge ou sergette, pour les rideaux, taffetas et étoupe. S’ajoute l’augmentation du nombre de couvertures, draps, matelas et traversins présents sur les lits, preuve d’une amélioration du confort à l’Albenc au XVIIIe siècle. Le 6 juin 1746, chez Mademoiselle Manaire, nous trouvons des draps de rite, plusieurs lits à la duchesse dont un orné de « trois matelas, une paillasse, un traversin et une mauvaise couverture piquée, et un couvre pied d’indienne, et  une couverture de laine plus que mi usée502 ». L’oreiller est quant à lui introduit au cours du XVIIIe siècle. Il n’apparaît à l’Albenc que dans un seul inventaire, datant de 1809. Ici, le terme « oreiller » est remplacé par celui de « coussin ». Deux garnissent un lit et le troisième est rangé dans un coffre ; ils sont tous de coutil et remplis de plumes503. Cette marque de confort a donc du mal à s’imposer dans les campagnes dauphinoises des XVIIIe et début XIXe siècles. Les couleurs se développent et agrémentent les couchages albinois. La première couleur à se répandre est le vert. Symbole de fécondité et de joie, elle s’installe sur les lits et montre la recherche d’une intimité plus grande504. La laine verte est privilégiée dans les milieux aisés et est recouverte d’une pelisse de peau de mouton. A l’Albenc, la description de couleur apparaît dans quelques inventaires mais n’est pas le maître mot puisque sur soixante-huit éléments de lit inventoriés, on dénombre quarante-six absences de précision de couleur.

Serait-ce une preuve de la domination des couleurs sombres de l’époque, ou un oubli de la part des notaires ?

Quoiqu’il en soit, les vingt-deux éléments restants sont composés de vert, rouge, bleu, couleur feuille morte, jonquille, citron, cannelle brûlée, blanc et gris. Des motifs font progressivement leur apparition. En 1809, chez dame Héloïse, de nombreuses courtepointes (couvertures de lit pour la parade) sont décrites comme étant : « à fleur rouge », « sur fond brun à fleurs rouges » ou « rayée verte505 ». L’arrivée des courtepointes et leur confection en vert affirme ici la recherche d’une intimité plus grande chez les ruraux, les Albinois ne faisant pas exception. Un besoin d’intimité en constante évolution Le lit est symbole de protection contre la froideur des hivers mais il représente également l’espace d’intimité du couple. Dans la salle commune, ce meuble, fortement lié à la sexualité s’oppose à ce lieu, symbolisant la collectivité. Les rideaux jouent donc ici un rôle important pour préserver le couple des potentiels regards. Selon Daniel Roche, le tour du lit composé de rideau devient accessible à tous dans la capitale au cours du XVIII e siècle, mais qu’en est-il à l’Albenc ? Sur un total de quarante-sept lits inventoriés, nous pouvons faire le constat qu’entre le XVIIe siècle et les années 1830, trente lits (soit environ  59%) sont composés d’un tour et de rideaux. Cette valeur n’est pas significative mais est bien réelle. Nous pouvons prendre l’exemple des lits situés dans la maison de feu sieur Didier Buisson. L’inventaire du 25 mai 1721 recense quatre lits dont trois garnis d’un tour et de rideaux, en toile pour le premier, en étoffe de laine couleur citron pour le deuxième, et en triège de couleur verte pour le dernier. Seul le lit de la servante ne comprend pas de rideau507 . L’arrivée de la chambre à coucher et le déplacement du lit dans cet espace entraîne une privatisation et une individualisation de ce meuble, mais aussi un repliement sur la vie conjugale508. Ainsi à l’Albenc au XVIIIe siècle, le lit est présent dans la cuisine dans 50% des maisons inventoriées, en revanche un siècle plus tard, il n’y est plus installé que dans 29% des cas. La chambre prend le relais avec plus de 52% des lits présents dans cette pièce. Nous constatons donc une spécialisation progressive des espaces, ainsi qu’une recherche d’intimité509. Chez Jacques Lochon, un lit est présent dans la cuisine mais d’autres se trouvent dans d’autres pièces. Dans la chambre, située à côté de la cuisine, on retrouve de nouveau un lit à quatre colonnes mais également un « petit lit de camp sans tour, avec sa paillasse, une coite [comprendre couette], et une couverture de laine0 ». Nous pouvons supposer que le propriétaire dormait dans le lit situé dans la cuisine pour