La ventriculographie isotopique dans le bilan
pré-thérapeutique en oncologie
LE CYCLE CARDIAQUE
Il est formé par la succession d’une systole et d’une diastole ventriculaires. . Figure 1 : Le cycle cardiaque N.B : Les chiffres indiquent en mm de mercure les pressions régnant dans les cavités et les flèches les mouvements des parois et des valves.
La systole ventriculaire
La contraction des deux ventricules (figure 1 a) est synchrone. La forte augmentation des pressions intra-ventriculaires (figure 2) pendant la systole favorise l’éjection du sang du ventricule droit (VD) vers l’artère pulmonaire (AP) et du ventricule gauche (VG) vers l’aorte (Ao). Quant au débit cardiaque, il est le produit du volume d’éjection systolique (VES : volume de sang éjecté lors de chaque systole) par la fréquence cardiaque (FC). Les trois principaux facteurs déterminants le débit cardiaque sont : – La précharge : C’est le volume télédiastolique du ventricule gauche. Selon la loi de Franck-Starling : plus la précharge augmente, plus la force de contraction est grande. La précharge dépend de la volémie ainsi que du tonus veineux. – La contractilité myocardique (inotropisme) : c’est la force de contraction « intrinsèque » du myocarde. Elle est indépendante des conditions de charge ; – La post-charge : c’est l’ensemble des forces s’opposant à l’éjection du 5 ventricule en systole. Il s’agit essentiellement de la pression systémique (VG) et de la pression artérielle pulmonaire (VD). Ao : aorte ; OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche. Figure 2 : Le cycle cardiaque : différents temps et évolution des pressions intra cavitaires. Entre la fermeture de la valve mitrale et l’ouverture de la valve aortique, c’est la phase de contraction isovolumique. Entre l’ouverture et la fermeture de la valve aortique, c’est la phase d’éjection. Entre la fermeture de la valve aortique et l’ouverture de la mitrale, c’est la phase de relaxation isovolumique. Entre l’ouverture et la fermeture de la valve mitrale c’est le remplissage ventriculaire. Entre B1 et B2 se trouvent les phases de contraction isovolumique et d’éjection. Entre B2 et B1 se trouve les phases de relaxation isovolumique, de remplissage rapide puis lent et la systole auriculaire.
La diastole ventriculaire
Les pressions intraauriculaires deviennent plus élevées que celles des ventricules. Les valves auriculo-ventriculaires s’ouvrent. Les sigmoïdes 6 aortiques et pulmonaires se ferment. Le sang provenant du retour veineux par les oreillettes peut alors remplir les ventricules, sans que le sang déjà éjecté n’y reflue. La durée de la diastole est normalement plus longue que la systole. Cette durée se raccourcit lorsque la FC s’accélère. La contraction des oreillettes (systole auriculaire) en fin de diastole contribue au remplissage ventriculaire.
La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG)
Définition
La FEVG représente le pourcentage du sang contenu dans le ventricule gauche qui est éjecté à chaque battement. Elle se calcule selon la formule suivante : FEVG = (VTD-VTS) / VTD. Le VTS (volume télé-systolique) est le volume du ventricule à la fin de sa contraction. Le VTD (volume télé-diastolique) est le volume du ventricule à la fin de son remplissage. Reflet de la fonction de contraction du ventricule gauche, la FEVG est d’environ 60% chez l’adulte sain. Elle est généralement considérée comme normale si elle est supérieure à 55%. II.2. Intérêt médical Bilan de cardiopathie La FEVG est l’un des paramètres les plus couramment utilisés dans le suivi des cardiopathies. Cette mesure est un excellent marqueur diagnostique, pronostique et de sévérité de l’insuffisance cardiaque. Une FEVG inférieure à 35% fait partie des principaux critères pour l’implantation d’un défibrillateur automatique [2]. Elle constitue également un important marqueur pronostic après un infarctus du myocarde. 