Evolution du statut de déchets en France
Le XXème voit réellement apparaitre la notion de « déchets ». Il faut les collecter, les traiter et surtout les rendre invisibles. On assiste à une multiplication des incinérateurs en France, seule « solution hygiénique au problème des ordures et des décharges » (MONSAINGEON B., 2017). Malgré quelques tentatives de filières de recyclage2,finalement peu rentables, tant le tri des déchets du tout-venant est complexe, la gestion des déchets urbains devient rapidement une charge financière pour les collectivités. Après la seconde guerre mondiale, il est nécessaire de relancer l’économie, d’oublier l’enfer des pénuries, ce qui va contribuer à augmenter encore les volumes de déchets, et catalyser la construction d’un nouveau monde de consommation sans limite (MONSAINGEON B., 2017).
Les déchets organiques souffrent de la même considération que les déchets d’emballage : la poubelle de cuisine devient un membre à part entière du foyer domestique, on y jette tout ce qui n’a plus d’utilité immédiate, on se « débarrasse » de ces déchets en mélange, par le recours à deux procédés : l’incinération et la décharge (sauvage ou contrôlée) (ROCHER L., 2008). Finalement, nous nous sommes accommodés d’un système d’élimination, plus ou moins réglementé d’un pays à l’autre, qui entretient l’illusion que le déchet ne nous appartient plus, voire qu’il n’existe plus, une fois passé le pallier de notre porte. Dans son ouvrage de 2017, MONSAINGEON évoque « l’apprentissage de l’oubli » et reprend une formule attribuée à l’époque au préfet Mr Poubelle : « Fermez le couvercle, et n’y pensez plus ! » Ce système aurait-il encouragé nos sociétés modernes à oublier le potentiel intrinsèque de nos déchets en tant que matière première secondaire ? Pourtant, dès les années 1970, la problématique de la gestion des déchets ne se limite plus à une dimension sanitaire, puisque scientifiques et médias commencent à évoquer l’impact environnemental de ce fléau. Notre rapport au déchet passe progressivement d’une perception localisée à une représentation d’enjeux plus globaux. Au milieu des années 2000, alors que la gestion des volumes de déchets toujours plus importants s’avère de plus en plus problématique, en France comme chez nos voisins européens, les états membres s’accordent sur des objectifs d’optimisation de gestion des déchets :
→ Règlement (UE) N° 142/2011 de la commission du 25 février 2011 portant application du règlement (CE) n o 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil, qui établit les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux (SPA) et produits dérivés non destinés à la consommation humaine, et les exigences concernant la conversion de ces produits en biogaz ou compost.
→ Article 22 de la Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, qui suggère une collecte séparée du tiers putrescible du poids des poubelles des ménages (AIDA, 2008). En France, afin d’établir un nouveau diagnostic sur la composition des OMr des ménages et des professionnels, le MEEDDAT (Ministère de l’Écologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire),confie à l’ADEME la coordination de la deuxième campagne nationale de caractérisation des ordures ménagères, en 2007, soit 15 ans après la première campagne de 1993, selon la MéthOde DE Caractérisation des Ordures Ménagères (MODECOM), détaillée dans la norme NF X-30 408 (2013). Les résultats de cette caractérisation confirmeront ceux de 1993, à savoir que les déchets putrescibles représentent près d’un tiers du poids des OMr. La troisième campagne nationale de caractérisation des ordures ménagères, éditée le 28 mai 2019, confirme à son tour, cette même répartition des différentes catégories de déchets, comme le montre la Figure 1.
Biodéchets, compost et amendement de sols appauvris
Rappelons que le sol n’est pas qu’un support. C’est la couche la plus superficielle de la croûte terrestre. D’une épaisseur de 30 cm en moyenne, il est constitué de particules minérales, de matière organique, d’eau, d’air et d’organismes vivants (racines, faune, micro-organismes). C’est un réservoir de biodiversité microbienne, animale et végétale. La formation du sol résulte de processus naturels complexes d’altération des roches et de décomposition de la matière organique. Comme évoqué précédemment, l’appellation « biodéchet » pourrait être perçue comme un abus de langage. Loin d’être un déchet « ultime », le biodéchet est avant tout un résidu de matière organique non inerte, intrinsèquement riche en éléments nutritifs, sous réserve qu’il ne soit pas détourné du cycle de la vie végétale. Le compostage est un processus biologique aérobie de décomposition d’un mélange équilibré de déchets verts et bruns provenant du jardin et de la maison. Cette décomposition transforme les matières organiques du mélange, en un produit stabilisé, semblable à un terreau, riche en composés humiques et minéraux, appelé « compost ». Le compost n’est pas utilisé pur pour cultiver des végétaux, mais il est ajouté en surface pour améliorer et enrichir la terre dans le jardin ou les potées et jardinières. Ce n’est pas un support de culture, mais plutôt un amendement et un fertilisant. La décomposition du déchet organique est assurée par la microfaune du sol déjà en place (champignons, bactéries, vers de terre, insectes…).
