La vague multimédia

La vague multimédia

La vague multimédia : 1993-1996

Préliminaire à la vague internet qui va suivre, cette période correspond à une vague technique. Elle est probablement la période la plus mal identifiée : elle ne correspond pas à une initiative institutionnelle, les instructions de 1995 sont en retrait, le parc scolaire est très hétérogène, il n’y a pas d’usages répandus de l’informatique dans les écoles. Sa pratique n’est pas inscrite dans un projet scolaire global. Cette période est pourtant significative car elle est marquée par une montée d’intérêt des enseignants usagers de l’informatique pour ces nouveaux logiciels multimédias. Dans l’analyse de contenu des articles de praticiens, au chapitre 7, sur les 38 articles recensés sur cette période, plus de la moitié font référence à l’utilisation de logiciels ou d’activités multimédias, alors qu’au cours de la période précédente il n’y ait pas fait référence, et qu’au cours de la vague internet, beaucoup moins (moins d’un quart des articles), les usages du réseau étant très majoritaires. La démocratisation progressive des matériels et l’augmentation significative de l’offre logicielle ont permis aux enseignants de s’approprier le multimédia. La « vague multimédia » va se caractériser par l’évolution rapide de l’informatique : les ordinateurs sont plus performants, l’offre logicielle s’étoffe, celle des cédéroms aussi, les prix baissent. En 1993, la baisse du coût des lecteurs de cédérom s’amorce. Le cédérom multimédia, quant à lui, est réellement né en 1991, à la suite de différents accords industriels8 . Jusqu’en 1993, un certain nombre d’accords vont encore intervenir pour définir les normes d’intégration des images, des sons, et de la vidéo. Dans cette période, le multimédia commence à se démocratiser dans la société avec la conception des premiers jeux vidéos exploitant les capacités du cédérom. On peut aussi noter, à cette époque, une nette évolution des interfaces avec l’arrivée, en 1990, de Windows 3.0, puis des différentes versions de Windows 3.1x entre 1991 et 1993. Le système d’exploitation Windows, à partir de ces versions, intègre les dernières avancées en matière de multimédia, et rattrape petit à petit les interfaces Mac et Atari. En 1995, le son et la vidéo sont gérés en standard par le système d’exploitation Windows 95. Ces évolutions techniques et logicielles sont contemporaines de la baisse du coût des ordinateurs. En 1993, on trouve des ordinateurs PC « corrects » pour moins de 10 000 F9 . Une école primaire peut commencer à pouvoir s’équiper hors dotation institutionnelle, à l’aide de la caisse coopérative, des associations de soutien, d’opérations de kermesse… Le rapport de la Task Force « Logiciels éducatifs et Multimédia »10 fait état de la montée du marché du micro-ordinateur au début des années 1990 avec l’apparition du cédérom « dont les capacités de stockage sont suffisantes pour permettre des usages multimédias. » (p. 14). En 1995, le taux moyen d’équipement en ordinateur des familles européennes est de 19 %, et le taux d’équipement multimédia a crû très rapidement en passant de 2,7 millions de lecteurs en 1994 à 9 millions en 1995, en Europe (p. 14). La montée de l’intérêt des familles pour le multimédia est notée par F. Sérusclat11 : « […] le micro-ordinateur devient dans les années 90 la machine de toute la famille utilisée pour le travail professionnel et scolaire tout autant que pour la culture et pour le jeu. L’intérêt des familles pour les multimédias éducatifs et culturels reflète de nouvelles préoccupations des parents. » Ces parents vont finir par attendre de l’école qu’elle pratique le multimédia. Ce rapport sénatorial fait état de salles informatiques équipées d’ordinateurs multimédias, en école maternelle et élémentaire en 1996.