7 Suivi de traitements cardio toxiques La FEVG rentre également dans le bilan pré-thérapeutique et le suivi de certains traitements anticancéreux potentiellement cardiotoxiques, en particulier les anthracyclines ou le Trastuzumab. Elle est un facteur pronostic de cardiotoxicité et permet également de dépister à un stade infra clinique et parfois réversible des cardiopathies induites par ces traitements [3]. II.3. Méthodes de quantification de la FEVG Selon les recommandations internationales en oncologie, la cardiotoxicité se définit par une baisse de la FEVG de 10 points lors de la chimiothérapie (en particulier si la FEVG devient anormale, inférieure à 50%) [4]. La ventriculographie isotopique Il s’agit d’un examen utilisé depuis de nombreuses années. Les premières études l’évaluant remontent au début des années 1970 [5]. Elle a l’avantage d’être particulièrement reproductible (du fait notamment de son traitement automatisé et de la standardisation des acquisitions), non invasive et facile d’acquisition [6]. Elle permet d’évaluer non seulement la FEVG mais aussi le pic d’éjection maximale du ventricule gauche (VG) ainsi qu’un certain nombre de paramètres diastoliques (vitesse maximale de remplissage du ventricule droit (VD), délai de remplissage). Elle peut être également réalisée en mode 3D avec des acquisitions tomoscintigraphiques. Celles-ci ont été étudiées sur caméra d’Anger dès les années 1980. Mais la méthode planaire reste la méthode de référence du fait de sa simplicité de mise en œuvre, de sa robustesse. De plus, jusqu’aux années 2000, il n’existait pas d’applications permettant de traiter de façon automatisée et donc plus reproductible les images tomoscintigraphiques [7]. Hormis la grossesse, la ventriculographie isotopique ne présente pas de contre-indications.Cependant, la présence d’un rythme cardiaque très irrégulier ne permet pas d’obtenir une ventriculographie isotopique fiable. Les fibrillations auriculaires et extrasystoles représentant plus de 25% des cycles cardiaques. Aussi, l’irradiation au décours d’une ventriculographie isotopique est d’environ 6,3 mSv pour une injection de 900 MBq de Technétium 99m ( 99mTc) chez un adulte. La dose reçue en ventriculographie isotopique reste cependant faible, très loin des doses considérées comme pouvant avoir un effet délétère (> 100 mSv). Mais cette dose n’est pas négligeable lorsque l’examen est répété et qu’il est associé à d’autres examens ou traitements irradiants. A titre de comparaison, la dose efficace reçue pour une radio de thorax est inférieure à 0,05 mSv et elle est d’environ 15 mSv pour un scanner abdomino pelvien. [52] L’échographie cardiaque trans-thoracique Elle est non irradiante, non invasive et facilement disponible. Elle est donc facilement utilisable en routine clinique. Elle a 3 principaux inconvénients : – Elle est peu reproductible du fait de son caractère opérateur dépendant. – Elle est moins spécifique et moins sensible pour détecter une baisse de la FEVG. – Elle est difficilement analysable chez des patients peu échogènes ou obèses [8]. L’IRM cardiaque L’IRM est non irradiante. Elle constitue une des méthodes de référence dans l’évaluation de la FEVG [9]. Elle présente cependant plusieurs inconvénients : – elle est peu accessible en routine et sa durée d’acquisition est longue ; – elle est opérateur dépendant (nécessité de corrections manuelles pour délimiter les contours du VG) ; – elle est contre indiquée chez les patients porteurs de certains dispositifs 9 métalliques, en particulier chez la plupart des patients porteurs de pacemaker ; – elle est difficile voire impossible à réaliser en cas de claustrophobie. Autres techniques – Le coroscanner peut apporter une évaluation assez fiable de la FEVG. Il est aussi un examen irradiant et peu disponible en routine. – La tomoscintigraphie myocardique permet de calculer aussi la FEVG. Cependant, elle est moins précise et moins reproductible que la ventriculographie isotopique. En effet, l’effet de volume partiel nuit à la délimitation précise de la cavité ventriculaire gauche.
La Cardiotoxicité du traitement anti cancéreux
Les traitements anticancéreux La prise en charge du cancer est multidisciplinaire. Elle fait appel à différentes spécialités dont les plus connues sont la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Le développement de nouvelles thérapeutiques (hormonothérapie, immunothérapie, thérapies ciblées) a enrichi l’arsenal thérapeutique anticancéreux.
