Reconstitution de la variabilité de la mousson indienne et ses impacts environnementaux sur le Nord-Ouest de la Mer d’Arabie
Synthèse de la variabilité environnementale de la mousson indienne au Nord-Ouest de la Mer d’Arabie depuis le Dernier Maximum Glaciaire
Rappels sur les changements climatiques pendant les derniers 20 000 ans
la théorie astronomique des climats et les caractéristiques de la dernière déglaciation Le climat terrestre a oscillé periodiquement au cours du Pleistocène entre des périodes froides glaciaires et des périodes chaudes interglaciaires (Shackleton, 1969; Shackleton et Opdyke, 1973,1976). Ces oscillations s‟inscrivent dans le cadre de la théorie astronomique des paléoclimats établie par Milankovitch (1941) et validée par la suite par Berger (1978). Cette théorie associe les changements climatiques aux changements de répartition saisonnière et latitudinale de l‟insolation en réponse aux variations cycliques de trois paramètres orbitaux de la terre: l‟excentricité de l‟orbite terrestre (période de 100 000 ans et 413 000 ans), l‟obliquité de son axe de rotation (période principale de 41 000 ans) et la précession des équinoxes (période de 19 000 ans et 23 000 ans). Mais l‟évolution du climat est plus complexe qu‟une seule réponse linéaire aux variations orbitales de l‟insolation.
En plus du forçage orbital, il faut prendre en compte des méchanismes de « feedback » internes, plus ou moins bien compris à l‟heure actuelle, au premier rang desquelles figurent les changements de la teneur atmosphérique en gaz à effets de serre. Les derniers vingt millénaires sont caractérisés par (i) une période glaciaire associée à un maximum d’extension du volume des calottes glaciaires vers 21 000 ans BP (Dernier Maximum Glaciaire ou DMG) engendrant une baisse du niveau marin moyen d‟environ 120 m par rapport au niveau actuel (Fleming et Lambeck, 1998; Siddall et al., 2003) et (ii) une période interglaciaire chaude appelée Holocène (qui débute vers 10 000 ans BP), marquée par des teneurs plus élevées en CO2 atmosphérique (280 ppmv) que pendant la période glaciaire (190 ppmv) (Jouzel et al., 1993). Pendant la déglaciation, l’augmentation de l’insolation estivale aux hautes latitudes de l‟hémisphère nord (avec un maximum vers 11 000 ans BP) a déclenché la fonte des calottes glaciaires boréales plus particulièrement la calotte laurentidienne.
La déglaciation n‟est pas régulière. Elle est marquée en particulier par deux évènements rapides d’élévation du niveau marin: « meltwater pulse 1A » ou « MWP-1A » vers Partie I. Présentation du secteur d’étude 38 14 600 ans BP et » meltwater pulse 1B » ou « MWP-1B » vers 10 500 ans BP (Fairbanks, 1989; Bard et al., 1996). En Atlantique Nord, la déglaciation est entrecoupée par de courtes périodes de retour à des conditions glaciaires. Il s‟agit du Heinrich 1 (H1) (vers 16 800 ans BP) (Bond et al., 1993) et du Dryas récent (YD) détecté au cours de la dernière transition glaciaire/interglaciaire entre 12 800 et 11 700 ans BP (Alley et al., 2000) (figure 1). Fig 1. A) La courbe d’insolation de l’été boréal à 60°N du mois de Juin pendant les dernier 20 000 ans ( Berger et Loutre, 1991). B) La variation de l’enregistrement des isotopes d’oxygènes de la carotte de glace NGRIP (Dansgaard et al., 1993; Johnsen et al., 2001). C)
Les changements du niveau marin depuis la dernière période glaciaire (Fleming et al., 1998; Milne et al., 2005). L’évènement H1 est causé par la grande débâcle glaciaire de la Laurentide (Bond et al., 1993) qui a entraîné un excès d’eau douce dans l’Atlantique nord au moment de la déglaciation , provoquant ainsi une chute de la salinité et une baisse brutale de la densité de l’eau de mer, désamorçant, par conséquent la circulation thermohaline (Broecker et al., 1989). L’évènement du YD est marqué par (i) une avancée de certains glaciers ; (ii) une importante chute de température dans l’hémisphère Nord avec un maximum de 10 °C au Groenland (Alley et al., 2000); (iii) un refroidissement de la température de surface océanique (SST) (Bard et al ., 2000; Cacho et al., 2001; Dolven et al., 2002) et (iiii) une réduction de la circulation profonde Atlantique (McManus et al., 2004). Il a été démontré que les évènements froids de H1 et YD ont été documentés dans les enregistrements isotopiques des spéléothèmes de Chine (Wang et al., 2001, 2005; Zhang et al., 2008) et dans les sédiments marins de la Mer d’Arabie (Gupta et al., 2011; Schulz et al., 1998; Ivanochko et al., 2005; Dykoski et al., 2005; Sirocko et al., 1996) ce qui met en évidence le lien qui existe entre le système climatique des hautes latitudes et des régions tropicales.