En quelques mois, cette digestion catalyse la minéralisation des composés organiques, directement assimilables par les plantes. Azote, phosphore, soufre, potassium, magnésium, calcium, et oligoéléments sont les garants de la fertilité des sols. L’autre partie, digérée plus lentement, se minéralisera en plusieurs dizaines d’années et contribuera en attendant à la structuration du complexe adsorbant argilo-humique du sol, qui permet de retenir les cations sus-cités, alors disponibles pour les racines. Cette caractéristique confère donc au biodéchet un potentiel de valorisation matière, qu’il est nécessaire d’exploiter. Ainsi, le retour au sol des biodéchets, comme amendements de compost contribue à l’alimenter et donc à le préserver. Par leur apport en matière organique, les composts renouvellent l’humus, qui garde la terre aérée, perméable, résistante à l’érosion et participe au maintien de la stabilité du sol. « Pour qu’un sol conserve son taux d’humus, il faut lui apporter de la matière organique […] » explique Dominique Soltner, agronome défenseur d’une agriculture raisonnée (Véolia & Onyx, 2005). Le rôle de la matière organique dans le sol est résumé dans la Figure 4. Parallèlement, un amendement de compost peut être une substitution au recours à la tourbe dans la composition des terreaux horticoles. Rappelons que la tourbe est une ressource limitée qu’il convient de préserver pour ses multiples qualités (filtration et rétention de l’eau, stockage de carbone, habitat naturel, etc.) (Compostplus, 2015). Enfin, le compost est naturellement riche en phosphate, disponible immédiatement pour les plantes. Son usage agricole permet de réduire la dépendance au phosphate fossile.
Limites de la méthode
La méthode de cette enquête présente malheureusement quelques biais, qui ont été identifiés dès le départ :
• o Le choix d’un questionnaire en ligne à choix multiple, préféré à des entretiens physiques sur un plus petit échantillon d’enquêtés, se justifie par le contexte sanitaire de cette période de pandémie du Corona Virus, où il était difficile voire impossible d’organiser des rencontres physiques avec les résidents. Par ailleurs, le lancement de ce questionnaire a été de mon initiative, sans pour autant que mon temps de travail ait pu être aménagé pour que j’organise des enquêtes qualitatives par entretien. D’autant qu’il a fallu, après le confinement, rattraper le retard de nos prestations, accumulé. Mon choix s’est donc naturellement porté vers un questionnaire quantitatif, à choix multiples, en ligne, diffusé à un maximum de personnes.
• o Le nombre de réponses collectées n’est pas plafonné, dans la mesure où je n’ai pas pu déterminer au préalable combien de personnes allaient être volontaires pour me répondre. De ce fait, ce mode de prise de contact ne permet pas de savoir si les réponses sont représentatives de la totalité des compostants, dans la mesure où il ne nous est pas possible de connaitre le nombre exact de participants par copropriété (les référents eux-mêmes ne le sachant pas toujours). Ainsi, 241 compostants ont été volontaires pour répondre au questionnaire, sur un total de compostants inconnu et inquantifiable. Mon questionnaire ne correspond pas aux méthodes probabiliste, empirique, ou d’itinéraire, mais plutôt à la méthode par choix raisonnée, dont les répondants sont tous des volontaires, avec un type de profil d’enquêtés qui ont potentiellement un prisme de critères communes en lien avec leurs pratiques. L’échantillon présente donc le risque d’être biaisé, car il représente peut-être mal la population étudiée. En effet, la part de la population qui a abandonné la pratique du compostage, n’a probablement pas répondu au questionnaire, alors qu’il aurait été intéressant de recueillir les raisons de cet abandon. Nous faisons donc l’hypothèse que ces 241 réponses sont suffisamment nombreuses pour être représentatives de la totalité des compostants grand-lyonnais.
• o Les réponses s’adressent à un public vivant en copropriété, car aucune candidature des vagues V6 à V9 n’était portée par un bailleur. Les catégories socioprofessionnelles des compostants sont donc forcément impactées, puisqu’il s’agit majoritairement d’un public propriétaire des lieux.
• o Les réponses sont obtenues par des personnes volontaires pour y répondre. La sélection des individus de l’échantillon n’a pas été faite de manière aléatoire, ce qui peut biaiser certaines réponses. On peut supposer en effet, que les femmes sont plus disposées à répondre volontairement que les hommes, ou inversement, sans qu’il n’y ait de corrélation particulière avec la participation au compostage. On peut aussi imaginer que les personnes qui font l’effort de répondre à un questionnaire, sont les personnes les plus sociables et les plus aptes à tisser des liens avec le voisinage. •
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