La chirurgie carcinologique
La chirurgie est la méthode la plus invasive et la plus limitée en termes de réalisation. En effet, la chirurgie ne peut se faire que lorsque la tumeur est encore de petite taille, dans une zone de l’organisme accessible et non délétère si elle doit être enlevée. Il convient, quand la preuve de la nature cancéreuse de la lésion est faite, de réaliser un bilan d’extension afin de discuter de l’opportunité d’un traitement néo-adjuvant. Aussi, la maladie micrométastatique requiert l’instauration d’un traitement adjuvant comme la chimiothérapie.
La radiothérapie
C’est un traitement locorégional du cancer. Elle permet la destruction des cellules cancéreuses par rayonnements ionisants tout en minimisant les effets sur le tissu sain environnant. [12] Elle peut être utilisée pour traiter des tumeurs inaccessibles à la chirurgie. Le principe de la radiothérapie est le même quelque soit le type de radiothérapie. Il s’agit de détruire les cellules tumorales par des rayonnements ionisants quel que soit leur origine (atomique, nucléaire ou provenant d’accélérateurs de particules). La radiothérapie s’inscrit dans un projet thérapeutique. Cependant, elle est devenue quasi incontournable. Ainsi, est-elle programmée dans 2/3 des schémas thérapeutiques. [13] Malgré les progrès effectués, la radiothérapie présente aussi l’inconvénient de toucher les tissus environnant la tumeur générant ainsi des complications 11 tardives qui limitent son utilisation. Les deux principaux types de radiothérapie sont [14] : La radiothérapie à visée curative (65% des indications) Elle peut être exclusive (dans le cas de petites tumeurs, de tumeurs radiosensibles ou de tumeurs inopérables), néo-adjuvante, post-opératoire ou prophylactique. Elle peut également être associée à la chirurgie ou à la chimiothérapie. La radiothérapie à visée palliative (35% des indications) : Elle est utilisée à visée antalgique, à visée décompressive ou à visée hémostatique. Elle permet une diminution de la masse tumorale par des protocoles concentrés à forte dose afin d’améliorer le confort du patient.
La chimiothérapie
La chimiothérapie est un traitement systémique du cancer permettant l’élimination des cellules cancéreuses de l’organisme. Elle a été initialement utilisée dans les tumeurs solides métastatiques et dans les néoplasies hématologiques (leucémies et lymphomes). Elle est aujourd’hui de plus en plus prescrite seule ou en combinaison d’autres thérapies dans de nombreux types de cancer. En dehors des protocoles de chimiothérapies massives qui conduisent le plus souvent à une période d’aplasie profonde comme c’est le cas pour la leucémie aigüe, la plupart des protocoles font appel à des cures successives.
Les différentes classes de chimiothérapies anticancéreuses
Les antimétabolites Ils inhibent la synthèse des acides nucléiques nécessaires à la multiplication cellulaire [15]. Deux sous-groupes existent : – Les inhibiteurs d’enzymes indispensables, dont le chef de file est le Méthotrexate ; – Les médicaments leurres : on y distingue les anti-pyrimidiques qui ressemblent à la cytosine, à la thymine ou à l’uracile. Elles sont plus connues sous le nom de 5-Fluoro-Uracile (5FU) ou encore Gemcitabine. Les agents alkylants Ils altèrent la fonction cellulaire par la formation de liaisons covalentes avec les groupes amino, carboxyl, sulfhydryl et phosphate d’importantes cibles telles que l’ADN, l’ARN et les protéines [16]. Les modificateurs de l’ADN – Les anti topoisomérases : ils inhibent la topoisomérase I et/ou II. Lors de la transcription, pour que la fourche de réplication se déplace, il faut que l’hélice de l’ADN se déroule ce qui requiert l’intervention des topoisomérases [17]. – Les agents intercalants : ils induisent eux aussi une perturbation de la conformation tridimensionnelle de l’ADN. Dans cette famille de molécules, on retrouve les anthracyclines dont les plus administrées sont la Doxorubicine et l’Epirubicine. Les anthracyclines sont des antibiotiques qui s’intercalent à l’ADN. Ils peuvent également générer un stress oxydatif ou inhiber la topoisomérase II (TopII). [18] On range aussi parmi cette grande famille l’Hydroxycarbamide ou Hydréa® qui a une action directe sur la synthèse d’ADN. Les poisons du fuseau Ils inhibent soit la polymérisation (Alcaloïdes de la pervenche) soit la dépolymérisation du fuseau mitotique (Taxanes). Ils induisent aussi une apoptose par voie mitochondriale [19]. Les molécules les plus couramment utilisées sont la Vincristine (Oncovin®) et la Vinorelbine (Navelbine®). L’activité anticancéreuse des Taxanes passe par le rassemblement, la stabilisation et l’inhibition de la dépolymérisation des microtubules cellulaires. Ceci entraîne la perturbation de différentes fonctions cellulaires comme la mitose, le maintien et le changement de la morphologie cellulaire [20]. Deux 13 produits sont actuellement disponibles : le Paclitaxel (Taxol®) et le Docétaxel (Taxotère®).