Les variations de la mousson indienne en Mer d’Arabie ont fait l’objet de nombreuses études paléoclimatiques basées sur l’exploitation des archives géologiques continentales et marines telles que les carottes sédimentaires marines et lacustres et les spéléothèmes ( Sirocko et al., 1991, 1993; Clemens et Prell, 2003; Fleitmann et al., 2003; Lézine et al., 1998, 2007, 2010; Neff et al ., 2001; Gupta et al., 2003; McClure, 1976; Schultz et Whitney, 1986; Umer et al., 2007; Gasse et Fontes, 1989). En outre, il a été démontré que la variation glaciaire/interglaciaire du niveau marin a beaucoup influencé les échanges des masses d‟eaux entre la Mer Rouge et le Golfe d‟Aden (Siddall et al., 2002 ; Sirocko, 2003). Dans le chapitre suivant, nous ferons le point sur les changements climatiques dans l‟Ouest de la Mer d‟Arabie et les continents adjacents depuis le DMG, en nous attachant tout particulièrement aux changements de précipitation (humidité) et aux modifications des conditions de circulation et leur impact sur l‟hydrographie et la productivité marine. La dernière partie de ce chapitre est consacrée à l’étude de l’impact de la variation du niveau marin sur la teleconnection entre la Mer Rouge et le Golfe d’Aden.
La reconstitution des changements paléohydrologiques en Arabie et sur la Corne de l’Afrique
Les changements hydrologiques en Arabie Plusieurs travaux ont montré que la péninsule arabique a connu une période humide caractérisée par le développement de lacs dans l’actuel désert de Rub‟al-Khâli (McClure,1976; Gebel et al., 1989), Ramlat as-Sabatayn (Lézine et al., 1998; 2007) et le Grand Nafud (Schultz et Whitney, 1986) au cours de l‟Holocène (Figure 2). Les analyses des enregistrements sédimentaires provenant des déserts du Yémen, d‟Oman et d‟Arabie Saoudite montrent que le maximum d’extension lacustre est enregistré entre 10 000 et 8 000 ans BP (McClure, 1976; Lézine et al., 1998). Cette période correspond au maximum de développement des stalagmites d‟Oman (Fleitmann et al., 2003; Neff et al ., 2001).
Cette humidité optimale coïncide avec une diminution significative de la quantité de poussière transportée de l’Arabie vers la Mer d’Arabie comme cela a été enregistré dans la carotte KL74 (Sirocko et al., 1993; Figure 3, en bas). Elle est liée à l’intensification des flux de la mousson indienne (figure 3). Fig 2. Carte de répartition des enregistrements continentaux dans la péninsule arabique utilisés pour l’étude de la paléo-hydrologie de l‟Arabie. 1- Ramlat as Sabatayn: Lézine et al., 1998, 2007; 2- Rub al-Khali: McClure, 1976; 3- Cave de Qunf et Defore : Fleitmann et al., 2003; 4- Wahiba Sands : Radies et al., 2004, 2005; 5- Cave d‟Hoti : Neff et al., 2001 ; Fleitmann et al., 2007; 6- Awafi : Parker et al., 2004. Partie I. Présentation du secteur d’étude 41 Fig 3. Schéma synthétique des changements environnementaux et climatiques de l‟Arabie comparés avec les variations d‟abondance relative de la dolomite (transport éolien) dans la carotte marine 74 KL (Sirocko et al ; 1998) et les isotopes d‟oxygène des spéleothèmes d‟Oman (Fleitmann et al., 2003). La courbe d‟insolation d‟été est celle de Berger et Loutre (1991).