bénéficier de la chaleur, et que les autres habitants de la maison utilisaient les lits placés dans la chambre. Le lit de camp pouvait, lui, servir à des domestiques, si domestique il y avait, ou à un enfant. Sur ce point, aucun inventaire après décès ne révèle la présence de lit d’enfant. Cette absence nous révèle peut-être que durant la période moderne, les enfants dormaient fréquemment avec leurs parents et que le village de l’Albenc n’échappait pas à la règle. Au cours de la période, l’individualisation des espaces de la maison se met en place. Celle-ci commence par la couche puis par la chambre, et se fait entre les parents et les enfants. Ceci est sûrement dû à l’influence de la réforme catholique qui exige que parents et enfants dorment séparément. Nous distinguons donc des lits différents dans un premier temps puis une chambre pour les parents et une ou plusieurs autres pour les enfants. Même si l’exemple suivant ne révèle aucun lit d’enfant, il est intéressant dans la spécialisation des pièces, acquise ici, au début du XIXe siècle. Chez la veuve de François Buisson, en 1809, on dénombre sept lits, répartis dans les différentes pièces : un dans une chambre qui prend jour au nord et au midi ; au levant de celle-ci on deux autres. Dans une autre chambre, se trouvant au-dessus de la salle, deux nouveaux lits sont placés ainsi que deux autres dans la chambre suivante2. Aucun lit ne se trouve dans la cuisine, tous étant placés dans des chambres. Une certaine spécialisation des pièces a donc commencé. II- Cuisine et art de table Cuisinons dans la cheminée A la fin du XVIIe siècle, la cuisson des repas se fait exclusivement dans l’âtre de la cheminée. La crémaillère est l’élément indispensable à la cuisine, retrouvée dans 85% de nos inventaires après décès. Elle est souvent à deux branches et comporte des anneaux permettant de soutenir les marmites, pour que celles-ci ne soient pas en contact direct avec le feu. Daniel Roche note que Paris connaît une réorganisation de la cuisine à partir de 17803 : la multiplication des diverses sources de chaleur, réchauds, fours de brique, et des nouveaux moyens de cuisson tels que les grils, broches et lèchefrites, entraîne un recul de la crémaillère. Mais à l’Albenc, cette dernière persiste jusqu’à la fin de notre période. Nous pouvons le constater en 1835, chez feu sieur Jean Fanjat, c’est même le premier objet inventorié4. Ce village du Bas-Dauphiné met donc longtemps à se séparer de cet ustensile et de la cuisine dans la cheminée. Celle-ci se fait le plus souvent assis sur le sol ou sur un tabouret. Le progrès des fourneaux et des réchauds permet le développement d’une cuisine à station debout mais ce phénomène reste rare dans les campagnes et particulièrement à l’Albenc. Un fourneau est mentionné pour la première fois dans la maison de feu Joseph Gontier, située à Bivan, en 1801. On le retrouve dans la cuisine de l’appartement à l’article 26 : « au potager qui est couvert d’une platine en gueuse portant le nom du défunt et la date de 1778, il y a quatre fourneaux aussi en gueuse en bon état5 ». Le fait que ce moyen de cuisson soit en bon état signifie sûrement que son installation est récente. Ainsi, les techniques de cuisson plus modernes sont-elles importées de la capitale vers les campagnes dauphinoises quelques décennies plus tard. Mais ce fait reste très minoritaire, voire exceptionnel, de nombreux foyers continuent à utiliser quotidiennement la crémaillère et  la cuisson à la cheminée. Le confort de la maîtresse de maison n’est pas d’actualité à cette époque. Le réchaud, « sorte de plat creux reposant sur trois pieds et muni d’un manche ou de deux poignées, alimenté en charbon ardent6 », n’est guère plus présent, nous ne le recensons que dans trois inventaires : un en 17465, un autre en 175et le dernier en 18035. Ce qui témoigne d’un changement très lent dans les mœurs et les manières de préparer les repas. Ceci peut être dû à un certain conservatisme des campagnes ou tout simplement à une question d’argent. Le mode de cuisson évoluant lentement, les ustensiles utilisés varient peu entre le XVIIe et le XIXe siècle. La marmite reste très présente à l’Albenc pendant toute la période. Elle apparaît dans plus de 90% des inventaires dépouillés. Chaque foyer possède