La variabilité inter et intra-spécifique du profil ligneux le cas des Légumineuses
de Guyane
Les deux premiers chapitres de cette thèse ont appréhendé les variations de propriétés du bois à l’échelle intra-spécifique. Ce chapitre aborde maintenant l’intégration des traits du bois et de leur variabilité à l’échelle inter-spécifique. La densité du bois étant un trait intégrateur d’autres propriétés (Chave et al., 2009 ; Lachenbruch & McCulloh, 2014), ainsi que la variable clé dans l’estimation de biomasse (Chave et al., 2005). Son étude sera le point central de ce chapitre. L’étude de la variation radiale d’ID n’en est pas à ses premiers essais. Dès la fin des années 1980, les travaux fondateurs de Wiemann & Williamson ont souligné l’importance de la variation d’ID le long du rayon et leurs implications dans la construction de la plante (Wiemann & Williamson, 1988; Wiemann & Williamson, 1989b; Wiemann & Williamson, 1989a). Néanmoins, ces travaux se sont cantonnés à l’étude d’essences à ID faible et présentant des gradients radiaux d’ID très marquées chez des essences pionnières exemptes de duramen coloré (e.g. Hampea appendiculata, Heliocarpus appendiculatus, Ochroma pyramidale dans (Wiemann & Williamson, 1988). Les études comparatives des variations radiales d’ID en lien avec la zone climatique de l’espèce révélèrent que les plus fortes variations d’ID le long du rayon sont enregistrées chez les essences de forêt tropicales humides, suivies par celles de forêts tropicales sèches et de montagne, et qu’elles sont quasi absentes chez les essences de forêt tempérées (Wiemann & Williamson, 1989b; Wiemann & Williamson, 1989a). Il convient cependant de noter que ces études portèrent sur des essences à ID faible à moyenne (de 0.1 à 0.7). Lors d’une étude sur 35 essences brésiliennes, Parolin (2002) montra que l’augmentation d’ID sur le rayon, certes plus faible que chez les pionniers, existe également chez les essences nonpionnières. Certaines essences présentaient également une diminution d’ID sur le rayon ou une quasi-constance. Cet auteur envisagea même l’effet potentiel des extractibles issus de la duraminisation sur l’allure du profil radial d’ID. Au même moment, au cours d’une méta-analyse, Woodcock & Shier (2002) envisagèrent une classification des tempéraments écologiques vis-à-vis de la lumière en fonction de la variation radiale d’ID : les pionniers présentent un gradient positif, alors que les sciaphiles présentent un gradient négatif. Une hypothèse intéressante émergeant de cette étude fut que malgré le type de gradient considéré, la valeur d’ID atteinte dans les couches périphériques de la section de bois tend vers 0.55. Néanmoins, cette étude ne prit pas en compte la forme du profil de variation d’ID et les potentiels effets de la duraminisation. L’étude la variation d’ID est remise au gout du jour, puisque l’ID est une valeur clé dans l’estimation de biomasse (Chave et al., 2006; Chave et al., 2014). C’est au cours d’une étude sur 6 espèces Thaïlandaises, que Nock et al. (2009) nuancèrent la classification de Woodcock & Shier (2002) après l’observation d’une augmentation d’ID importante le long du rayon chez des essences de milieu et de fin de succession. Hietz et al. (2013) observent beaucoup plus de cas d’augmentation que de diminution de l’ID le long du rayon. Ils remarquèrent également que le bois central est soumis à plus de variation entre espèces que le bois périphérique. L’ID du bois central était également le meilleur indicateur du satut écologique de l’espèce. Cependant, les études les plus récentes, faisant appel à des méthodes d’analyses plus performantes, ne prennent toujours pas en compte l’effet du duramen sur les variations 104 radiales d’ID (Nock et al., 2009 ; Hietz et al., 2013 ; Osazuwa-Peters et al., 2014). Il est donc suggéré d’analyser finement la variation radiale d’ID tout en prenant en compte la proportion d’extraits présents dans le duramen (Hietz et al., 2013). La variation verticale d’ID est également très peu connue. Rueda & Williamson (1992) ont observé une augmentation d’ID avec la hauteur dans le tronc chez Ochroma pyramidale. Les observations faites sur l’Angélique au cours du second chapitre suggèrent le patron inverse. La différence de statut écologique de ces deux espèces (i.e. pionnier et hémi-tolérant respectivement) suggère un lien potentiel entre variation verticale et statut successionnel. D’autres traits comme la durabilité du bois et la rigidité peuvent également être contributeurs de la stratégie de l’espèce.