Les enregistrements d‟extension des paléo-lacs en Arabie sont déduites à partir des études faites sur le désert du Rub al Khali, (McClure, 1976), Al Hawa ( Lézine et al., 2007) dans le désert du Yémen, Awafi (Parker et al.,2004 ) et Wahiba ( Radies et al., 2005) à Oman. La bande grise représente la période humide en Arabie. Partie I. Présentation du secteur d’étude 42 Au Sud de l’Arabie, les extensions lacustres les plus récentes sont datées de 5 300 ans BP (Radies et al, 2005; Parker et al, 2004). Parker et al (2006), suggèrent toutefois que la persistance occasionnelle de certains enregistrements lacustres à l‟Holocène moyen serait due à des précipitations hivernales notamment dans les régions situées au Nord de la Mer Rouge (Arz et al., 2003 ) et au N-O de l’Arabie (Schultz et Whitney, 1986). Les pluies de mousson n’étaient pas assez fortes pour franchir les hauts plateaux du Sud de l’Arabie et atteindre les déserts de Ramlat Al- Sab Atayn et du Rub ‘al-Khali (Lézine et al., 2010). II.2. Les changements hydrologiques dans la Corne de l’Afrique La variation de l’hydrologie en Afrique orientale a fait le sujet de nombreux travaux (figure 4). Les études basées sur les enregistrements sédimentologiques et biologiques du lac Abbé (Gasse et Street, 1978 ; Gasse et al., 1977 ; Gasse et al., 1986) suggèrent des conditions arides et une chute remarquable de son niveau pendant le DMG. Ces résultats sont confirmés par les travaux réalisés dans le lac Tana (Lamb et al., 2001), Garba Guracha (Umer et al., 2007) et mont Badda (Hamilton, 1982) qui montrent la dominance d’un environnement hyper-aride pendant cette période. La date de la mise en place de la PHH varie d’un site à l’autre : Elle se situe à 19 000 ans BP au Sud de l’Ethiopie (Foerster et al., 2012 ). Plus au Nord, la PHH est documentée à partir de 13 000 ans BP dans les lacs au Sud de l’Afar (Williams et al., 1977) et vers 10 000 ans BP au lac Abbé (Gasse et al., 1977) et au lac Asal (Gasse et Fontes, 1989). La période humide s‟étend jusqu‟à 5 000 ou 4 000 ans BP. Des études sédimentologiques et paléobiologiques portant sur les lacs du rift éthiopien (Gasse et Street, 1978; Gasse, 1977) montrent que cette grande période humide a été interrompue à plusieurs reprises par les phases de grande sécheresse qui ont entraîné l‟assèchement complet des lacs. La période de régression la plus spectaculaire est enregistrée entre 8 000 et 7 500 ans BP. Récemment, Tierney et deMenocal (2013), ont utilisé la composition isotopique de l‟hydrogène (δDwax) provenant de la fraction lipidique des sédiments ( résultant de la dégradation des feuilles des végétaux) de la carotte marine P178-15P située dans le Golfe d‟Aden pour déterminer l’évolution de l’humidité dans la Corne de l‟Afrique.