également entre un et trois chaudrons, le même nombre de marmites et souvent une ou deux poêles à frire. Les casseroles, elles, sont beaucoup plus rares puisqu’elles n’apparaissent que dans 28% de nos inventaires. Nous verrons un peu plus loin que d’autres ustensiles commencent à faire leur apparition à l’Albenc. Selon Annick PardailhéGalabrun, ce n’est pas la diversification des objets présents dans la cuisine qui détermine le niveau social d’un foyer mais plutôt leurs matières520. Le fer, matériau le plus répandu, car moins cher que le cuivre, compose les cuisines modestes521. Tout au long de la période moderne, à l’Albenc, il est retrouvé dans 22 à 27% des ustensiles présents dans les cuisines522. Précisons que nous ignorons leur composition dans près de 30% des cas. Le fer recouvre souvent les anses des marmites et des chaudrons ainsi que les couvercles, grilles, tournebroches et lèchefrites. Les cuivres, jaune et rouge, ce dernier étant le plus cher, revêtent quant à eux principalement les chaudrons, poêlons et passoires. Ce matériau représente environ un quart des objets inventoriés, preuve qu’ils sont implantés dans les campagnes523. D’autres matériaux viennent ensuite compléter les deux incontournables : marmites en gueuse ou en fonte et casseroles en laiton. Des matériaux plus nobles conquièrent peu à peu les tables albinoises, ainsi que de nouveaux objets.  Annexe 28 : Graphiques sur les matières et les matériaux présents dans les cuisines albinoises 523 Ibid. 103 Chez les plus aisés : des ustensiles variés Au cours de notre période, nous remarquons une certaine spécialisation des objets liés à la cuisine tels que les casseroles, les jattes, les sucriers ou les coquetiers. Ces nouveaux ustensiles restent cependant rares dans les foyers albinois. Si nous relevons la présence de casseroles dans huit inventaires, certains objets plus spécifiques demeurent presque inexistants dans le village, retrouvés uniquement dans les foyers les mieux équipés. L’un d’entre eux est celui de feue dame Héloïse, veuve de François Buisson, dont l’inventaire date de 1809 : deux poissonnières, deux tourtières, six cafetières, trois compotiers, une laitière, une brasière, un moutardier et deux salières524, sans compter les ustensiles basiques. Les poissonnières, tourtières et brasières montrent une évolution dans la cuisson des aliments. Le dernier objet est une grosse marmite servant à braiser les pièces de viande. Une évolution des mœurs culinaires a donc lieu pendant la période moderne, mais reste très minoritaire dans le village de l’Albenc. Les épices et condiments font également leur entrée sur les tables, le moutardier cité précédemment en est la preuve. En 1767, nous retrouvons également un moulin à poivre chez feu Jean Mermin525. Le sucre et le sel arrivent eux aussi progressivement. Le sel, utilisé en premier lieu pour la conservation des aliments, apparaît sur la table dans des salières. Nous en retrouvons dans deux inventaires, en 1746526 et en 1809527. Les sucriers sont encore moins présents puisqu’ils n’apparaissent qu’en 1746528. Salières et sucriers sont, dans le cas présent, en argent. Tout comme les épices et les condiments, l’apparition de « cafetières » révèle une évolution au niveau du goût. Le café arrive à la Cour de France dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. D’abord consommé par les plus aisés, cette nouvelle graine se démocratise progressivement et en deux générations, s’étend aux différentes catégories sociales. Le café arrive sur les pentes du Lautaret en 17029 . A l’Albenc, entre 1721 et 1838, seulement quatre foyers sur dix-huit inventoriés en consomment, le premier en 17460. Le fait que cette boisson apparaisse pour la première fois dans le village à cette date ne signifie pas l’absence de consommation antérieure, puisque nous ne disposons pas des inventaires de  chaque maison pour chaque année. En revanche, nous ne retrouvons cet objet que dans les foyers les mieux équipés. Son prix varie aussi énormément, si la cafetière est faite de métal, elle ne coûtera que quelques sols mais son prix peut s’élever jusqu’à deux cents livres si elle est en argent ou en porcelaine1. Dans les quatre foyers en possédant2, elles sont toutes de fer blanc et souvent complétées par d’autres ustensiles. Nous