La vague internet : à partir de 1997

En 1997, la France entre dans la société de l’information : nous datons cette période à partir de cette reprise en main institutionnelle des questions sur les nouvelles technologies en éducation. Les pratiques en place, et les futures, vont être intégrées dans un projet de société. Les collectifs d’enseignants ne vont pas non plus attendre pour se manifester sur l’internet, les Deuxième partie – Des actes de pratiques Chapitre 5 194 premières revues électroniques naissent : Ademirnet en 1997, EPInet en 1998, Cyber écoles en 1999, Educnet en 2000, Le café pédagogique en 2001. S. Pouts-Lajus & M. Richié-Magnier (1998) et F. Sérusclat17 notent que les premières connexions d’écoles ont lieu en 1995. L’école de Picquecos18, si souvent citée comme un exemple du genre, a ouvert son site début 1996. F. Sérusclat souligne l’ouverture de plusieurs sites de rectorats cette année là. M. Harrari remarque que ce sont les écoles affiliées à l’ICEM19 qui se sont connectées les premières en 1995. Elle note aussi que le CNDP ouvre un serveur web en 1995. J. Audran20, entre sa recherche de DEA et sa thèse, a recensé : en septembre 1997, 62 sites web d’écoles primaires, 659 en décembre 1998, 902 en novembre 1999 et 1 641 en décembre 2000. Cela ne représente qu’un très faible pourcentage d’écoles, la progression du nombre de sites web est toutefois très importante depuis 1996. Même si les sources institutionnelles21 divergent légèrement sur les chiffres de connexion des écoles, l’ordre de grandeur est de moins de 1 % d’écoles connectées en 1997, un quart en 1998-1999, presque un tiers en 2000, plus de la moitié en 2001. Le ratio nombre d’élèves par ordinateur dans les écoles primaires, est passé d’une centaine d’élèves pour un ordinateur en 1997 à environ 25 pour 1 à partir de l’année 2000. Ces chiffres peuvent être néanmoins nuancés fortement selon des critères régionaux. Une enquête menée par la Direction de la Programmation et du Développement22 en 1998 note que, sur un échantillon de 666 écoles primaires, 2 % des écoles maternelles et 10,5 % des écoles élémentaires sont connectées, ce qui représente un écart important avec les 25 % annoncés précédemment pour cette même période. En outre, il est difficile d’estimer la proportion des élèves utilisant réellement les TIC : « On compte près de 31 élèves par poste dans les écoles élémentaires et plus de 87 dans les écoles maternelles (pour les seules écoles équipées, les chiffres sont respectivement de 26 et 36 élèves par poste) ». On peut confronter ces chiffres à l’engouement dans la société pour les technologies numériques. L’INSEE donne le niveau d’équipement des ménages23. Celui-ci passe de 14 % des ménages équipés d’un ordinateur (multimédia ou non, portable ou non) en 1995 à 23 % en 1999. Le parc informatique familial est récent puisque 30 % des ordinateurs domestiques a été acquis en 1998. Le rapport du Premier ministre de 199924 donne ainsi la progression des utilisateurs de l’internet : 420 000 en mai 1996, 1 120 000 en mai 1997, 2 900 000 en mai 1998. Le service d’information du gouvernement fait un état de l’équipement en 200125 : entre 33 % et 36 % des ménages sont équipés en ordinateur, ce taux a presque doublé par rapport à 1997. En décembre 2001, un quart des foyers français est connecté à l’internet. La France connaît un essor considérable du nombre d’internautes. Selon les statistiques, elle compte entre 8 et 11 millions d’internautes en 2000, contre 1 à 2 millions en 1994. Nous assistons donc à un rythme de croissance élevé pour l’utilisation de l’internet par la société. Cette vague est à la fois une période de convergence et de cooccurrences : de la poussée technique des réseaux numériques et de leurs applications, des pressions industrielles et commerciales, de la vague politique, de l’engouement social, des pratiques scolaires émergentes sur le réseau. Elle donne « raison » aux enseignants militants pour les nouvelles technologies qui se sont engouffrés dans cette brèche pour donner de la visibilité à leurs travaux scolaires avec les TIC, et donc trouver, ou du moins rechercher, une certaine légitimité aux yeux de leurs collègues et de leur hiérarchie

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