Les résultats révèlent des transitions abruptes au niveau des évènements de H1, YD et la PHH. Ils Partie I. Présentation du secteur d’étude 43 concluent ensuite que l‟évolution des précipitations en Afrique de l‟Est reflète largement la convection associée à la température de surface de l‟Océan Indien. Les changements de la température de l‟eau de surface peuvent également affecter la circulation de Walker et se traduire par des précipitations importantes dans l‟Est de l‟Afrique (Black et al., 2003 ; Tierney et deMenocal, 2013). Fig 4. Carte de localisation de quelques enregistrements utilisés pour l’étude de la variation hydrologique dans la Corne de l’Afrique. (1) Lac Tana (Lamb et al., 2001); (2) Lac Asal (Gasse et Fontes, 1989); (3) Carotte P178- 15P (Tierney et deMenocal, 2013); (4) Lac Abbé (Gasse et al., 1977); (5) Bassin Ziway-Shala (Gasse et Street , 1978) (6) Lac Abiyata (Lézine et Bonnefille, 1982); (7) Mont Badda (Hamilton ,1982); (8) Garba Guracha (Umer et al., 2007); (9) Bassin de Chew Bahir ( Foerster et al., 2012).
Partie I. Présentation du secteur d’étude 44 II.3. La réponse du couvert végétal aux changements climatiques Les études palynologiques des enregistrements marins provenant de la Mer d’Arabie (Van Campo et al., 1982; Prell et Van Campo, 1986) fournissent des informations sur les modifications de la végétation en Arabie et en Afrique orientale dans les derniers 150 000 ans. Elles suggèrent la dominance des taxons steppiques et herbacés halophiles (Chenopodiaceae) pendant le DMG. Ces mêmes études ont montré que l’augmentation de l’humidité est produite à partir de 12 500 ans BP avec le développement de la savane somalienne et l’augmentation du transport à longue distance des taxons tropicaux humides en réponse à l’intensification de la mousson du S-O. En Ethiopie, l’analyse des phytolithes qui sont les particules minérales incluses dans les cellules végétales, montrent le développement des formations herbacées avec des taxons ligneux dispersés pendant le Pleistocène (Barboni et al., 1999). Dans la même région, les assemblages polliniques du lac Abiyata (Lézine et Bonnefille, 1982) indiquent le développement d’un environnement semi-aride. En montagne, l’enregistrement pollinique du bassin de Garba Guracha, indique une végétation clairesemée avec la dominance des herbacées telles que les Amaranthaceae/Chenopodiaceae et Artemisia jusqu’à 13 400 ans BP (Umer et al., 2007).
Ce n‟est qu‟après cette date que s‟observe l‟augmentation généralisée des formations forestières, notamment dans les zones d‟altitude. Dans le désert d’Arabie, notamment au Nafud, un environnement semi-désertique se développe entre 34 000 et 24 000 ans BP puis, les lacs s’assèchent complètement pendant le DMG (Schulz et Whitney, 1986). Pendant le début de l’Holocène, la végétation dans les basses terres d‟Arabie reste de type désertique/semi-désertique dominé par les taxons herbacés, Amaranthaceae/Chenopodiaceae, Dipterygium, Tribulus, Cyperaceae, Gramineae et de rares arbres (Acacia, Commiphora) comme l‟ont montré les travaux menés dans la région lacustre d‟Al-Hawa, dans le désert de Ramlat as Sabatayn (Inizan et al., 1998 ; Lézine et al., 1998 ; 2007) et à Ras El Khaïma (Parker et al., 2004). Il a été démontré dans l’étude de Lézine et al (2010) que les montagnes du Yémen et le plateau de Hadramawt qui bordent le Sud de la péninsule forment une barrière topographique et écologique qui empêche les précipitations de mousson d’atteindre l’intérieur des terres de la péninsule et la migration des espèces tropicales vers le Nord. En revanche, durant la même période du temps, la PHH en Afrique désertique était beaucoup plus humide et la réponse du couvert végétal était beaucoup Partie I. Présentation du secteur d’étude 45 plus prononcée (Lézine et al., 1993; Lézine et Casanova, 1989; Ritchie et al., 1985; Lézine, 1987; Petite-Maire, 1986).