Matériels et Méthodes
Sélection des arbres et abattage
La prospection et l’abattage des arbres échantillonnés ont eu lieu dans les zones hors parcelles d’étude de la station de Paracou. Afin de maximiser la diversité spécifique de l’échantillonnage et le nombre de répétitions tout en minimisant le temps de manipulation et la main d’oeuvre, nous nous sommes concentrés sur l’étude d’arbres de DBH compris entre 10 et 15 cm. 2. Description des arbres Avant l’abattage, le diagnostic de l’arbre été établie (cf. Chapitre 1) et le DBH mesuré. Une fois l’arbre abattu, la hauteur totale et la hauteur de la première branche vivante et/ou la hauteur de la première fourche, ainsi que la largeur de la couronne ont été mesurées au mètre ruban. 3. Sélection des rondelles et d’un billon de bois Pour chaque arbre, nous avons sélectionné 4 à 5 rondelles de bois. La première à 50 cm audessus du sol, la seconde à 4m, la troisième sous la fourche ou sous la première branche vivante si la fourche n’était pas encore développée, une quatrième à mi-hauteur de couronne et une dernière 2-3m avant la hauteur maximale de l’arbre. Nous avons également sélectionné une bille de bois d’environ 1 m de longueur juste au-dessus de la rondelle prélevée à 50cm. 4. Découpe des éprouvettes a. Infradensité : découpe et mesures Les 5 rondelles ont été dédiées à la mesure des variations radiales d’infradensité (ID). Le protocole de découpe et de mesure est en tout point identique à celui décrit précédemment (voir Chapitre II) : (1) photographie des rondelles de bois, (2) découpe d’un barreau de bois diamétral, (3) débit tangentiel des éprouvettes depuis la moelle vers l’écorce par fendage tout les 5 mm, (4) mesure de la masse verte et du volume et (5) mesure de la masse stabilisée après 48H à l’étuve à 103°C. b. Module d’élasticité et amortissement La découpe des éprouvettes de mesures des propriétés mécaniques a été réalisée en 3 temps (Figure 38). (1) La bille prélevée a été écorcée sur deux faces opposées, puis rabotée de manière à obtenir un plateau radial de 5cm d’épaisseur. Une planchette d’environ 20-30 cm de longueur présentant le moins de défauts possible (nœuds, fissures, etc …) a été sélectionnée pour les mesures mécaniques. Le reste de la planche a été dédié aux mesures de durabilité naturelle. (2) La planchette sélectionnée a ensuite été rabotée à 12 mm d’épaisseur en prenant garde que la moelle reste bien positionnée au centre du plan transversal de la planchette. Un ruban de papier gradué et numéroté au millimètre a été collé sur la face longitudinale et orienté perpendiculairement à l’axe longitudinal de la planchette. La position de la moelle aux deux extrémités de la planchette a été reportée sur la face longitudinale et un trait au stylo bille entre ces deux repères a été tracé, croisant le ruban de papier gradué. La graduation croisée par le trait a été relevée et considérée comme la position radiale de référence (i.e. la moelle). 106 (3) La planchette a ensuite été débitée en éprouvettes de 2 mm d’épaisseur dans le plan longitudinal tangentiel, d’une extrémité à l’autre de la planchette à l’aide d’une scie de table équipée d’une lame de 250 mm de diamètre, de 3.2 mm d’épaisseur et 80 dents. Les éprouvettes ont ensuite été redécoupées dans le plan transversal à 15 cm de longueur. L’éprouvette obtenue mesure 150 mm de long, 12 mm de largeur et 2 mm d’épaisseur.