Les différents types de chimiothérapie
Il existe 4 types de chimiothérapie : La chimiothérapie à visée curative. Elle peut conduire à la guérison du malade comme c’est le cas pour certaines leucémies ou certains lymphomes. La chimiothérapie adjuvante. Elle est prescrite après une chirurgie ou une radiothérapie. Elle a pour but de traiter la maladie métastatique La chimiothérapie néo-adjuvante ou d’induction. Elle vise à réduire la masse tumorale pour pouvoir envisager un traitement conservateur qui ne l’était pas initialement. La chimiothérapie à visée palliative. Elle a pour but d’améliorer le confort de vie du patient.
L’hormonothérapie
Le concept d’hormonothérapie repose sur l’hormono-dépendance de certains cancers. Les cancers hormono-dépendants les plus connus étant celui du sein, de la prostate, de l’endomètre, de l’ovaire, de la thyroïde, du poumon mais aussi les leucémies et les lymphomes. Ainsi, les anti-androgènes ou les œstrogènes (en traitement de 2ème ligne) sont utilisés dans le cas du cancer de la prostate. Aussi des antagonistes des récepteurs aux œstrogènes (tamoxifène) sont indiqués dans le traitement du cancer du sein.
Les nouveaux traitements anticancéreux
Ils ont considérablement amélioré le traitement des cancers. Ce sont : L’immunothérapie : elle permet la stimulation du système immunitaire dirigé contre les cellules tumorales. En effet, les tumeurs entourées de cellules immunitaires ont de meilleurs pronostics. Elle utilise des cytokines antitumorales et notamment l’interleukine 2 (IL-2) dans le cancer du sein ou 14 l’interféron α dans le traitement des leucémies, des lymphomes, des mélanomes et des cancers du sein. Les anticorps monoclonaux et les thérapies ciblées. Ils ciblent un antigène ou une protéine surexprimée dans certains cancers. Ils permettent ainsi de bloquer sa fonction et/ou de provoquer l’apoptose. On peut citer [25] : – Le trastuzumab (ou Herceptine), anticorps monoclonal ciblant le récepteur HER-2 surexprimé dans certains cancers du sein, – Le bortezomib, thérapie ciblée inhibant le protéasome 26S responsable de la dégradation d’une variété de protéines impliquées dans la prolifération des cellules cancéreuses. – L’imatinib, autre thérapie ciblée qui inhibe la tyrosine kinase Bcr-Abl dans la leucémie myéloïde chronique. Les anti-angiogéniques sont une autre voie intéressante dans la lutte anticancéreuse [26]. C’est au début des années 1970 que Judah Folkman a montré pour la première fois le rôle central de la néo-angiogenèse dans la prolifération tumorale et le développement de métastases [27]. Il montre que les cellules tumorales sécrètent des molécules angiogéniques comme le PDGF (Platelet-Derived Growth Factor) et le VEGF qui stimulent la formation de nouveaux vaisseaux permettant d’apporter les nutriments nécessaires à l’expansion tumorale. Le chef de fil en est le Bevacizumab ou Avastin® qui est un anticorps monoclonal chimère qui se lie au VEGF et inhibe ainsi la liaison à son récepteur. Son administration conduit à une réduction de la croissance des micro-vaisseaux et à une diminution de la progression des métastases. Il apparait comme le traitement de première ligne du cancer métastatique du colon ou du rectum .
PREMIERE PARTIE : GENERALITES |