La variation de l’intensité des vents de la mousson indienne
Les changements de la circulation atmosphérique et leurs effets sur le transport détritique
L’analyse des particules de poussière dans les sédiments marins permet de reconstruire l’intensité et la direction des vents qui les transportent (Pye, 1987; Leinen et Sarnthein, 1989). Au Nord de la Mer d’Arabie, les images satellites (Ackerman et Cox, 1988) montrent que les sédiments détritiques transportés à l‟océan proviennent des panaches de poussière formés en Arabie et en Mésopotamie pendant le printemps et l‟été (Sirocko et al 1989 ; Sirocko et al 1991) (figure 5). L’interprétation des traceurs éoliens enregistrés dans les sédiments marins prélevés au Nord de la Mer d’Arabie est complexe. Par exemple, le signal de dolomite de la carotte KL74 prélevée au Sud de la marge continentale de l‟Arabie (Sirocko et al.,1993) (figure 3, en bas) peut être associé aux changements d’aridité/humidité dans la péninsule arabique, à l’émersion du golfe arabo-persique liée à la baisse du niveau marin pendant la période glaciaire ou encore aux changements d’intensité et/ou de direction des vents (Sirocko et al.,1993; Lézine et al., 2014). La dolomite est préférentiellement transportée par les vents du N-O car ce minéral est dérivé des affleurements mésozoïques situés au Nord de l‟Arabie ou près des sebkhas qui entourent le Golfe Persique.
Les valeurs élevées du pourcentage de dolomite peuvent être interprétées comme le reflet de l’intensification des vents du N-O lors de l’affaiblissement de la mousson du S-O. Le maximum d’influx de poussière (environ 15 %) est enregistré pendant la période glaciaire. Cette valeur peut être augmentée du fait de l’exondation du Golfe Persique au cours de cette période, qui laisse place à des terrains nus, sources de poussière. La première chute de % dolomite (datée vers environ 16 700 ans BP) est interprétée comme étant due à un changement de la circulation atmosphérique puisque le niveau marin était encore bas à -110 m au dessous du niveau marin actuel. Par contre, la deuxième chute spectaculaire (datée vers environ 15 100 ans BP) serait le reflet de l’augmentation de l’humidité continentale particulièrement entre 11 000 et 7 000 ans BP ce qui correspond au Partie I. Présentation du secteur d’étude 46 maximum d‟extension des lacs en Arabie (Lézine et al., 2014).
La diminution du % dolomite est accompagnée d’une chute simultanée du δ18O des foraminifères planctoniques ce qui met en évidence la transgression marine du Golfe Persique pendant l’évènement MWP-1A (Lézine et al., 2014). Fig 5. La Mer d‟Arabie pendant la mousson d‟été. l’emplacement de la carotte KL74 (Sirocko et al., 1993). Les zones bleues claires pointillées représentent les terrains secs pendant la période glaciaire lors du bas niveau marin. Les flèches indiquent la direction des vents prédominants pendant la mousson d‟été. Les terrains tachetés sont potentiellement sources de poussières. III.2. Les variations de la productivité primaire dans la Mer d’Arabie Pendant l’été boréal, les vents de la mousson du S-O produisent un intense upwelling en Mer d’Arabie dont les eaux sont caractérisées par des températures de surface faibles (T<18°C dans l’upwelling de Socotra et de la Somalie) et des quantités élevées en éléments nutritifs (teneur en Nitrate dans les eaux de surface = 19 µM (Van Hinte et al., 1995; Van Cowelaar, 1997)). La productivité marine est beaucoup plus faible pendant l’hiver lorsque les vents soufflent du N-E, limitant le pompage d‟Eckman et la remontée des eaux de subsurface Partie I. Présentation du secteur d’étude 47 chargées en éléments nutritifs (Wyrtki, 1973; Pickard et Emery, 1982; Jean-Batiste et al., 1990; Van Couwelaar, 1997).