retrouvons, en outre, en 1746, chez Mademoiselle Manaire, un « moulin à café de fer » ainsi qu’un « cabaret servant au café3 ». Ce dernier est un meuble à quatre pieds, servant souvent à présenter des porcelaines pour le thé, ici pour le café. Ces tables sont très estimées au XVIIIe siècle. Si la présence de café reste rare, celle de thé l’est davantage. Dans les inventaires, la présence du thé est avérée grâce aux mentions de « théière », « tasses » et « boites à thé ». A l’Albenc, nous retrouvons du thé seulement en 1746, toujours chez Mademoiselle Manaire4 et en 1809, chez Dame Héloïse5. Cette première détient une théière en fer blanc, deux boites de fer blanc à tenir le thé, ainsi que deux tasses en argent6. Celles-ci, de part leur matière, témoignent d’une demeure appartenant à une personne plutôt aisée. A table : l’évolution vers l’individualité La spécialisation, vue précédemment, va de pair avec une individualisation dans la manière de manger. Elle se remarque, tout d’abord, dans les couverts et la vaisselle, et est due à l’importance de la propreté lorsque l’on mange. Cette idée n’est pas nouvelle, puisqu’elle existe depuis le Moyen-Âge mais se répand progressivement et commence à toucher les différentes couches de la société7. Chaque individu a sa propre assiette, son verre et ses couverts, lui permettant d’éviter l’usage des doigts. Évolution plus complexe dans la réalité, cette individualisation a du mal à se mettre totalement en place à l’Albenc. La cuillère est le couvert le plus présent sur les tables, en grand nombre. Celle-ci peut être en bois8, en étain9 ou chez les plus aisés en argent0. Dans les foyers albinois en  possédant, leur nombre varie entre trois et douze, preuve que chacun peut avoir sa propre cuillère. La soupe étant quotidienne, cet ustensile a pu d’autant plus se répandre et s’individualiser. Viennent ensuite les fourchettes et couteaux, respectivement au nombre de cinquante-sept et de dix-huit dans tous les inventaires dépouillés. Si les premières commencent à toucher davantage de foyers, sept plus exactement, le couteau, lui, reste très minoritaire. Nous en trouvons, par exemple, dix chez feu sieur Didier Buisson, en 1721 : « dix couteaux à manche d’or et d’étain2 ». La matière noble qui les orne témoigne d’un niveau de fortune assez important. Les couverts s’individualisent peu à peu, même si la fourchette et surtout le couteau peinent à apparaître sur la table. L’assiette, elle, est pleinement ancrée dans le paysage albinois, nous la retrouvons dans seize inventaires sur un total de dix-huit, dominant largement l’écuelle. Ces assiettes sont majoritairement faites en faïence, à % ; viennent ensuite les différents types d’étain (commun et fin) à 22%, puis la terre (commune, jaune et de Vérone) pour plus de 18% de celles inventoriées. Ici, les inventaires après décès précisent à 99,7% la matière de cette vaisselle3. Les verres, gobelets, chopines et tasses sont, eux, beaucoup moins présents4. Le service est également quelque peu modifié, des ustensiles spécifiques faisant leur entrée. Ces derniers sont communs et utilisés pour les sauces et les condiments. L’apparition de ces objets témoignent donc de l’arrivée de nouvelles manières de table. Citons les salières, moutardiers, moulins à poivre et sucriers vus précédemment, mais aussi les vinaigrières et les sauciers, présents, par exemple, chez Mademoiselle Manaire .

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Table des matières

Partie I : l’Albenc, un village du Bas-Dauphiné
Chapitre 1 : L’évolution de l’Albenc et de ses hameaux (1705 –
1838)
Chapitre 2 : Biens communaux, église, château, les repères des Albinois
Partie II : Construire et travailler à l’Albenc (XVIIe XIXe
siècle)
Chapitre 3 : Les fondations des maisons albinoises
Chapitre 4 : L’organisation intérieure de l’habitat albinois : une recherche du confort
Chapitre 5 : Agriculture et artisanat, le travail des Albinois à l’intérieur et à l’extérieur de la maison
Partie III : Vivre à l’Albenc : la vie quotidienne du XVIIe
au XIXe siècle
Chapitre 6 : Le reflet de la vie quotidienne
Chapitre 7 : Apparence, culture et religion
Chapitre 8 : Se laver et se vêtir à l’Albenc aux XVIIe
, XVIIIe et XIXe siècle

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