De nombreuses recherches ont été focalisées sur les études micropaléontologiques, sédimentologiques et géochimiques des enregistrements sédimentaires marins afin de reconstruire les fluctuations de l’intensité des upwellings et de la productivité marine en Mer d’Arabie et l’évolution de l‟intensité des vents de la mousson indienne (Anderson et Prell, 1993; Gupta et al., 2003; Overpeck et al., 1996; Ivanochko et al., 2005; Jung et al, 2002, 2004.; Kroon et al, 1991a, 1991b. Naidu et Malmgren, 1996; Reichart et al., 1997; Schulz et al., 1998; Sirocko et al., 1993; Gupta et al.,2011). Elles ont montré que les changements de l‟insolation d‟été contrôlent les variations à long-terme de l‟intensité des vents de mousson (Anderson et Prell, 1993; Prell, 1984; Clemens et al., 1998). De plus, elles ont suggéré que les vents de la mousson du S-O répondent à la fois aux variations de l‟obliquité et la précession de l‟orbite terrestre, ce qui confirme les résultats antérieurs de la modélisation climatique réalisée par Kutzbach et Street-Perrot. (1985). Au large de la Somalie, les quelques travaux basés sur l’analyse des marqueurs biologiques tels que les assemblages des kystes de dinoflagellés (Zonneveld et al 1997), les radiolaires et les foraminifères (Caulet et al., 1992) ont permis d’établir l’histoire de l’upwelling au cours du Quaternaire récent. Plus au Nord, au large de l’Oman, Gupta et al (2011) ont utilisé l‟abondance relative de l‟espèce de foraminifère planctonique Globigerina bulloïdes comme traceur de l‟upwelling et ont étudié ses variations en comparaison d‟autres indicateurs tels que la teneur en Carbone Organique Totale, le carbone inorganique, la distribution des ptéropodes, ou l‟abondance des foraminifères benthiques. Les résultats de ces études montrent que la productivité de surface est maximale pendant le début de l’Holocène (entre 10 000 et 8 000 ans BP) en réponse à l’intensification des vents de la mousson du S-O et minimale pendant le DMG, le H1 et le YD. L’intensité de l’upwelling d’Oman s‟affaiblit graduellement pendant l‟Holocène Moyen (Gupta et al., 2003, 2011). Le Golfe d‟Aden est une zone plus complexe que la marge de l’Oman car il est influencé à la fois par les vents de mousson et les échanges de masses d’eau avec la Mer Rouge à travers le détroit de Bab-el-Mandeb.
L‟étude des assemblages de foraminifères benthiques et planctoniques d’une carotte marine prise au centre du Golfe d’Aden (AlmogiLabin et al., 2000) a conclu au rôle majeur de la mousson du N-E dans l‟augmentation de la Partie I. Présentation du secteur d’étude 48 productivité marine surtout entre 60 000 et 13 000 ans BP. Pendant cette période, les auteurs concluent que les vents de la mousson d‟hiver ont atteint un maximum d‟activité en corrélation avec l‟affaiblissement de l‟insolation hivernale. Ils font l‟hypothèse que l‟augmentation de la productivité marine est alors induite par l‟augmentation de la vitesse des vents venant d’Asie qui entraîne un mélange vertical plus actif de la couche de surface. Ces résultats, qui associent la productivité primaire avec l‟intensification de la mousson d‟hiver, sont apparemment contradictoires avec le résultat des études sur la productivité de surface actuelle qui atteint son maximum pendant l’été (Morocos et Abdallah, 2013; Yao et Hoteit, 2015). IV. L’effet du changement du niveau marin sur la teléconnection entre la Mer Rouge et le Golfe d’Aden De nombreux travaux basés sur les analyses minéralogiques et l’étude des assemblages de microfaunes planctoniques et benthiques révèlent des modifications majeures des conditions hydrologiques de la Mer Rouge et du Golfe d’Aden en relation avec la variation du niveau marin (Siddall et al., 2002 ; Deuser et Degens, 1969; Locke et Thunell, 1988, Ivanova, 1985; Hemleben et al., 1996; Almogi-Labin et al., 1996). Pendant le DMG, lorsque le niveau marin était à 120 m au dessous du niveau actuel, la communication entre la Mer Rouge et le Golfe d’Aden était très restreinte (Rohling et al., 1996). Les travaux de Deuser et Degens (1969) suggèrent que la Mer Rouge était complètement fermée et la connection avec le Golfe d’Aden était quasiment nulle alors que des études plus récentes montrent que la profondeur du détroit n’était que de 15 m pendant le DMG (Sirocko, 2003) (figure 6) ce qui va à l’encontre de la fermeture complète de la Mer rouge.
Les analyses isotopiques de l’oxygène des coquilles de foraminifères planctoniques montrent que pendant la période glaciaire, la Mer Rouge était soumise à une évaporation très importante (Deuser et al., 1976) ce qui a engendré une augmentation de la salinité des eaux de surface avec des valeurs supérieures à 50 ‰ (Sirocko, 2003; Hemleben et al., 1996). Dans le Golfe d’Aden, les enregistrements isotopiques et micropaléontologiques de la carotte marine RC9-166 (Locke et Thunell, 1988) suggèrent que les conditions hydrologiques des eaux de surface n’ont pas significativement changé au cours du dernier cycle glaciaire/interglaciaire. A Partie I. Présentation du secteur d’étude 49 l’exception de G. ruber et G. menardii, l’assemblage des foraminifères planctoniques montre que la salinité des eaux de surface pendant la période glaciaire était similaire à celle de l’actuel (36.5 ‰) et que la température était légèrement plus élevée. Cette étude confirme ce qui a été dévoilé par Duplessy (1982) et Prell et al (1980). A des profondeurs intermédiaires, les eaux expulsées de la Mer Rouge pendant la période glaciaire étaient plus salées et le volume du flux était significativement plus réduit par rapport à l’actuel. Fig 6. La variation de l’hydrologie de la Mer Rouge et du Golfe d’Aden entre l’actuel et le DMG. a) le schéma actuel est caractéristique d’une période interglaciaire avec une profondeur d’eau d’environ 137 m au niveau du détroit de Bab-el-Mandeb. Les caractéristiques de l’eau sont : une salinité de 40 (‰) et une valeur de δ18O de -2 ‰; b) Il y a environ 21 000 ans cal BP (DMG), la baiss e du niveau marion se traduit par une profondeur d’eau d’environ 15 m au niveau du détroit.
La circulation de l’eau est modifiée et l’effet d’évaporation relativement plus forte a produit une salinité de plus de 50 ‰, et une valeur de δ 18O de 3 ‰. La taille des flèches est proportionnelle à l’importance des flux d’eau (Sirocko, 2003). Pendant la déglaciation, l’élévation du niveau marin intensifie les échanges d’eau entre la Mer Rouge et le Golfe d’Aden. L’augmentation de l’abondance des foraminifères planctoniques G. sacculifer et G. aequilateralis suggèrent la diminution de la salinité des eaux de surface de la Mer Rouge. Les analyses minéralogiques des carbonates ainsi que les assemblages des foraminifères benthiques indiquent que la salinité des eaux profondes de la Mer Rouge est élevée jusqu’à 11 000 ans BP (Locke et Thunell, 1988) induisant une augmentation de la stratification des eaux. Partie I. Présentation du secteur d’étude 50 Pendant l’Holocène, l’augmentation du ruissellement et de l’humidité sur les continents adjacents diminuent la salinité des eaux de surface de la Mer Rouge, améliorant ainsi la stratification de la colonne d’eau et provoquant une baisse de la ventilation des eaux profondes (Locke et Thunell, 1988; Thunell et al., 1988; Almogi-Labin et al., 1996) et une meilleure préservation de la matière organique sur le fond marin. Deux carottes marines situées au Nord et au centre de la Mer Rouge (Ivanova, 1985) ont documenté la présence d’un niveau sapropélique formé au début de l’Holocène en relation avec la stagnation des eaux profondes. Les échanges modernes entre la Mer Rouge et le Golfe d’Aden ne sont établies qu’à partir de 7 500 – 6 000 ans BP (Locke et Thunell, 1988). Cela implique, selon Jung et al (2001), que les valeurs de salinité au début de l’Holocène dans la Mer Rouge étaient beaucoup plus élevées que celles d’aujourd’hui. Cette même étude a montré que le flux d’eaux intermédiaires expulsées de la Mer Rouge qui étaient 800 m plus profondes qu’à l’Actuel dans la colonne d’eau au large de la Somalie.
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